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Alain Mabanckou présente "Bêtes sans patrie"d’Uzodinma Iweala

Par Albrizzi
Le pays n’est pas nommé, mais on pense immédiatement au Libéria, à la Côte d’Ivoire et à la Sierra Léone. Dans un paysage dévasté par la guerre, jonché de cadavres et balayé par un air pestilentiel, Agu raconte son destin d’enfant soldat au service d’un chef rebelle pédophile. Comme Ahmadou Kourouma, avant lui, dans Allah n’est pas obligé, l’écrivain américain Uzodinma Iweala déroule le processus de déshumanisation subi par ces orphelins. Ce récit coup de poing est aussi une prouesse langagière : son anglais « pourri » mélange de pidgin et de dialectes nigérians a été brillamment traduit par le prix Renaudot 2006 Alain Mabanckou, qui a du trouver une musique, multiplier les trouvailles sans dénaturer la version originale. Une partition jouée à quatre mains.
Article paru dans Femmes (n° d'octobre)
"Bêtes sans patrie" d’Uzodinma Iweala, traduit par Alain Mabanckou, Editions de l’Olivier, 179 p., 18 euros.
INTERVIEW D'ALAIN MABANCKOU, TRADUCTEUR DE "BÊTES SANS PATRIE"
Si Ahmadou Kourouma a ouvert la voie avec "Allah n’est pas obligé" en se glissant dans la peau d’un de ces hommes miniatures voués à la guerre par des adultes sans pitié pour l’enfance, Uzodinma Iweala emboîte le pas à son aîné sans avoir à rougir.
Au-delà de son sujet très fort, ce livre coup de poing est aussi une prouesse au niveau de la langue et de sa traduction. Mélange d’anglais et de plusieurs dialectes nigérians, le récit inventé par Iweala fait figure d’OVNI dans la rentrée littéraire. Au point d’avoir su convaincre l’écrivain français d’origine congolaise Alain Mabanckou d’en être le traducteur. Une première pour le prix Renaudot 2006.

Bêtes sans patrie d’Uzodinma Iweala est votre première traduction. Pourquoi lui? Pourquoi maintenant?
Uzodinma Iweala est un écrivain dont l'écriture m'a ébloui. J'aime les livres qu'on "entend", qui résonnent, qui vous laissent pendant longtemps sous le "choc" de l'admiration et de la fascination. J'avais l'impression qu'il avait écrit ce livre pour moi, il me suffisait alors de prolonger son chant, de prendre le même timbre de voix. Le livre fut publié avec succès aux Etats-Unis en 2005...
Quelles sont les plus grosses difficultés dans une traduction comme celle-ci ? Avez-vous demandé conseil à des traducteurs ?
C'était une traduction très délicate : la langue d'Uzodinma est un mélange de pidgin et de beaucoup de langues du Nigeria. Son Anglais est donc "pourri" comme on le souligna aux Etats-Unis. Il fallait non pas traduire de manière linéaire mais trouver une musique, briser la phrase, multiplier des trouvailles sans dénaturer la version originale ou s'en éloigner. C'est à cet instant que j'ai porté ma casquette d'écrivain. Je n'ai pas voulu voir ou consulté l'auteur - que je n'ai d'ailleurs toujours pas rencontré. Je tenais à garder cette distance. Je n'ai pas non plus consulté d'autres écrivains qui traduisent...
Est-ce que vous désirez lui apporter un coup de pouce en le traduisant et en le faisant connaître en France?
Je ne sais pas s'il faut parler de coup de pouce. Je suis persuadé que les grands livres - comme celui d'Uzodinma Iweala - finissent par trouver leur lectorat. Je me réjouis toutefois de présenter cet auteur au lectorat d'expression française. Ce n'est pas un fait extraordinaire qu'un écrivain tende la main à un autre.
Cette traduction restera-t-elle un cas isolée ou aimeriez-vous continuer?
Je traduirai selon mes humeurs et selon mes coups de coeur. C'est un travail de longue haleine qui m'oblige à mettre de cote ma propre création. Donc je ne le ferai qu'au compte-gouttes car il me faut avant tout privilégier le plaisir du texte et de la découverte.
Entretien paru sur www.culture-cafe.net

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