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La loose - promesses

Publié le 02 juillet 2008 par Castor
La suite de "la Loose", feuilleton de l'été.
Il fait beau ce matin. Jean s’est lavé, rasé de près et légèrement parfumé. Le soleil matinal n'arrive pas à réchauffer l'air frais qui s'engouffre par les fenêtres ouvertes de la véranda attenante au salon. Il respire à plein poumon et se remplit du moment. Il a le sentiment que ce matin pourra tout effacer, comme une ardoise magique.
La virginité du jour fait naître en lui de nouveaux espoirs, développe une nouvelle énergie. Il pense à " la promesse de l'aube". Le titre du roman autobiographique de Romain Gary est sans doute un des plus beaux titres de livre.
À l'aube de sa vie, le narrateur se fait une promesse : ces années qui l'attendent, il les emploiera à devenir quelqu'un d'important, en hommage à sa mère, morte après avoir beaucoup souffert. Chaque aube contient-elle une promesse? Le projet fou de réunir le groupe, de l’inscrire à ce tremplin, n’était-il pas la promesse faite à Fabien de continuer là où ils avaient échoué ?
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Il fait couler un café expresso, allume une cigarette et décide que c'est le bon moment pour écouter de la musique. Il pense à ce morceau de Sonny Boy Williamson, opportunément intitulé « early in the morning ». Il hésite devant sa discothèque bien fournie. Il sélectionne un live de Patti Smith enregistré au festival des Vieilles Charrues. Voilà, qui est à propos se dit-il. Il passe la longue plage de « gloria ». Pour la gloire, on verra plus tard. Il retrouve le morceau original de Van Morrison.
You know she comes around here
At just about midnight
She make ya feel so good, Lord
She make ya feel all right
And her name is G-L-O-R-I
G-L-O-R-I-A (GLORIA)

Pascal n’a pas dormi. Il a les traits tirés. Il est resté là, sur la terrasse, en compagnie de Lucie. Ils se sont dit ce qu’ils auraient dû s’avouer vingt ans plus tôt. Puis, lorsque tout fut dit, ils se sont tus et ont observé le soleil se lever. Ensemble, sans un mot, ils ont suivi du regard cette grosse boule rougeoyante qui enflammait le ciel. Silencieux, ils se sont pris la main. Puis, Lucie avait fini par rejoindre Jane et Pascal avait profité du calme pour réfléchir seul sur son parcours, ce qu’il était devenu, ce qu’il aurait pu devenir.
She make ya feel all right
And her name is G-L-O-R-I
G-L-O-R-I-A (GLORIA)

Elle est venue ici vers minuit, elle m’a fait devenir meilleur….Il écoute les paroles de Van Morrison qui emplissent le salon et s’échappent jusqu’à la terrasse. Elles résonnent bizarrement. C’est impressionnant les différents sens que pouvait prendre une chanson selon les évènements auquel nous étions confrontés. C’est peut être à cela que l’on reconnaissait une bonne chanson d’ailleurs, à sa capacité à s’immiscer au plus profond de nous et à répondre nos questions les plus intimes sans que l’on ne l’y invite.
La gloire. Le prix payé pour honorer la promesse faite à son père n’avait-il été trop lourd ? L’appréhension qu’il avait éprouvé de présenter à tous la médiocrité de son destin s’était évaporée à mesure de la soirée. Chacun portait sa croix et il avait jugé certaines plus lourdes que la sienne. Il fallait faire avec, composer avec toutes ses contraintes. Vers sept heures, il avait appelé sa femme. Son fils était bien rentré. Il avait préféré prendre le premier bus plutôt que se faire raccompagner par des camarades pris de boisson. Stéphanie était apaisée à présent et elle lui avait mollement reproché de ne pas être venu. Sa légitime inquiétude cachait-elle une pointe de jalousie ?

Patti smith - v. charrues - gloria
envoyé par art-worlddiffusion
Valérie les a rejoint autour de la table en plastique où une pile de bol est posée sans que personne n’y ait encore touchée. Elle porte des lunettes de soleil et semble, elle aussi, avoir mal dormi.
- Pas facile le réveil. Avant que vous me posiez la question, sachez que Pierre-Alexandre s’est barré. On s’est disputé une bonne partie de la nuit. Certaines différences entre nous n’avaient pas une grande importance jusqu’à cette nuit. Et puis, nos retrouvailles d’hier soir m’ont permis de prendre du recul. Il parait que les bons choix sont ceux qui nous permettent de rester fidèles au petit enfant ou à la petite fille que nous étions. Je ne suis pas certaine qu’avec P-A, j’étais moi-même. Disons qu’il est arrivé au bon moment. Il est temps à présent qu’il sorte de ma vie. C’est le bon moment, là aussi.
- Alors, cela se termine comme ça ? Un mariage, des gamins et tout s’envole parce que tu t’engueules avec ton mec un soir ? Tu ne trouves pas que cela va un peu vite » s’interroge Jean.
- Si, mais vous connaissez ma détermination lorsque j’ai pris une décision. Lorsque nous nous sommes quittés en 1987, j’avais décidé de quitter mes parents et j’étais prête à tous les sacrifices pour cela. J’en ai bavé mais, jamais, je ne suis revenu sur ce choix.
- Et tes enfants ? Ils n’ont pas à subir ces choix. Tu leur dois de les élever dans un environnement propice à leur équilibre.
- Tu as raison. Mais ce sera sans Pierre-Alexandre. Il est vraiment trop con ! D’ailleurs, sachez qu’il vous prend tous pour des branleurs.
- Là, on ne peut pas lui donner tort » s’esclaffe Lucie.
- Tu veux un café pour te remettre de tes émotions ? » lui propose Jean. « Un expresso ? »
- Avec une cigarette, c’est exactement ce dont j’ai besoin.

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