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Jac Pastorius, 1976

Publié le 04 janvier 2011 par Audiocity

Pour tous ceux qui auraient oublié de s'intéresser à la musique du 20e siècle et à son évolution à travers les ans, il est temps aujourd'hui de vous rattraper en profitant de l'oeuvre du bassiste Jaco Pastorious que je vous propose de découvrir maintenant, son premier album éponyme publié en 1976, ou Le disque de référence en matière d'innovation musicale des 40 dernières années.
Parler d'un mythe n'est pas si facile. Ca l'est encore moins s'agissant de ce génie de la basse qui, à lui seul, a révolutionné l'histoire de cet instrument, et que beaucoup considèrent à juste titre comme le maître absolu en la matière. Travailleur acharné et virtuose incontesté, il en a repensé toute la fonction et la signification avant de décéder tragiquement à l'age de 36 ans, laissant derrière lui quelques chefs-d'oeuvre du genre comme autant de traces indélébiles de ses plus folles innovations. Comme toutes les histoires magiques, sa vie laisse place aux rumeurs les plus folles le concernant, édification d'un mythe qui se vautre dans les à-côtés de sa vie privée plutôt que de s'appuyer sur les triomphes de sa vision et de sa sagesse musicales des premières années. Les traces de son trop court passage sur Terre sont pourtant bien présentes et se reflètent dans bon nombre de musiques actuelles, du jazz au hip hop en passant par le rock ou la musique afro-cubaine. A l'instar d'un Miles Davis, d'un Duke Ellington ou d'un Jimmy Hendrix, Jaco Pastorious est de ces êtres uniques et atypiques trop rares pour que nous ne nous y intéressions pas et trop présents pour que nous puissions les oublier. Jamais rassasié, il avait cette force et ce besoin pressant de tout vouloir exprimer sans aucune retenue, cette fougue de jeunesse qui vous rend indestructible et sûr de vous au point d'être incompris voir mal perçu par certains, ce charisme indéniable lorsqu'il se lançait dans ses interminables démonstrations, véritable tours de force pouvant durer plusieurs heures, et cette humanité enfantine si touchante lorsqu'il faisait chanter sa basse. Une idole indétrônable et une source d'inspiration intarissable.
Aussi, pour en parler sans toutefois risquer de dénaturer des propos historiques le concernant, le mieux reste encore que je vous retranscrive quelques citations d'amis musiciens le concernant et tirés du très bon bouquin "Weather Report" de Christophe Delbrouck.
De lui en parlant à des journalistes à propos de cette étonnante douceur et du raffinement de sa sonorité: «Pour moi, ce n'est pas à proprement parler un instrument nouveau puisque j'en joue depuis plus de dix ans (il débute vraiment la basse à 15 ans). C'est simplement un modèle de Fender Jazz Bass dont j'ai retiré les barrettes. On ne peut y produire qu'une seule sorte de note et qu'un seul vibrato, vers l'aigu. Le son que j'obtiens est plus proche de la voix humaine, car avec la fretless le vibrato peut aller dans les deux sens, aussi bien vers l'aigu que vers le grave. Seule une très longue pratique me permet de jouer de cette façon et d'obtenir mon propre son. La plupart des gens que j'ai entendus jouer fretless, ça a l'air d'une blague, ils sonnent tous faux et terriblement raides».
Pour la petite histoire, Mr Hendrix en personne était venu le trouver en 70 pour lui demander de rejoindre le Band Of Gyspys et Jaco avait refusé: «Je savais déjà ce que je voulais jouer. De toute façon je ne suis qu'un chient errant».
Joe Zawinul après avoir pour la première fois écouté un enregistrement de Pastorius: «Nous avions déjà un excellent bassiste en la personne d'Alphonso Johnson et il n'était pas question de changer. Mais régulièrement je recevais des nouvelles de ce mec. Il me disait ce qu'il faisait etc. Un jour il m'envoya un enregistrement de "Donna Lee" (une reprise d'un morceau de Charlie Parker qu'il reprend solo et qui ouvre son album). J'ai écouté et je me suis dit: "Non c'est impossible!" J'ai l'ai alors appelé et je lui ai demandé s'il savait aussi jouer de la basse électrique. Il avait un tel vibrato que j'étais persuadé qu'il s'agissait d'une contrebasse».
Quelques lignes qui à elles seules en disent long sur la qualité artistique du personnage. Plus qu'une simple basse, il parvenait à faire évoluer le son de son instrument vers des contrées jamais explorées, jusqu'à nous en faire oublier sa nature essentiellement rythmique. Aussi mélodique qu'une guitare ou qu'un saxophone, personne n'avait encore acquis une telle technicité. Lui évolue vers d'autres sphères et va se permettre de redéfinir les règles du jazz. Il utilise toutes ses expériences, passées au crible d'une originalité presque incroyable, pour manifester par le son de ses improvisations une réalité musicale qui illumine sa personnalité. Une audace et une générosité saluées unanimement par bon nombre de musiciens estomaqués par de telles performances.
Herbie Hancock est de ceux-là et accepte volontier de participer à cet enregistrement s'annonçant très prometteur. Il sera le déclencheur des folles pulsions créatrices qui germent dans l'esprit du bassiste (Pastorius lui voue une véritable adoration et pense trouver dans son acceptation le signe inespéré de son entrée dans la cour des grands). Il envisage désormais plus que jamais de marquer les esprits et gagnera avec ce premier jet une place d'honneur au panthéon de l'histoire du jazz. Excepté le somptueux "Donna Lee" de C.Parker qui entame ce disque il compose ou co-compose tous les autres titres de l'album. Un large spectre musical qui recouvre tout un panel de styles aussi variés qu'ambitieux (jazz -rock -caribéen). Une oeuvre intemporelle et "classique" qui n'a pas fini de se révéler et qui continuera encore longtemps à faire figure de chef-d'oeuvre absolu.


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