Magazine Humeur

Les «LBO(a constrictors)» ne digèrent plus leurs proies !

Publié le 17 février 2009 par Kamizole

boa-constrictor-a-laffut-dune-proie.1234867587.jpgSi n’était le sort des salariés qui risquent d’être mis sur le pavé, cela me ferait franchement rigoler… Bien fait pour les «fonds» et leurs gérants ! car je rappellerais aussi succinctement que possible (mais oui ! cela peut m’arriver…) le principe des LBO dont les acquéreurs – des «fonds» qu’ils fussent d’investissements ou purement spécu-latifs : «hedge funds» - qui s’appuient sur le «levier du crédit» pour financer leur achat… laissant supporter l’entier poids de la dette à l’entreprise tout en exigeant des rendements astronomiques : du 15 % sinon rien ! au minimum…

C’est dire si celles-ci doivent pour «serrer les coûts» au maximum - tout en augmentant la productivité - demander beaucoup d’efforts à leurs salariés, souvent après avoir licencié une bonne partie du personnel.

Rembourser la dette – souvent astronomique - était encore possible, avec beaucoup d’efforts, tant que l’activité économique restait soutenue. C’est devenu quasi impossible par temps de récession et de raréfaction du crédit : «crédit-crunch»

En attendant, très certainement une «dépression», n’en déplaise à Christine L’Hagarde qui ne voulait même pas entendre parler de récession : fuyant les «mots qui font peur»… Championne du «concours d’autruche» ! Comme si la peur évitait le danger… Elle eût mieux fait de mettre tous ces mois à profit pour mettre en œuvre «une autre politique» qui eût – peut-être – permis d’éviter le pire.

Entre 2003 et 2007 - sur fond de «crédit facile» le phénomène s’est accéléré et les LBO se sont multipliées à un rythme aussi effréné que la spéculation ambiante. Un administrateur judiciaire de Nanterre – Hélène Bourbouloux – me fait doucement rigoler en affirmant «qu’il ne faut pas diaboliser les LBO» (…) car les fonds auraient aussi un rôle positif (…) en assurant la transmission d’entreprises familiales sans succession et en financement leur développement»… A d’autres ! Une belle citerne de lait d’beu.

En effet, l’intérêt de l’entreprise sur le long terme n’est aucunement la priorité des fonds qui recourent au dispositif du LBO puisque sa rentabilité et la recherche des profits à très court terme n’obéit qu’à un seul objectif : lui faire prendre de la valeur (financière) pour la revendre – en empochant une confortable plus-value ; au moins «la culbute» et parfois jusqu’à 3 ou 4 fois le prix d’acquisition – le plus rapidement possible.

Je me souviens avoir lu que la durée moyenne de conservation d’une entreprise par les fonds qui en étaient propriétaires était passée d’environ 7 ans à 2 ou 3 années maximum, parfois 1 an !

Sur le plan économique c’est bien entendu une aberration supplémentaire de la spéculation à tout-va et de la course aux profits : voilà les entreprises devenues des «marchandises» - au sens général – comme les autres ! Leur «commerce» semblant d’ailleurs nettement plus rentable que celui de «l’économie réelle» qui est la finalité première des entreprises : produire des biens et des services pour une clientèle.

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Après «l’entreprise sans usine» chère à Serge Tchuruk – qui s’est ensuite illustré à Alcatel-Lucent par une déconfiture meu-meu avec sa comparse Pat Russo ! que pour ma part, «photo parlante» aidant, j’ai toujours comparée à Cruella ! - on n’aura guère fait mieux… si ce ne sont les aberrations de la finance en folie dont nous payons tous le prix – fort !

De plus en plus d’entreprises rachetées par LBO sont asphyxiées par la dette
LE MONDE | 14.02.09 ©

Toujours est-il que je lis dernièrement dans le Monde que les entreprises qui ont été acquises par le mécanisme du LBO sont étranglées par le poids de leur endettement. L’article prenant le cas d’une verrerie implantée dans l’Oise et fabriquant des flacons pour la parfumerie et la pharmacie. Laquelle doit rembourser 40 millions d’euros par an ! J’aimerais bien savoir quel doit être le chiffre d’affaires qu’elle doit réaliser pour y parvenir…

Impossible par temps de crise… Les fonds se battraient contre les créanciers. Cette situation fait rager un syndicaliste car à quelques kilomètres leur concurrent direct viendrait d’embaucher 130 personnes…

Il ne s’agit que d’un exemple parmi beaucoup d’autres. Selon Le Monde, la liste des LBO défaillants s’allongerait : «dans les secteurs de la santé, de la distribution, de la construction, de l’agroalimentaire, de la nutrition animale»… Il est encore difficile d’en établir une liste exhaustive car «les procédures engagées auprès des tribunaux de commerce sont, la plupart du temps des mandats ad hoc confidentiels pour éviter de stigmatiser la société»

La «transparence» n’a jamais été vertu cardinale des tribunaux de commerce ! «La mafia des tribunaux de commerce» d’Antoine Gaudino m’aura été d’une très instructive lecture tout en me donnant de sérieux motifs de colère… J’avais beau savoir la justice consulaire gangrenée, je ne pensais pas que ce fût à ce point.

La réforme projetée - adjoindre un magistrat de l’ordre judiciaire à deux «échevins» commerçants - est restée dans les cartons !

Trop de petits et grands intérêts en jeu. Pas question de foutre un bon coup de pied dans la fourmilière à laquelle vous ajoutez la mafia des administrateurs judiciaires qui préfèrent le plus souvent mettre une entreprise sur la paille pour en tirer quelque bénéfice ou arranger les copains et les coquins…

Toujours est-il qu’aujourd’hui le phénomène du surendettement des entreprises acquises par le biais des LBO toucherait des entreprises de «tailles significatives» ce qui fait craindre bien entendu des licenciements de plus en plus massifs si elles sont obligées de déposer le bilan.

L’avenir des entreprises acquises en LBO me paraît plus que sombre. Pour plusieurs raisons.

Même si l’article souligne que les banques et les fonds d’investissements n’ont – objectivement – pas intérêt à laisser aller les entreprises jusqu’à la faillite car dans ce cas, elles perdraient tout.

Il n’est pas évident que les banques – la fourmi n’est guère prêteuse en ce moment ! - acceptent de rééchelonner la dette des entreprises… Le risque serait qu’elles exigeassent au contraire le remboursement immédiat de la dette.

Démarche évidemment stupide mais si les banquiers étaient des personnes intelligentes et responsables, soucieuses de l’intérêt général, cela se saurait et elles nous ont plutôt donné des preuves de l’inverse ces dernières années.

Les fonds d’investissements - aujourd’hui eux-mêmes à cours de liquidités - seront sans doute tentés de se débarrasser des entreprises en difficulté, sans doute en les «dépeçant» : en vendant les actifs qui ont encore quelque valeur pour tenter de récupérer une partie de leur mise.

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«Dépecer» : vous remarquerez comme moi combien le vocabulaire économique – souvent guerrier ! – prend cette fois une tournure animalière dans la catégorie des «prédateurs»

Enfin, dans le cas où les créanciers ne sont pas des banques mais des «hedge funds» - pas forcément dans la meilleure forme financière actuellement – «qui auront racheté la dette LBO aux banques qui les auront revendues sur le marché…» : encore un effet pervers de la titrisation ! censée limiter les risques mais les ayant au contraire disséminés à la planète entière – leur intérêt, précise l’article, «n’est pas d’assurer la survie des entreprises mais de vendre ces titres de dette au plus haut»

Je peux vous assurer que les commentaires laissés par les lecteurs du Monde ne sont pas tendre ! Quelques exemples :

Ainsi Lolo : «Tous les contrats de LBO devraient être annulés au titre d’enrichissement sans cause. Plus de dettes exhorbitante à rembourser. On n’investit que pour développer, pas pour pomper l’argent, presser le travail et tuer l’entreprise, pire encore que les fils de famille !»

La notion juridique «d’enrichissement sans cause» - enrichissement d’une personne en relation directe avec l’appauvrissement d’une autre alors que le déséquilibre des patrimoines n’est pas justifié par une raison juridique – ne fait pas expressément l’objet d’un article du Code Civil.

Elle a toutefois été admise tant par la doctrine que par la jurisprudence de la Cour de cassation - notamment l’art. 1371 c. civ. lequel traite des «quasi-contrats». Sur le plan théorique elle se réfère à un adage du droit romain «de diversis regulis» que je traduirais librement par : «contraire à la règle»… elle permet, si l’enrichissement sans cause est reconnu, une action dite «de in rem verso» qui consiste - selon des modalités laissées à l’appréciation des juges - à rembourser les sommes injustement perçues.

Elle fait à l’évidence intervenir également la notion de «cause» de l’obligation mais c’est là une notion bien trop complexe pour que je l’abordasse aujourd’hui si ce n’est pour dire que dans un contrat synallagmatique «la cause de l’obligation de chacune des parties réside dans l’obligation corrélative de l’autre». Cette réciprocité est en effet essentielle.

Or ce qui apparaît bien en analysant juridiquement les contrats de LBO c’est que les «fonds» prêteurs – sauf le fait d’avoir prêté de l’argent à l’entreprise dont ils sont devenus par ce fait les propriétaires - n’assument aucune obligation d’un investisseur et d’un entrepreneur «normal» puisque, bien au contraire, ils en épuisent le capital et les ressources en se remboursant «sur la bête»… L’absence de «cause» réelle et sérieuse, me paraît parfaitement évidente et donc également, «l’enrichissement sans cause»

Autre commentaire tout aussi pertinent de Florent A. : «L’idée même de devenir propriétaire d’une boîte en faisant racheter le crédit par la boîte elle même n’est-elle pas proprement scandaleuse ? Cela signifie très concrètement que le futur propriétaire ponctionne une partie des bénéfices, sans doute au détriment de l’emploi et de l’investissement. Mais on s’inquiète seulement aujourd’hui. Un système fou…».

De même, Jean-Marie : «Et puisque les tribunaux de commerce sont déficients, il faut renforcer la loi en interdisant aux entreprises de rembourser les dettes de leurs actionnaires. Au lieu de nous abrutir avec sa lutte contre le protectionnisme, le G7 ferait mille fois mieux de se soucier de ce genre de régulation”.

Je laisserais le mot de la fin à Christophe C. : «Quand va-t-on commencer par appeler ces fonds par leur vrai nom : des prédateurs ?»


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