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Sourya, Dawdlewalk acte II

Publié le 11 novembre 2009 par Bertrand Gillet
Je suis une authentique groupie du quatuor parisien Sourya. Quand je dis groupie, je voudrais dissiper un malentendu : même si je m’échine à suivre le groupe depuis quelque temps, actualité, concerts, interview, sorties, je n’ai couché avec aucun des musiciens. Groupie malgré tout je suis. Mais une groupie qui écrit. Cela ne peut passer inaperçu. Et une groupie qui écrit cela donne un rock critique fidèle ayant remisé la subjectivité par devers lui. Cela dit, en matière de journalisme musical peut-il y avoir de réelle objectivité ? La passion d’abord interdit toute forme de rectitude. L’émotion supra intime que l’on ressent ou pas en écoutant un disque ne peut que s’affranchir des directives des dossiers de presse. Le rock critique n’est pas un publicitaire, pas plus un procureur même s’il se doit de procurer à ses lecteurs des impressions profondes dont la musique se veut le vecteur naturel. Ouais, je suis une putain de groupie hystérique et je l’assume froidement. Voilà pourquoi je me penche à nouveau sur le cas Dawdlewalk. Il s’est écoulé de longues semaines faites de labeurs et d’écoutes et ce laps de temps m’apparaît aujourd’hui essentiel. Dawdlewalk donc. Le tout premier album de Sourya. Une impression assez unique à mesure que les premières secondes s’écoulent. Une forme de solennité, un peu comme lorsque l’on essaye pour la première fois une paire de chaussures neuves puis le plaisir de s’y sentir à l’aise. Je suis à l’aise avec l’univers que déploie Sourya. Et pourtant rien n’était gagné. Aficionados des 60s, peu rompu aux déflagrations électroniques qui sévissent sur les dance floors, partageant une passion nourrie pour le prog danois des années 72-73, j’étais bien loin d’aligner le tiercé gagnant. De façon quasi télépathique, Sourya a répondu à ces doutes. Je crois avoir saisi cette vérité avec Anatomy Domine. A la fois pièce maîtresse et pièce centrale, le morceau synthétise l’essence du groupe, son identité propre. Equilibre parfait entre la rigueur harmonique de la pop et l’explosion sensitive de l’électro. Dawdlewalk prend la forme d’un palindrome, album que l’on peut lire dans un sens comme dans l’autre. Anatomy Domine en est le morceau miroir dans lequel se reflètent les autres chansons qui viennent y puiser par touches successives leur inspiration formelle. Avec à chaque fois l’exigence de l’écriture. Une équation intro-couplet-refrain-couplet-pont-refrain-final qui ne leur est pas inconnu. Petit détail qui fait gentiment la différence pour ne pas avoir l’impression d’entendre le catalogue de la cool attitude gravé sur disque. Cette déclaration revêt un caractère suspect, je veux dire par là que tout semble trop parfait : onze titres qui, malgré leur tonalité, ont tout des classique instantanés, cela vous rend méfiant. Mais non, palsambleu. Prenez Cheater, Liar ! Liar ! Liar!, pas fondamentalement un tube alors que Stockholm 1973, Unsuspected, The Ballad Of A Gigolo Star et Anatomy Domine le sont. Non, le génie imparable de Cheater, Liar ! Liar ! Liar! tient dans sa dernière et très courte minute, à ce moment précis où le minimalisme synthétique cède le pas à la tragédie grecque, aux pesants climats ombrageux que portent à l’unisson chœurs démultipliés, guitare et keyboards. La prise de risque est totale car la chanson telle un équilibriste sur le fil de son propre destin pourrait basculer à jamais dans l’abîme épais. Mais le noir corbeau a préféré s’envoler dans une atmosphère que n’aurait pas reniée Edgar Allan Poe ou Barbey D’Aurévilly. Numeros 1, 2 ou 3, austérité numéraire où se lovent les émotions les plus indicibles, les exhalaisons les plus troubles. Numero 2 et son « Welcome to the monster who kill the child in me » a la puanteur des plus belles fleurs, celles dont le terreau se nourrit de voluptueux maléfices. Un morceau qui défraye ma chronique. Idem pour Sleep Stage Zero. On cherchait un single (le reste de l’album EST un single à lui tout seul), on se retrouve dans les mécanos géants des Temps modernes de Chaplin, version narcotique. Le titre, béant, est un miracle de savoir-faire technique, d’orfèvrerie sonore, ce que l’on appelle dans le jargon rock un modèle de production. Il est temps de se quitter, Au revoir Pluton nous murmure Sourya, la chanson étirée comme un voyage kubrickien dans l’espace nous invite à une partie de patins à glace sur la voix lactée. On songe, ô culte de la référence précise, à Memory Of A Free Festival de Bowie qui clôt Space Oddity. Ça swingue avec grâce. Puis la musique s’estompe, à l’image de ces œuvres issues de la tradition picturale du Japonisme. Fluides  nébuleuses. Merveilleusement écrit et produit, lettré et inspiré, Dawdlewalk est une incontestable réussite. De la première à la dernière seconde. Conclusion rare. Pour un album d’une rare beauté.

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