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Enfance de Jeanne d'Arc

Par Osmose

Au bruit de l'Angelus qui sonne,
Sa mémoire céleste est vibrante et revit.


Au pied des coteaux qui bordent la Meuse, quelques chaumières se groupent autour d'une modeste église ; en aval, en amont, s'étendent de vertes prairies qu'arrose la petite rivière aux eaux limpides.
Sur les pentes se succèdent des cultures et des vignes jusqu'à la forêt profonde, qui se dresse comme une muraille au front des collines, forêt pleine de murmures mystérieux et de chants d'oiseaux, d'où surgissent parfois, à l'improviste, les loups, terreur des troupeaux, ou les hommes de guerre, pillards et dévastateurs, plus dangereux que des fauves.


C'est Domremy, village jusqu'alors ignoré, mais qui, par l'enfant dont il vit la naissance en 1412, va devenir célèbre dans le monde entier.


Rappeler l'histoire de cette enfant, de cette jeune fille, est encore le meilleur moyen de réfuter les arguments de ses contempteurs. Ces derniers s'attachant de préférence aux faits restés dans l'ombre, et dont quelques-uns nous ont été révélés par voie médianimique.

Jeanne n'était pas de haute naissance ; fille de pauvres laboureurs, elle filait la laine aux côtés de sa mère ou gardait son troupeau dans les prairies de la Meuse, lorsqu'elle n'accompagnait pas son père à la charrue.


Elle ne savait ni lire ni écrire ; elle ignorait tout des choses de la guerre. C'était une douce et bonne enfant, aimée de tous, surtout des pauvres, des malheureux, qu'elle ne manquait jamais de secourir, de consoler.
On raconte, à ce sujet, des anecdotes touchantes. Elle cédait volontiers sa couchette à quelque pèlerin fatigué, et passait la nuit sur une botte de paille, pour procurer le repos à des vieillards épuisés par une longue route. Elle soignait les malades, comme ce petit Simon Musnier, son voisin, qui grelottait la fièvre ; s'installant à son chevet, elle le veillait pendant la nuit.


Rêveuse, elle aimait, le soir, à contempler le ciel plein d'étoiles ou bien à suivre, le jour, les gradations de la lumière et des ombres. Le bruit du vent dans les branches ou les roseaux, le murmure des sources, toutes les harmonies de la nature l'enchantaient. Mais, à tout cela, elle préférait encore le son des cloches. C'était, pour elle, comme un salut du ciel à la terre.
Et lorsque, dans la paix du soir, loin du village, dans quelque repli de terrain où s'abritait son troupeau, elle percevait leurs notes argentines, leurs vibrations calmes et lentes, annonçant le moment du retour, elle s'abîmait dans une sorte d'extase, dans une longue prière où elle mettait toute son âme, avide des choses divines.
Malgré sa pauvreté, elle trouvait moyen de donner au sonneur du village quelque gratification, pour qu'il prolongeât la chanson de ses cloches au delà des limites habituelles.

Pénétrée de l'intuition que sa venue sur la terre avait un but élevé, elle plongeait par la pensée dans les profondeurs de l'invisible, pour discerner la voie où elle devrait s'engager. « Elle se cherchait elle-même », nous dit Henri Martin.


Tandis que, parmi ses compagnons d'existence, tant d'âmes restent enfermées et comme éteintes en leur prison charnelle, tout son être s'ouvre aux hautes influences.
Dans le sommeil, son esprit, dégagé des liens matériels, plane dans l'espace éthéré ; il en perçoit les clartés intenses, il se retrempe dans les courants puissants de vie et d'amour qui y règnent, et, au réveil, il conserve l'intuition des choses entrevues. Ainsi, peu à peu, par ces exercices, ses facultés psychiques s'éveillent et grandissent. Bientôt, elles vont entrer en action.


Cependant, ces impressions, ces rêveries n'altéraient pas son amour du travail. Assidue à sa tâche, elle ne négligeait rien pour satisfaire ses parents et tous ceux avec qui elle avait affaire. « Vive labeur ! » dira-t-elle plus tard, affirmant ainsi que le travail est le meilleur ami de l'homme, son soutien, son conseiller dans la vie, son consolateur dans l'épreuve, et qu'il n'est pas de vrai bonheur sans lui. « Vive labeur ! » c'est la devise que sa famille adoptera et fera inscrire sur son blason, lorsque le roi l'aura anoblie.


Jusque dans les humbles détails de l'existence de Jeanne se manifestent un sentiment très vif du devoir, un jugement sûr, une claire vision des choses qui la rendent supérieure à tous ceux qui l'entourent.
On reconnaît déjà là une âme extraordinaire, une de ces âmes passionnées et profondes, qui descendent sur la terre pour accomplir une grande mission.
Une influence mystérieuse l'enveloppe. Des voix parlent à ses oreilles et à son coeur ; des êtres invisibles l'inspirent, dirigent tous ses actes, tous ses pas. Et voilà que ces voix commandent. Des ordres impérieux se font entendre. Il faut renoncer à la vie paisible. Pauvre enfant de dix-sept ans, elle devra affronter le tumulte des camps !
Et à quelle époque ? A cette époque farouche où, trop souvent, les soldats sont des bandits. Elle quittera tout : son village, son père et sa mère, son troupeau, tout ce qu'elle a aimé, pour courir au secours de la France qui agonise. Aux bonnes gens de Vaucouleurs qui s'apitoient sur son sort, que répondra-t-elle ? « C'est pour cela que je suis née ! »


La première vision se produisit un jour d'été, à l'heure de midi. Le ciel était sans nuages, et le soleil versait sur la terre assoupie tous les enchantements de sa lumière. Jeanne priait dans le jardin attenant à la maison de son père, près de l'église. Elle entendit une voix qui lui disait : « Jehanne, fille de Dieu, sois bonne et sage, fréquente l'église, mets ta confiance au Seigneur. » E
lle fut saisie ; mais, élevant son regard, dans une clarté éblouissante elle vit une figure angélique, qui exprimait à la fois la force et la douceur, et qu'entouraient des formes radieuses.


Un autre jour, l'Esprit, l'archange saint Michel et les saintes qui l'accompagnaient, l'entretiennent de la situation du pays et lui révèlent sa mission. « Il faut que tu ailles au secours du dauphin, afin que par toi il recouvre son royaume. » Et Jeanne, tout d'abord, se défend : « Je suis une pauvre fille, ne sachant ni chevaucher ni guerroyer ! » « Fille de Dieu, va, je serai ton secours », lui répond la voix.


Peu à peu ses entretiens avec les Esprits devenaient plus fréquents ; ils n'étaient pas de longue durée. Les conseils d'en haut sont toujours brefs, concis, lumineux. C'est ce qui résulte de ses réponses aux interrogatoires de Rouen.
« Quelle doctrine vous montra saint Michel ? » lui demande-t-on. « Sur toutes choses, il me disait : Sois bonne enfant et Dieu t'aidera[8]... » Cela est simple et sublime à la fois, et résume toute la loi de la vie.
Les Esprits élevés ne se répandent pas en longs discours. Aujourd'hui encore, ceux qui peuvent communiquer avec les plans supérieurs de l'Au-delà, n'en reçoivent guère que des instructions courtes, profondes et marquées au coin d'une haute sagesse.
Et Jeanne ajoute : « Saint Michel m'a appris à me bien conduire et à fréquenter l'église. » En effet, pour toute âme qui aspire au bien, la rectitude des actes, le recueillement et la prière sont les premières conditions d'une existence droite et pure.


Un jour, saint Michel lui dit : « Fille de Dieu, tu conduiras le dauphin à Reims, afin qu'il y reçoive son digne sacre. » Sainte Catherine et sainte Marguerite lui répétaient sans cesse : « Va, va, nous t'aiderons ! » Alors s'établissent entre Jeanne et ses guides des rapports étroits.
Chez ses « frères de paradis », elle va puiser la résolution nécessaire pour accomplir son oeuvre : elle en est toute pénétrée.
La France l'attend, il faut partir !


Aux premières lueurs d'un jour d'hiver, Jeanne s'est levée ; elle a préparé son léger bagage, un petit paquet, son bâton de voyage ; puis, elle va s'agenouiller au pied du lit où reposent encore son père et sa mère, et, silencieuse, elle murmure un adieu en pleurant.
Elle se rappelle, à cette heure douloureuse, les inquiétudes, les caresses, les soins de sa mère, les soucis de son père, dont l'âge courbe déjà le front. Elle pense au vide que va causer son départ, au chagrin de tous ceux dont elle partagea jusqu'ici la vie, les joies, les douleurs. Mais le devoir commande : elle ne faillira pas à sa tâche. Adieu, pauvres parents ! adieu, toi qui as conçu tant d'inquiétudes au sujet de ta fille, vue, en rêve, en compagnie de gens d'armes ! Elle ne se conduira pas comme tu en avais l'appréhension, car elle est pure, pure comme le lis sans tache ; son coeur ne connaît qu'un amour : celui de son pays.


« Adieu, je vais à Vaucouleurs », dit-elle en passant devant la maison du laboureur Gérard, dont la famille était liée à la sienne. « Adieu, Mengette », fit-elle à sa compagne. « Adieu, vous tous, avec qui j'ai vécu heureuse jusqu'ici ! »


Il fut pourtant une amie dont elle évita de prendre congé : sa chère Hauviette. Les adieux eussent été trop émouvants, Jeanne s'en serait peut-être sentie ébranlée, et elle avait besoin de tout son courage.

Elle partit pour Burey où habitait un de ses oncles, pour, de là, gagner Vaucouleurs et la France.
A dix-sept ans, elle partit seule, sous le ciel immense, sur une route semée de dangers. Et Domremy ne la revit jamais.



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