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"le mammouth que j’aime" Jules Renard

Par Bruno Leclercq
Dans la rubrique « Les Livres » du Mercure de France N° 28 d'Avril 1892, on trouve cet articulet de Jules Renard. Il s'en trouves d'autres, apparemments inédits, que je proposerais sitôt saisie et vérifications faites.
Vamireh, roman des temps préhistoriques par J. H. Rosny

« C’était il y a vingt mille ans ». Oh ! cette phrase ! On est tenté de s’en tenir là, de se perdre avec peur et joie dans une longue rêverie engourdissante. Quel qu’il soit, un livre est déjà surprenant qui ne raconte pas des choses d’aujourd’hui ou d’hier. Enfin l’œil retombe sur la page, et voici le Félis Spelaca, l’Aurochs, l’Urus, le Mammouth, tous les êtres chers à notre imagination. Le plaisir de lire Vamireh n’égale pas celui de le relire, et je crois bien que la grande jouissance est de se le rappeler. On a fermé le volume. Un à un les souvenirs remontent.
- « C’était une clairière parmi des hêtres, des chênes et des ormes…….. Une hyène s’approcha…….. Vamireh dormait toujours…….. Des chacals s’embusquèrent dans les fourrés……. Trois vautours churent sur un arbre proche……. Les corbeaux tinrent un conciliabule, en accent bas, gargouilleurs, alternés de danses……. Le vautour se décida……. La main de Vamireh, dans l’inconscience, se porta au point menacé……. Ses poings d’athlète trouvèrent le cou du vautour……. Puis l’asphyxie vint, et la mort, sans que les doigts de Vamireh lâchassent prise. »
Invinciblement il faut songer à ce qu’on admire ailleurs de plus beau, et on voudrait tourner un compliment point banal qui fût agréable aux auteurs.
- « Des branchages s’écartèrent rudement, du bois se brisa avec un fracas de tempête : il parut un mammouth au front bombé, haut de quinze pieds. La clairière lui plut, il y balança son grand corps, arrachant de sa trompe quelques herbes dans un caprice de colosse puéril, puis il se coucha, il vécut le demi-sommeil des grandes bêtes, le rêve coula par sa tête, l’intarissable flux des formes et des mouvements que sa prunelle avait lus au long de ce jour. »
A propos de Vamireh, on a fait de la haute critique scientifique, prétendu que certains détails n’étaient pas absolument à la mode préhistorique. Voilà qui m’est égal. J’avoue n’avoir aucun goût pour les restes d’une vérité âgée de vingt mille ans, et me bouche les oreilles dès qu’on discute le mammouth que j’aime.
Et Nell Horn, Le Bilatéral, Marc Fane, Les Corneilles, L’Immolation, Les Xipéhuz, Le Termite, Daniel Valgraive, Vamireh, me sont autant de « mammouths ».
J.R.

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