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Un Z qui veut dire Bojan

Publié le 27 octobre 2008 par Maitrechronique
Noires et blanches en couleurs
Ce texte est le quatrième rendez-vous d'un collectif de blogueurs qui partagent la même passion pour la musique et plus particulièrement le jazz. Le principe est simple : chaque participant écrit un texte sur un sujet prédéterminé et le met en ligne en même temps que ses petits camarades. Aujourd'hui, le "Z Band" planche sur les pianistes...
Cette histoire remonte au jour précis du printemps 1993 : le 21 mars de cette année-là en effet, mû (c’était une habitude chez moi avant que je ne devienne un quinquagénaire imprégné de toute la sagesse de l’expérience) par l’irrépressible besoin d’acquérir un disque nouveau et fort attendu dans les plus brefs délais, je m’étais précipité chez mon disquaire (déjà, à l’époque, une grande surface autoproclamée agitatrice culturelle, le seul vrai disquaire local ayant renoncé à son rayon jazz, une amputation qui préfigurait l’arrêt définitif de la vente de disques voici peu de temps) pour acheter An Indian’s Week, un disque que l’Azur Quintet, la nouvelle formation d’Henri Texier, venait de publier. Avec cet album salué par la critique comme une référence en matière de jazz, le contrebassiste se présentait plus que jamais comme le maître à jouer d’une nouvelle génération de musiciens. Il s’affirmera d’ailleurs encore plus dans cette position de quasi-gourou avec son disque suivant, Mad Nomad(s), publié en 1995 et d’une incroyable richesse. Parmi ces musiciens en devenir, un franco serbe au nom imprononçable, le pianiste Bojan Zulfikarpasic, qui ne tarda guère, quelque années plus tard, à simplifier son patronyme pour n’en conserver que la consonne initiale.
«J'ai connu Bojan grâce à une cassette que Sébastien (NDLR : Sébastien Texier, fils d'Henri et lui-même membre de l'Azur Quartet) m'a fait entendre, dans laquelle jouaient d'autres copains à lui tels que : Julien Lourau, François Merville, Marc Buronfosse... Quand je l'ai entendu, je me suis dit que j'aimais beaucoup ce pianiste qui ne jouait pas de "pianismes" ni de pathos... Je lui ai téléphoné, nous avons commencé à travailler illico et cela a duré 12 ans sans interruption...». Voilà ce que me confiait il y a quelques jours Henri Texier, démontrant ainsi sa clairvoyance et rendant entre les lignes un bel hommage au pianiste. L’histoire voudrait d’ailleurs (mais je n’ai pas encore pris le temps de la vérifier) que le nom du groupe Azur soit une déformation trouvée par Henri Texier lui-même qui, à l'époque, jouait dans plusieurs groupes dont celui pour lequel le piano était tenu par Bojan Zulfikarpasic et la batterie par Tony Rabeson. Ce groupe s’appela d’abord Zu-Ra puis par rapprochement avec un mot courant devint Azur.
«Etrange, étranger. C’était l’idée que j’avais en tête. A Paris, je ne suis jamais considéré français à 100 % et à Belgrade, c’est pareil ! Mais grâce à toi-même, tu peux retourner ce genre de préjugés et te sentir partout chez toi… Etranger, c’est une profession en soi». Cette fois, c’est Bojan Z qui se définit lui-même en 2006 au moment de la publication de son dernier disque, Xenophonia, dont le titre est dérivé du nom de l’instrument dont il joue, le xénophone, celui-ci étant une forme modifiée du Fender Rhodes. Ce xénophone au son rude, brut, saturé, presque sale, qui n’est pas sans rappeler les sonorités parfois arides des claviers de Mike Ratledge lorsque celui-ci jouait au sein de Soft Machine. Un instrument étrange avec lequel il se permet même une étonnante reprise de «Ashes To Ashes» de David Bowie. Et un disque à découvrir, absolument.
C’est vrai que le chemin parcouru par Bojan Z depuis 20 ans est aujourd’hui très impressionnant. Musicien de formation classique, imprégné de l’héritage culturel de son pays d’origine et de la musique des Balkans, arrivé en France à l’âge de 20 ans, le pianiste n’a pas tardé à se faire repérer par les meilleurs qui ont très vite fait appel à lui. Il y a fort à parier que tous ont été sensibles à l’expressivité de son jeu, festif et grave à la fois – voilà, c’est ça, je cherchais une expression qui définisse au mieux ce que je ressens en écoutant sa musique : une gravité festive – dont le chant porte de façon très vibrante toute l’âme de ses racines orientales. Outre Henri Texier pour une collaboration de longue durée (12 ans et quatre disques), on a pu l’écouter aux côtés d’un autre grand monsieur, Michel Portal, pour un Dockings trop méconnu où la compagnie de musiciens tels que Steve Swallow ou Joey Baron était l’indice d’un talent hors du commun. Aux côtés d’un Julien Lourau musicalement désinhibé et libre de toute entrave (le saxophoniste, ne l’oublions pas, était par ailleurs membre de son quartet initial), Bojan Z allait aussi mettre un feu intense sur scène comme sur disque pour le projet Fire & Forget du saxophoniste. Oublier ? Certainement pas… Entre temps, Bojan Z aura été frotter les touches inspirées de son piano au continent américain. En témoigne Transpacifik, disque magnifique enregistré en trio avec Scott Colley (basse) et Nasheet Waits (batterie). Aujourd’hui, Bojan Z semble maître de son propre destin et conduit avec maestria un trio brûlant dont le Xenophonia, sixième disque en tant que leader, fut non seulement remarqué mais couronné de récompenses. Une de plus, dirons-nous, si l’on se souvient que son premier quartet (avec Julien Lourau, François Merville et Marc Buronfosse) avait raflé dès 1990 le premier prix de groupe au Concours National de Jazz de la Défense. Et dans une récente interview accordée au magazine Jazzman, Bojan Z faisait part de sa volonté d’avancer, toujours et encore, et de se confronter à de nouvelles expériences, comme celles du rap par exemple. Nous ne sommes peut-être qu’au début d’un long chemin.
Habitant Nancy, j’ai eu la chance de voir sur scène Bojan Z à plusieurs reprises, cinq exactement, notre homme se produisant à chaque fois dans une formation différente. C’est là un vrai privilège. Ce fut d’abord l’Azur Quintet en 1997, date à laquelle le groupe centrait beaucoup ses concerts sur le répertoire de son seul disque de l’époque, An Indian’s Week Deux ans plus tard, le pianiste était aux côtés de Michel Portal pour une remarquable performance, toute en nervosité et tension, juste après la sortie de Dockings. Dès l’édition suivante, en octobre 2003, c’est en duo avec le saxophoniste Julien Lourau qu’il faisait vibrer la petite salle du Vertigo pour un concert qu’à titre personnel il m’est difficile d’oublier dans la mesure où le quartet qui assurait la première partie de la soirée, Mozaic Elements, n’était autre que celui qu’avait formé un jeune saxophoniste de 18 ans, mon propre fils ! Je n’épiloguerai pas ici sur l’émotion qui peut gagner un père en ces circonstances, mais je me souviendrai toujours du caractère exceptionnel de ces instants. Le duo saxophone / piano m’en est apparu encore plus beau… En 2005, changement radical de cap : Bojan Z, au Fender Rhodes, illumine de sa présence le combo de Julien Lourau qui vient de publier Fire et s’apprête à doubler la mise avec un second opus, Forget. Ce projet profondément original mériterait vraiment qu’on lui consacre plus de temps tant son énergie, son imprévisibilité et un caractère volontiers radical en étaient la marque profonde. On aimerait d’ailleurs qu’il ait une suite… Et pour finir, voici venir octobre 2006 : dans la belle Salle Poirel, Bojan Z est cette fois tête d’affiche et emporte l’adhésion du public grâce à son trio (Rémi Vignolo : contrebasse et Ari Hoenig : batterie) et à son xénophone.
Pour conclure, je ne résiste pas au plaisir de citer une fois encore Henri Texier qui nous dresse en quelques mots un bien beau portrait de Bojan Z : «Bojan est un très vif maître de l'espace temps si l'on considère que les musiciens de Jazz sont des sculpteurs de temps qui passe». Faut-il ajouter quoi que ce soit ? Non, bien sûr, juste prendre le temps d’écouter sa musique.
Quant à partager ici un extrait de sa discographie, notons qu’on se trouve face à un choix particulièrement redoutable : on a vu que les expériences de Bojan Z sont nombreuses et variées depuis quinze ans et que toutes méritent d’être retenues. Alors il reste la solution consistant à privilégier l’aventure solitaire, celle du disque Solobsession enregistré en 2000 à l’intérieur duquel, là encore, il faut se creuser la tête et trancher dans le vif d’une sélection forcément injuste. La boucle devant être bouclée, on écoutera « Don’t Buy Ivory Anymore», dont la mélodie, signée… Henri Texier, est ici comme magnifiée par une interprétation épurée. Une troisième version d’un thème qu’on connaissait depuis Update 3.3 d’Humair, Jeanneau, Texier en 1990 avant sa reprise par l’Azur Quintet avec An Indian’s Week en 1993. Alors bon voyage à vous qui, j’en suis certain, aurez envie d’en savoir un peu plus sur Bojan Z.

Une discographie sélective
Bojan Z apparaît d’ores et déjà sur bon nombre d’enregistrements. On en trouvera ici une sélection, composée de références toutes disponibles sur Label Bleu.
En tant que leader :
- Bojan Z Quartet, 1993
- Yopla!, 1995
- Koreni, 1999
- Solobsession, 2000
- Transpacifik, 2003
- Xenophonia, 2006
Avec l’Azur Quintet d’Henri Texier :
- An Indian’s Week, 1993
- Mosaic Man, 1998
- Strings’ Spirit, 2002
Avec le Sonjal Septet d’Henri Texier :
- Mad Nomad(s), 1995
Avec Michel Portal :
- Dockings, 1997
Avec Julien Lourau :
- Fire, 2005
- Forget, 2005
Merci à Henri Texier d'avoir bien voulu prendre de son précieux temps pour répondre à quelques unes de mes questions.

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LES COMMENTAIRES (1)

Par said
posté le 08 décembre à 15:52
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bonsoir mon belle amie je t'adors est je t'aimmme trop ah j'aimmme ton vessage est aussi ta forme veux ete un bonne jouer comme maradona ah j'ai composer ton nom dans mon bras bojan reponde moi sil veux plais