Magazine

Les contes de l'ordi sacré : la vengeance du caribou fou : 12

Publié le 08 mai 2009 par Porky

EPISODE 12 : Où l'on assiste à ce qui pourrait ressembler à une conversation si l'on définissait le dialogue comme un monologue et où Gudule ramène sa fraise devant la grotte pluricentenaire.

 Le Masque de fer n'entendit rien, plongé qu'il était dans le palpitant récit de sa vie. Ce ne fut que lorsque le Caribou Magique menaça de défoncer sa protection végétale que notre artiste écrivain dressa l'oreille et, tout en grommelant, se dirigea vers cette foutue porte. « Si c'est cette viande avariée de Gudule, elle a intérêt à avoir une très bonne raison pour me déranger ! » pensa-t-il en tirant les verrous. Et pendant qu'il tirait, il songeait : « Suis-je bête, ça ne peut pas être elle puisqu'elle est statufiée ! Mais comment a-t-on pu franchir la herse, le fossé de flammes et deviner la réponse à la charade magique ? Peste ! Ce doit être quelqu'un de très fort. Méfions-nous. » Et il ne fit qu'entrouvrir la porte.

 Notre Penseur Masqué avait des nerfs d'acier. Il le prouva immédiatement en se contentant de froncer les sourcils devant le spectacle qui s'offrait à  lui : un caribou debout, vêtu d'un jean et de bottes de cuir. « Si c'est pour les aveugles, j'ai déjà donné », dit le Masque de fer en commençant à refermer l'interstice. « Je ne quête pour personne », répliqua le caribou magique et il coinça une botte dans ce qui restait d'espace libre entre la porte et l'encadrement. « Alors que venez-vous faire dans cette île perdue ? » interrogea la voix du Masque de fer, soupçonneuse au dernier degré. Puis la porte se rouvrit tout à coup. « Mais je vous reconnais ! s'écria-t-il. Vous êtes le caribou qui a transformé Gudule en statue ! Dans mes bras mon sauveur ! Sans vous, la planète était fichue ! » Et le caribou magique se retrouva pris dans l'étau des bras amicaux du masque de fer -dont les biceps devaient être du même métal car notre caribou bien-aimé poussa un « ouf » bizarre ressemblant fortement au bruit que fait un ballon qui se dégonfle. « Alors, comment ça va, là-bas, dans ma cabane au Canada ? interrogea le Masque de fer en relâchant sa proie. Pas trop froid ? C'est à la bonne température ? Et bien c'est parfait. Entrez, entrez donc, je suis en train d'écrire ma vie, et croyez-moi, ça me prend tellement aux tripes que j'en pleure toutes les larmes de mon corps. Auriez-vous des mouchoirs ? J'ai failli déclencher un court-circuit à force de chialer sur le clavier. Que puis-je faire pour vous ? Peut-être vous offrir quelque chose ? A part de la bière, il n'y a rien. Les caribous en boivent-ils ? Vous me direz ça une autre fois. C'est pas que ça ne m'intéresse pas mais j'ai autre chose à faire et à penser. Venez, allons dans le bureau parce que la cuisine est inabordable. Il me faudrait une femme de ménage. Vous en connaissez une fiable ? Oh, et puis après tout, quelle importance ! »

Une si abominable logorrhée avait étourdi le caribou magique au point de lui faire oublier le langage humain. Il ne trouvait plus ses mots et comme on l'entraînait vigoureusement vers ledit bureau, il n'avait pas non plus la possibilité de s'accrocher à une quelconque aspérité des murs. Relâchant enfin son visiteur, le Masque à penser s'assit devant son ordinateur et fracassa quelques touches du clavier histoire de voir si elles n'avaient pas rouillé pendant sa courte absence. « Alors, en quoi puis-je vous être utile ? reprit-il. Ne venez pas me dire que mon ex-future fiancée a encore fait des siennes, elle ne peut plus, c'est une horrible statue. » « Et bien si, dit très rapidement le caribou magique. Elle est revenue. Son maître à sorceller, mon frère jumeau, l'a déstatufiée, et elle a repris du service. » « Ah bon ? fit distraitement le Masque de fer, très occupé à relire la dernière page de son histoire vécue. Vous m'en direz tant. A votre avis, est-ce que ce paragraphe rend suffisamment compte de la sublime langue classique qui est la mienne et que votre époque pourrie a complètement oubliée ? » Et sans attendre la réponse, il se mit à lire à voix haute ce qu'il venait d'écrire.

Deux heures plus tard, égaré dans une débandade de mots dont lui-même avait fini par perdre le sens, le Masque de fer déblatérait sans trop prendre garde à son interlocuteur, lequel s'était purement et simplement endormi dans son fauteuil et ronflait à l'instar d'un soufflet de forge. Le Masque de fer, nullement dépité, se dit que ce brave caribou avait les naseaux fort encombrés et que cela devait être très désagréable, puis sa réflexion s'arrêta là et il attaqua la lecture de la trois cent soixante sixième page de son Mémorial. Ayant bu environ cinq (petites) bouteilles de verre, il était assez joyeux et ne se formalisa donc pas en voyant le caribou magique dormir avec toute la bonne conscience d'un innocent. Il se contenta de le réveiller avec une bonne claque sur l'épaule. Le caribou magique se redressa d'un bond et regarda autour de lui d'un air hébété. « Je crois que j'ai été un peu long, dit le Masque de fer qui avait parfois de foudroyantes intuitions. Je vous prie de m'excuser. Mais ma vie est si inouïe, si exaltante, si peu ordinaire, si... » « Certes, coupa le caribou magique, mais elle risque aussi de finir dans peu de temps. Gudule est revenue, tâchez de vous en souvenir. » « Ah bon ? fit le Masque de fer, étonné. Les statues se déplacent, maintenant ? Votre époque est vraiment extraordinaire. On n'a pas le temps de s'ennuyer, zou ! Une connerie de plus ! »

Alors que le caribou magique allait réitérer ses explications, parce que, visiblement, les conséquences de cette annonce n'étaient pas encore parvenues à l'entendement parfois un peu obtus de l'ex prisonnier de Sainte Marguerite, un violent coup de vent ébranla la porte. Les oreilles du caribou magique s'écartèrent et se dressèrent à la verticale. « Et merde ! pensa-t-il. Voilà les deux dégommés qui arrivent ! Je sens l'odeur de mon frère. » On frappa à la porte. Le masque de fer, hilare, se leva. « Ce serait drôle si je trouvais un autre caribou sur le seuil », dit-il. « Oui, ce serait tordant, rétorqua la caribou magique en se levant à son tour. Où sont les toilettes ? » « A gauche en sortant, puis à droite, à gauche, descendez l'escalier, suivez le couloir, puis à gauche, à droite, tout droit et c'est au fond de la cour », dit le Masque de fer et il sortit d'une démarche assez peu assurée.

Le caribou magique fonça dans le premier couloir qu'il trouva, sortit une gousse d'ail de sa poche et s'en enduisit de la tête aux pieds. « Ca pue, mais c'est le seul moyen pour que mon frère ne sente pas ma présence ici. » S'étant rendu inodore aux narines du caribou fou, puis ayant déconnecté son cerveau du central magique afin que nul ne puisse deviner où il se trouvait, il revint vers le bureau et se dissimula dans un recoin, près de l'entrée.

Gudule et le Caribou fou avaient atterri sans trop de problèmes devant la grotte pluricentenaire. Afin d'amadouer son ex-futur époux, Gudule avait apporté avec elle son mets favori, une langue de bœuf. Mais comme elle n'avait pas eu le temps de faire les courses avant de partir, elle s'était contentée d'une reproduction en plastique et espérait bien ne pas avoir à la faire cuire, sinon, c'était elle qui était cuite. « Je vais me cacher dans ce trou, dit le caribou fou. Répète exactement ce que je vais te dire, d'accord ? » « D'accord, ô mon  maître, répondit Gudule, docile. Mais pense suffisamment fort, il faut que je t'entende bien. » Et le caribou fou étant devenu invisible, Gudule donna un grand coup de poing dans la porte.

(Que va-t-il se passer maintenant ? Le Masque de fer va-t-il vraiment se faire avoir par cette grosse tourte ? Le caribou magique pourra-t-il intervenir ? Gudule arrivera-t-elle à remplir sa mission sans accumuler les conneries ?... On cesse de trépigner et on attend gentiment les réponses.)


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Porky 76 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Dossier Paperblog