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Close up

Par Gicquel

«  Close up » de Abbas Kiarostami ( Editions Montparnasse)

Sortie le 5 Janvier

4 out of 5 stars

Les Editions Montparnasse inaugurent une nouvelle collection «  Montparnasse Classiques » autour des films «  les plus emblématiques (…) des années cinquante à nos jours » dit l’argumentaire.

Close up

Emblématique. L’adjectif convient tout à fait à «  Close-up » , qui vingt ans après conserve toujours un point de vue cinématographique éminemment symbolique .

A cette époque le réalisateur iranien a connu un joli succès avec « Ou est la maison de mon ami? » qui déjà révélait un tempérament hors du commun . Peu de moyens techniques, une approche de la mise en scène sommaire, comme prise sur le vif ,avec des acteurs amateurs, le plus souvent . Tout ce qui fait de «  Close-up » un film atypique et plus encore pour son histoire.

Mohsen Makhmalbaf a reçula médaille d'or Fellini pour son oeuvre cinématographique et son engagement en faveur des femmes afghanes.

Mohsen Makhmalbaf a reçu la médaille d'or Fellini pour son oeuvre cinématographique et son engagement en faveur des femmes afghanes.

Celle d’un cinéphile obsessionnel qui se fait  passer pour le cinéaste Mohsen Makhmalbaf afin de s’attirer les faveurs d’une famille iranienne bourgeoise. Une fois démasqué,il est traîné devant la justice pour escroquerie. Après ce fait divers, Abbas Kiarostami fait rejouer toute l’affaire, procès compris, par les protagonistes eux-mêmes . Il réconcilie aussi les deux parties en tournant le film promis par « l’imposteur ».

Un merveilleux sujet pour un cinéaste qui tout en démontant  les mécanismes de la manipulation, révèle le caractère  d’un homme qui joue sa propre vie. On est loin du cinéma dans le cinéma , mais bien d’une introspection ,involontaire , peut-être, mais qui fait qu’un individu en confondant le cinéma et son quotidien en vient à livrer les réflexions les plus secrètes de sa personnalité . Une sorte de psychanalyse en direct , prolongée par une réflexion sur l’art du cinéma.

Close up

Hossain Sabzian qui rêvait d'être un cinéaste

Cette prise de pouvoir, admet notre homme, le fait sortir de son rang «  pour l’amour du septième art. Et là en faisant le metteur en scène, en demandant à changer une tasse de place, ou de couper un arbre pour avoir le bon angle ,j’étais respecté » . Kiarostami  lui-même joue alors sur la mystification en amalgamant de manière incroyable le  documentaire, la fiction, et le  reportage , allant même jusqu’à mettre en scène des images volées , à la sortie de prison du faux cinéaste.

Un regard à distance que le réalisateur a toujours conservé  avec son sujet, lui laissant toute latitude pour s’exprimer , avec la sagesse exemplaire qui caractérise son travail .

LES BONUS

C’est un film ahurissant dans sa maîtrise narrative, liée à une scénographie qui nous bringuebale joliment. Où est le véritable simulacre dans «  Close-up » nous demande son auteur qui dans les bonus revient avec insistance sur cette question de la faisabilité d’un film .

«  Ce ne sont que des mensonges » dit-il dans le très beau documentaire  « Abbas Kiarostami, vérités et songes » de Jean-Pierre Limosin . On le suit dans les paysages qu’il a filmés , à la  rencontre des acteurs qui ont joué dans ses films. Personnellement j’ai trouvé très émouvant de revoir Hossein ,le «  héros » de «   Et la vie continue » , aujourd’hui retournée auprès de sa femme et de sa petite fille .

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Kiarostami explique ainsi longuement sa vision du cinéma, son rapport avec les acteurs, sa vision de la chance et du hasard, son utilisation du mensonge pour se rapprocher de la vérité…

« Close-Up long shot »de Mamhoud Chokrollahi et Moslem Mansouri (43 min – 1996)

Cinq ans après le tournage,  le héros du film parle à nouveau de son amour sans limite pour le cinéma. Une pure pathologie cinéphile, celle d’un homme profondément mélancolique, ( «  si j’avais de l’argent , j’achèterais des cerfs volants, pour ne pas grandir » ) à la fois mégalomane et brisé, maudissant le cinéma de lui avoir volé sa vie, tout en gardant intacte sa fascination .

Et d’une lucidité sans faille quant aux autres protagonistes de l’affaire : la famille avide de reconnaissance, le journaliste guettant la bonne affaire …

Close up

A sa sortie de prison , le faux réalisateur est accueilli par le vrai. Kiarostami les filme à la dérobée ...

« Le jour de la première de Close-Up, » par Nanni Moretti (7 min – 1996)

Le réalisateur italien possède un  cinéma à Rome, le « Nuovo Sacher ». A la sortie du film de Kiarostami, il fait tout ce qu’il peut pour le mettre en avant , face à une concurrence déloyale « Le Roi lion », « Quatre mariages et un enterrement »… Effervescent et drôle, Nanni Moretti n’hésite pas devant sa caméra à houspiller le personnel du cinéma afin qu’il  réponde au mieux à la clientèle qui ne se presse pas . La scène finale du répondeur est hilarante.

Nanni Moretti sera le prochain invité de la collection «  Montparnasse classiques » avec le 2 mars , la sortie d’un coffret 4 dvd sur ses premiers films .

Abbas Kiarostami

Réalisateur, scénariste et producteur de cinéma iranien né en 1940 à Téhéran. Si le public ne l’a pas toujours suivi,  la critique le soutient pour des œuvres telles que « Close-up »,  la très belle  trilogie de Koker («  Ou est la maison de mon ami? » en 1987, « Et la vie continue » en 1991 et « Au travers des oliviers» en 1994), « Le Goût de la cerise» en 1997 et «  Le Vent nous emportera » en 1999.

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" Et le vent nous emportera"

Kiarostami est un des réalisateurs de la Nouvelle Vague iranienne ,qui commence vers la fin des années 1960, avec les précurseurs tels que Forough Farrokhzad, Sohrab Shahid Saless, Bahram Beizai et Parviz Kimiavi. Ils utilisent souvent le dialogue poétique et  la narration allégorique pour traiter les séquences politiques et philosophiques.


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