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Je sors un vieux rogaton

Par Loïs De Murphy

(J’ai retrouvé un vieux coup de gueule que j’avais publié sur mon ancien blog il n’y a pas tout à fait deux ans… (Soupir) Quand je vois où on en est à présent…

« La raison du plus fort est toujours la meilleure.

Jean de la Fontaine avait raison, mieux vaut être un loup qu’un agneau. Dans le meilleur des cas tu es un loup chez Hélène Grimaud, choyé, adulé, respecté et en sécurité puisqu’on ne tire pas sur la pianiste, sauf dans un titre de François Truffaut. Dans une situation moins confortable tu es un loup haï et traqué dans les montagnes, parce que tu baffres moult agneaux – si ce n’est lui c’est donc son frère, d’où la quantité – alors qu’avec de bons enclos, une surveillance adéquate et des Patou le problème se pose moins donc se résout mieux. (Sur ce coup je sens que je vais me faire traiter de lectrice de Pyrénées Magazine) 

Tu peux aussi être le président des loups, et vouloir crécher à Versailles parce que merde ! L’Elysée ça commence à être un peu étroit pour tes bourrelets. Etant l’élément alpha de la meute, tu as bien sûr une femelle alpha à tes côtés qui n’aura pas trop de la Galerie des Glaces pour mirer ses tenues Prada.

La femelle souvent admire le dominant, et l’approcher peut la transformer en historiographe et lui permettre de pondre cent quatre-vingt pages sur leur rencontre. Yasmina Reza, qui regrettait sur France Inter de devoir supporter un public bruyant et applaudissant aux concerts se contentait du coup de les écouter chez elle et me rappelait que si deux trois non avertis s’enflammaient à la fin d’un mouvement, on n’allait pas les blâmer d’éprouver des émotions à l’écoute d’une œuvre classique quand d’autres blasés savaient attendre la fin de l’œuvre pour taper distraitement mais au bon moment dans leurs mains bien élevées mais sans joie. J’ai pleuré en écoutant Le vol du bourdon interprété à la flûte par Jean-Pierre Rampal, seule dans le salon de ma mère à six ans, mais ce n’était rien à côté des larmes que j’ai versées au milieu d’une foule hétéroclite à l’ouverture de la Traviata de Verdi des années plus tard. Vaut-il mieux être enthousiaste ou bien élevée, j’avoue qu’une « my fair lady» qui siffle entre ses doigts peut me fasciner par ce culot naturel qu’on a essayé de m’enlever avec un peu de succès je le crains.

Si tu n’es pas un loup, pour t’en sortir tu peux sacrifier ton pathos au tout venant dans les médias, et t’appeler Grégory Lemarchal peut être du coup un avantage.

Tu peux faire une chanson, essoufflé par ta mucoviscidose tu rappelles aux téléspectateurs émus qu’ils ont bien fait de donner au Téléthon et que c’est ma foi un peu grâce à eux que tu en es là. Leur générosité leur sortira par les pores de la peau et les baignera un temps dans un liquide tiède et quasi amniotique, celui du Coca-Cola déversé directement dans leurs cerveaux disponibles. Si par-dessus le marché tu as la politesse de décéder en pleine gloriole, alors sois assuré de leur reconnaissance éternelle, et d’être accompagné par un chagrin superficiel qu’ils ressentiront là où la mort de leurs Vénérables en maison de retraite les avait laissés cois.

Si tu es un petit bout de femme et que tu t’appelles Mimie Mathy, tu pourras avoir un verni de notoriété et un élan de sympathie à ton égard en martelant dans les médias que les faibles n’ont que ce qu’ils méritent et qu’il faut s’arracher le cul pour y arriver. D’ailleurs ça t’arrangera, car tu te demandais pourquoi tu la trouvais sympa alors que tu cassais du nain à la récré en cinquième. Grâce à sa démonstration, tu n’auras pas de culpabilité rétrospective, les faibles n’ont que ce qu’ils méritent.

En parlant de faibles, tu n’oses l’avouer depuis tout à l’heure, mais il y a une catégorie qui t’insupporte, te fait vomir depuis pas mal d’années, c’est celle des SDF. Ils n’en fichent pas une rame, sentent mauvais, se rassemblent en groupe sur les places avec leurs chiens galeux, pissent contre les murs et te réclament quelques centimes d’euro pour aller boire de la bière sur le banc d’à côté.

Tu verras bien qu’un beau matin, fatigué / J’irai m’asseoir sur le trottoir d’à côté / Tu verras bien qu’il n’y aura pas que moi / Assis par terre comme ça. Oui je sais mon ami, quand c’est Souchon qui le chante, ça ne fait pas le même effet.

Tu serres les dents sur ton divorce, ta pension alimentaire, tes crédits, tes impôts, ton boulot de merde et ta Xsara Picasso, tu serres les fesses et te la mets derrière l’oreille quand tu croises la voisine parce que cette conne ne mouillera jamais pour toi avec son bénévolat à S.O.S Amitié et son vélo hollandais acheté d’occase, tu te bouches les oreilles quand tu entends parler des licenciements massifs et tu insultes les abrutis de syndicalistes, les ouvriers privilégiés, ainsi que les chômeurs et les rmistes profiteurs et glandeurs. D’ailleurs tu serais à la tête de l’Etat, tu remettrais tout ce beau monde au travail et dégagerais ces putains de trente-cinq heures qui ruinent les entreprises. J’attends de voir avec impatience comment tu remettrais des milliers de licenciés au taff, je t’admire déjà rien qu’à l’idée. Pour l’heur, tu habites à Argenteuil et ton maire est un bon maire. Tu as bien fait de voter pour lui puisque après deux arrêtés antimendicité, il achète du Malodore afin de les empuantir suffisamment pour qu’ils déguerpissent des abords du centre commercial où tu vas faire tes courses.

Les sans domicile fixe et les sans papiers n’ont pas le droit en France d’être des citoyens. L’Eglise a donné une âme aux femmes et aux noirs, l’Etat a aboli l’esclavage et donné des droits, mais pour les gens comme toi il est impossible de vivre sans une tête de turc sur laquelle cracher, un bouc émissaire responsable de toutes tes emmerdes, comme Vincent Zapolsky à qui tu cassais la gueule après que le nain eut quitté ton collège, épuisé et phobique après les bons soins prodigués par toi et tes potes.

Ca te rappelle que tu appartiens bel et bien au clan des loups. Ce clan qui craint et respecte son mâle et sa femelle alpha, et qui maltraite le loup oméga pour justifier le système. Si tu t’exclus du système, tu deviens ce loup oméga. Cette peur suffit pour que tu en supportes les iniquités. Tu as de la chance, tu es blanc, français, en bonne santé, et tu travailles en contrat à durée indéterminée (si ce n'est pas le cas tu es encore plus bête que je ne le pensais)… Pourvu pour toi que cela dure… »


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