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Guillon, Porte et Morel virés de France Inter : Que Hees cesse !

Publié le 01 juillet 2010 par Letombe

La normalisation sarkozyste en marche

par Olivier Bonnet

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"L’humour ne doit pas être confisqué par de petits tyrans. Je prends cette décision non pas sur une quelconque pression politique mais en m’appuyant sur des valeurs minimales d’éducation et de service public. Je considère que cette tranche d’humour est un échec. Elle a montré une grande misère intellectuelle dont je ne m’accommode pas. Il n’y aura pas de changement d’horaire ni de remplaçants. Ce qui ne fait pas rire à 7h55 ne me fera pas plus rire à 3 heures du matin" : c’est par ces mots, dans une interview au Monde, que Jean-Luc Hees, patron de Radio France nommé par Nicolas Sarkozy, a annoncé la suppression de la pastille humoristique de 7 h 53 sur France Inter, qui était assurée par Stéphane Guillon, Didier Porte - ce dernier étant aussi viré de l’émission de Stéphane Bern, Le fou du roi, malgré le soutien de ce dernier - et François Morel. Les trois hommes sont des anti-sarkozystes déclarés - bien normal : comme nous l’écrivons souvent, l’anti-sarkozysme est un humanisme -, mais Hees nie donc toute pression politique. Il déclare pourtant, à propos de la chronique où Didier Porte faisait dire à Dominique de Villepin "J’encule Sarkozy" : "Je ne veux pas avoir honte. Le jour de la chronique de Didier Porte sur Villepin, je me suis dit c’est fini. Vous pensez bien que l’Elysée m’a appelé dans l’instant. Je ne peux pas tolérer de telles choses sur une antenne publique. J’assume, quelles que soient les conditions de ma nomination". Il faudrait savoir : comment qualifier le fait que l’Elysée appelle immédiatement autrement que par une pression politique ? Lorsque Porte commet cette fameuse chronique - dont lui-même confesse qu’elle n’était pas sa meilleure -, il reçoit un avertissement de sa direction. Là encore, il faudrait savoir : on ne licencie pas quelqu’un après un seul avertissement ! Revenons sur la formule provocatrice de Porte, "J’encule Sarkozy" : son patron lui-même, Philippe Val, directeur de France Inter, n’avait-il pas écrit, alors qu’il était à Charlie Hebdo, un éditorial titré, comme le rappelle le camarade Sébastien Fontenelle, Enculé président ? Décidément, rien ne tient dans cette histoire. Un autre exemple flagrant de contradiction ? Lors de son audition devant la commission des affaires culturelles de l’Assemblée nationale le 9 avril 2009, Hees déclarait à propos de Stéphane Guillon : "c’est un garçon qui a beaucoup de talent, que je ne mettrai pas à la porte, mais pas simplement pour montrer mon indépendance ou ma liberté, ça n’a rien à voir. Je pense qu’il a du talent et que cette antenne a besoin de talent" (la preuve en vidéo ici).

Résultat : il le vire, au mépris de l’avis des auditeurs - si l’on en croit les records d’audience qu’enregistraient ses chroniques - et du talent qu’il reconnaissait à l’humoriste, et démontre ainsi clairement que le patron de Radio France, nommé par le pouvoir au prix d’une régression démocratique sans précédent, ne possède ni

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indépendance, ni liberté. En l’occurrence, Hees se comporte en parfait larbin sarkozyste. Guillon, Porte et Morel à la trappe : applaudissements à l’Elysée, titre ainsi Renaud Revel de L’Express : "Jamais responsables de l‘audiovisuel public, depuis l’installation de Nicolas Sarkozy à l’Elysée, n’auront cédé avec autant de zèle aux oukases d’un pouvoir, et plus largement d’une classe politique, excédés par les billets au vitriol d’un trio de saltimbanques que l’on exécute aujourd’hui, sans ménagement. (...) toute interprétation autre que politique relèverait de la farce. (...) Tout cela nous renvoie à des pratiques et à une époque que l’on pensait ensevelies à jamais. Et tout cela augure assez mal de ce qui s’annonce à France Télévisions, où Nicolas Sarkozy s’apprête à installer une nouvelle équipe. Le limogeage de Stéphane Guillon et de ses deux comparses est en tous les cas la première démonstration, in vivo, que la loi Sarkozy réformant le mode de nomination des PDG de chaînes de service public comportait bien en son sein les gènes malsains d’une reprise en main. Eten est le laboratoire." La Société des journalistes et celle des producteurs de France Inter peuvent bien protester dans un communiqué commun adressé aux auditeurs : "Nous, personnels de France Inter, partageons un attachement indéfectible à la liberté de ton, à l’impertinence, à l’exigence, à la différence et c’est ce que nous défendons tous les jours à l’antenne. Ce qui a fait le sel et la valeur de cette station depuis tant d’années ne peut devenir un simple argument publicitaire vide de sens. Ces valeurs dont nous sommes fiers et qui représentent l’ADN de France Inter, se trouvent remises en cause et gravement menacées. Avec le renvoi de ces deux humoristes se pose la question de la garantie de notre indépendance." Ce n’est rien de le dire ! Rappellons enfin que Hees avait déclaré, phrase rapportée par un article de Libération cité par Acrimed, "Je n’accepte pas qu’un petit médecin mégalomane insinue des choses pareilles", en limogeant Martin Winckler après une chronique titrée Pourquoi entend-on sans arrêt des spots de l’industrie pharmaceutique en ce moment ? Le docteur y affirmait que lesdites campagnes de pub « ne sont qu’une façade. Pourquoi ? Parce que depuis une vingtaine d’années l’industrie ne découvre pratiquement plus aucun médicament majeur ». Hier la pression des labos, aujourd’hui celle de l’agité de l’Elysée : décidément, il faut que Hees cesse ! Radio France

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Ultime mesquinerie, la dernière chronique de Didier Porte ne figure pas dans les podcasts d’Inter. Vous pouvez l’écouter sur le site d’un fan. En voici les derniers mots : "Le vrai commanditaire de notre licenciement, à Stéphane Guillon et moi-même, je le connais. Je ne l’ai pas vu, mais je l’ai entendu et je l’ai tout de suite reconnu à son style inimitable. Et vous savez ce qu’il nous disait, à Guillon et à moi ? Cassez-vous, pauv’ cons !"

[Edit  : mea culpa à propos du podcast, qui figure effectivement dans l’enregistrement intégral du Fou du Roi. Par ailleurs, François Morel, contre toute attente, continuera de tenir chronique la saison prochaine, seul rescapé des trois.]

Mise à jour : actuellement en vacances quelques jours et nous connectant rarement, nous découvrons avoir reçu beaucoup de messages de plumonautes nous informant de multiples initiatives d’auditeurs de France Inter en colère. En voici les liens : http://www.pouruneradiopubliqueindependante.net,

par Olivier Bonnet

pour Plume de presse


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