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Ecole citoyenne ou entrepreneuriale ?

Publié le 17 février 2010 par Chezfab

ecole1.1209298451.jpgEn ce moment, les débats autour de l’école et de la sécurité dans les lieux d’éducation de la République ne cesse d’alimenter les émissions et journaux.

Le problème est que les perspectives proposées sont minces : d’un côté une droite conservatrice (et parfois réactionnaire) qui nous dit qu’il faut que « la police puisse entrer dans les établissements » et de l’autre une gauche mollassonne qui dit qu’il faut que la police puisse faire son métier mais sans y entrer. Le souci : sommes nous à ce pont si aveugle qu’il n’y aurait que la solution répressive à mettre en place ?

Certes, certaines voix parle « d’augmenter les effectifs » mais est ce suffisant ? Ne faut-il pas repenser au contraire à la base les moyens de l’école ?

Les moyens humains sont en baisse, c’est une évidence. Depuis maintenant plusieurs années, la politique menée n’est pas à la logique citoyenne mais à l’économie. L’école est vue comme un simple coût dans le budget de l’état, et non comme ce qu’elle devrait être : un lieu d’émancipation et de formation des citoyens de demain.

En réduisant la problématique de l’éducation nationale à son simple budget, la droite (mais avant elle Claude Allègre) engage une logique forte et idéologique : confier au privé un maximum de choses et garder dans le giron du public le strict minimum. La sélection par l’argent va, d’ici très peu de temps, devenir la règle absolue. Et ce avec la bénédiction d’une partie de la gauche (devons nous rappeler ici les lois de monsieur « formidable », alias Jack Lang, sur le financement du privé ?).

D’un autre côté, le système est devenu ghettoïsant. L’ouverture de la carte scolaire pour soit disant donner « l’opportunité à tous d’étudier où il le souhaite » est en faite une belle porte de fuite des plus riches. Cela prive les établissements des « zones sensibles », nom doucereux pour stigmatiser les pauvres, des élèves souvent les plus qualifiés (le lien entre le niveau social et le niveau scolaire n’est malheureusement plus à discuter), entrainant une spirale infernale de l’échec pour les établissements où s’entassent les élèves restants.

S’entassent est le mot… Comment pouvons-nous imaginer voir les élèves étudier dans de bonnes conditions dans des établissements regroupant la population d’un village ? Des écoles primaires à plus de 400 élèves, des collèges à plus de 1500. Une véritable hérésie ! Et c’est pourtant, là aussi à force de privilégier le coût au reste, ce que nous proposons aujourd’hui aux élèves. Là où l’adulte n’a pas de difficultés (et encore…) pour se savoir un dans la multitude, il n’en va pas de même chez l’enfant qui se retrouve confronté au stress, à l’effet de foule et de groupe bien trop tôt.

La solution préconisée massivement, qui consiste à déléguer aux forces de polices le soin de réguler les dérives est, nous le voyons, bien mal pensée. Elle ne résoudra rien mais au contraire affaiblira encore plus l’école dans son ensemble. Surtout si elle est couplée comme, nous le constatons aujourd’hui, à une volonté de transformer l’école en lieu de formatage entrepreneurial, plutôt qu’en lieu de construction citoyenne.

A force de ne miser que sur la capacité à avoir un emploi en sortant de l’école, mais surtout à force de plier l’école au dictat du patronat pour en définir les contenus et les aboutissants, c’est la mort de l’école républicaine qui est programmée.

Ainsi voyons nous disparaitre ce qui émancipe (les lettres, la géographie, l’histoire, la philosophie) au profit de ce qui rend technique, et donc vendable sur le marché de l’entreprise (les sciences, les mathématiques). Outils de sélection, ces matières « fonctionnelles » sont en prime un outil d’affaiblissement citoyen.

Loin de moi l’idée de laisser entendre que les « technologiques » de ce monde seraient de mauvais citoyens. Mais force est de constater que ces sciences ne sont pas suffisantes pour émanciper, ouvrir à l’autre et au monde. La dérive la plus flagrante est d’ailleurs l’économisme qui nous entoure : nous préférons avoir une vision comptable des choses plutôt qu’une vision globale. Tout est réduit au coût, au PIB et à la bourse. Cela entraîne d’ailleurs ce dont nous parlons. Le chat se mord la queue… (Précisons aussi que je suis de formation scientifique).

Les lettres, par l’amour du livre, sont un outil d’émancipation énorme. Tout comme la géographie qui permet de se situer dans ce monde, la philosophie de penser ce monde et l’histoire pour replacer les choses en contexte. N’est ce pas là les outils indispensables pour pouvoir se dire citoyen ? N’y a-t-il pas là ce que nous appelons « le corpus » de toute émancipation ?

Bien entendu, je ne suis pas en train de dire qu’il nous faille être expert dans toutes ces matières. Mais bien que rien ne remplace le fait de les avoir côtoyées et que nous faut offrir un socle non pas minimum (ou commun), mais de départ, ouvrant des perspectives pour élargir la pensée.

De la même façon, nous devons revenir à une école, certes dotée des moyens humains nécessaires, mais aussi à taille humaine. Sortons des grands ensembles avant la faculté, retrouvons les établissements à taille vivable, offrons des classes de quinze à vingt élèves maximum pour tous. Et là l’esprit « comptable » inculqué par les médias de masse et l’école technicienne nous souffle que tout cela va coûter cher. Oui, sûrement. Mais est ce raisonnable que de chercher à savoir combien coûte l’application de la démocratie par la formation de ses citoyens à sa pratique ? Je ne le crois pas… Alors quel qu’en soit le prix, nous devons repenser l’école.

Cela doit s’accompagner de décisions logiques : la fin de la subvention de l’école privée, le respect strict de la laïcité (pour que la religion ne parasite pas la future citoyenneté), le retour à la carte scolaire mais en durcissant l’aspect mixité sociale, la mise en place d’une réelle formation des professeurs pluridisciplinaire, le renforcement de l’équipe encadrante. Mais aussi repenser la place de celui qui donne à apprendre en le confortant dans ton rôle de transmetteur et non d’animateur come voudrait le transformer le « pédagogisme ».

Autant de chantiers qui sont à des années lumière d’une vision comptable mais ouvre la porte d’une école réellement émancipatrice, réellement citoyenne. Car le but de l’école se doit d’être réaffirmé : si l’école est le lieu de la formation technique, elle doit être avant tout, et rester, le lieu de la citoyenneté.

C’est bien au prix de cela que nous pourrons avoir enfin un retour à la démocratie réelle, vivante, forte, à laquelle nous aspirons.


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