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Quand le Pacifique Nord était un "lac russe"…

Publié le 22 septembre 2008 par Theatrum Belli @TheatrumBelli
Au moment où un bathyscaphe russe vient d'atteindre le fond de l'Océan Glacial Arctique – manifestant ainsi la volonté de la Russie nouvelle d'affirmer ce qu'elle considère comme ses droits sur les ressources des zones sous-marines prolongeant son territoire continental – il est opportun de rappeler que, dès le XIXe siècle, l'Empire des tsars, qui était généralement perçu comme une formidable puissance terrestre eurasiatique, se tournait vers les immenses espaces de l'Océan Pacifique. C'est à cette époque que furent menées à bien de grandes expéditions maritimes russes telles que celles de Krusenstern dans le Pacifique nord ou de Bellingshausen qui réalisa l'une des premières circumnavigations du continent antarctique. Les stations russes établies, jusqu'à hauteur de San Francisco, sur les côtes occidentales de l'Amérique du nord auraient pu constituer pour leur part les bases d'une véritable entreprise de colonisation mais l'histoire en décida autrement. La perception plus ou moins confuse de la nature "européenne" de la Russie des tsars a longtemps conduit à sous-estimer la dimension sibérienne, "asiatique" et pacifique de ce qui fut, lors de son apogée de la fin du XIXe siècle, le plus vaste empire du monde. Les Russes étaient pourtant présents sur les rivages de la mer d'Okhotsk et dans la péninsule kamtchadale avant que Pierre le Grand n'ait donné à ses États leur façade baltique et ce n'est qu'à l'issue d'une très lente progression, méthodiquement conduite au cours du XVIIIe siècle, que l'empire de Catherine II put prendre le contrôle des côtes septentrionales de la mer Noire. Contenus au nord et à l'ouest par les Suédois et les Polonais, au sud par la Turquie ottomane et la Perse séfévide, c'est vers les côtes de la mer Blanche et les immenses territoires à peu près vierges étendus au-delà de l'Oural que les Russes se tournèrent en priorité dès l'époque d'Ivan le Terrible, une fois assuré le contrôle du cours de la Volga et du débouché sur la Caspienne. La conquête de la Sibérie conduisit rapidement les Cosaques jusqu'aux steppes mongoles et aux portes du monde chinois en même temps que sur les rives de ce qui deviendra le détroit de Behring. De là, il était aisé de gagner les rivages américains du Pacifique nord, de prendre le contrôle des îles Aléoutiennes et de l'Alaska, de pousser vers Sakhaline et les Kouriles, de s'avancer vers les côtes de l'Oregon et jusqu'en Californie. De grands voyages d'exploration maritime confirmaient, au début du XIXe siècle, les ambitions des tsars dans les immensités océaniques révélées par Magellan trois siècles plus tôt et la mainmise sur l'Alaska, tout comme celle, éphémère, sur l'archipel des îles Hawaï montrent combien – sans le reflux entamé à la fin du deuxième tiers du siècle, marqué notamment par la vente, en 1867, de l'Alaska aux États-Unis – la géopolitique du Pacifique nord eût pu être bien différente au cours du siècle suivant.

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