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De la relativité des évènements!

Publié le 12 janvier 2011 par Alexcessif



"- Pierrot est mort!" La cloche se balance au beffroi* de l'église et le curé d'un coin des Landes a hurlé à la cantonade:  "-Pierrot est mort!"  Et vlan! La cloche s'en tamponne le bourdon: "Ding-dong" et refrain.Parole et musique synchro. du professionnel de la confession en relation directe avec son fournisseur: L'hôpital.Il a jeté la nouvelle en pâture à la salle de restaurant devenu scène de théâtre. C'est un peu en avance: Soixante ans pour Pierrot et moins une pour les douze coups de midi.Le plongeur, le pizzaïollo, les serveuses et le chef sont sortis des cuisines dans une hiérarchie inversée devant les convives stupéfaits et Jeannot a quitté son comptoir délaissant la clientèle. Un peu plus au nord et toujours au Sud-Ouest, le téléphone a sonné et donné la même nouvelle. Thomas Benjamin Dunid a mis trois mois avant de se décider à décoller les posters de la chambre du fond désertée par l'ado précoce à voler de ses propres ailes. Pierrot c'est, c'était, pour certain un record à six chiffres au flipper du Bar de la Place sans que son café n'ait eu le temps de refroidir. Pour Tom B. Dunid c'est, c'était une pointure en littérature. Ils se rencontraient "par hasard" chez le bouquiniste attirés par les ouvrages improbables entre de vieux Gérard de Villiers et des Maurice Genevoix oubliés. Ils entamaient, sur les marches de l'office du tourisme, des conversations impromptues de « Son Altesse Sérénissime » à  «Raboliot »dans la cohue du déballage des camelots du marché estival. Il a juste un peu oublié, Tom, juché sur l'escabeau quand il entendit la nouvelle, la décolleuse de papier peint remplie d'eau chaude qu'il tient à la main. Attention à la marche! Le ridicule ne tue pas, il mouille seulement. Un fois sec, il fallût choisir entre l'envie d'être là-bas et l'envie d'ici: Assister au premier match du fillot qui réclame "son daron" pour l'accompagner au tournoi. Des deux imprévus il a choisit le devoir parental, le terrain de foot, la senteur de la pluie et les odeurs de vestiaire car "L'amitié à moins besoin de réciprocité que l'amour paternel et je n'ai pas d'amis! Enfin, ils ne savent pas que je les aime, mes amis imaginaires, surtout que je n'hésite pas à les égratigner" pense Tom De l'amitié il n'a que les mauvais souvenirs de celles qu'il connût. Celles qui vampirisent. Celles des ados en travaux. Celles des entrepreneurs du chantier de la vie avec une identité à construire et la première pierre posée sur la mouvance du sable. Autant dire un temple sans idole à bâtir sur les fondations de l'affect. « Ce temple je le regarde de l'extérieur, je m'interdit d'y entrer avec mes névroses où les autres disciples ne me renverraient que le reflet de mes propres carences. Durant des années je ne rencontrerais que des miroirs. Puis un jour lointain je saurais que je peux enfin franchir son seuil. » pense Tom. Profession de foi de l'époque, encore valable aujourd'hui. Les souvenirs de Tom font du ricochet entre les deux rives de la mémoire et du présent. Au présent,sur le bord du terrain de foot, il doit trancher des disputes de "hors jeu", lui qui n'a jamais compris cette règle de base,entre un public aussi clairsemé que la pelouse et les parents aficionados. Au passé, à l'étal du bouquiniste avec Pierrot, l'amitié était muette, tacite ou imaginaire, épisodique et réconfortante.Unilatérale peut-être.Peut-être que là-bas les clients ont sortis les pizzas en cour de cuissons, éteints les feux du piano, réglés les additions qu'ils avaient eux même établit à l'aide du menu et laissés des pourboires. Il voit son héritier courir sous la pluie, glisser dans la boue, sortir du terrain et se voit lui faire honte en le couvrant d'un poncho devant ses potes, sur le banc de touche. Il a toujours peur que ce grand corps dégingandé de presque homme  perde un os à la poursuite d'un ballon ou s'enrhume sous la pluie. Pierrot, c'est, c'était l'un des rares dont la notoriété ne se chiffrait pas en gramme d'alcool mais en tonne de bouquin qu'il avait lu. Pas de quoi faire une icône pour Tom juste concevoir du respect pour la sagesse de cet homme qui avait, pour de mystérieuses raisons raisons sentimentales, quitté sa réussite de banquier Lyonnais prospère pour une vie plus petite de boulanger déraciné propriétaire d'un terrain et de deux ânes sur la route de M...... Le match est perdu sans tristesse, "l'ami " est parti avec sa sagesse. Tom a son compte de statues. Pourtant, il a envie de poser une gerbe discrète aux pieds de celle-là. Un peu plus au nord, un peu plus tard, il y en a un qui chausse ses rollers pour un moment de silence hors de la maisonnée indifférente et bruyante, seul moyen de s'enfuir pour un dernier tête à tête. Le trottoir de l'avenue Thiers est couvert des feuilles mortes de "Prévert et Cosma" comme un paillasson à l'entrée du monde de "l'en dessous". Tom B. Dunid s'arrête entre les deux rives sur le Pont de Pierre. Au mitan du monde virtuel où coule son sang rive gauche et, rive droite, celui du monde réel où réside l'enveloppe de chair. Au milieu, entre le maelström de l'en bas où s'agite la Garonne et le ciel entre chien et loup, déchiré de cirrus du monde de l'en haut. Il y a, à l'intersection de ces deux médianes, l'alcôve du temps suspendu où il aime à rêver.
  • Peut-être que le monde absurde respectera une minute de silence tandis que Pierrot hésite entre ces deux versions de la vérité et que durant ce répit....

Quelque part en Absurdie à la frontière de la relativité des évènements des grossss malheurs et petits inconforts:
    De la relativité des évènements!
  • Peut-être que cette mère afghane aura vendu un bon prix sa petite fille de 8 ans pour payer l'amputation de son fils de quatre ans.
  • Peut-être que l'on trouvera à nouveau du Lindt 99% à Karouf.
  • Peut-être que la matrone ne trouvera pas un tesson de verre et de la main d'oeuvre pour immobiliser une enfant à exciser qui conservera son clitoris un jour de mieux.
  • Peut-être que l'on se qualifiera pour la coupe du monde et que le fiston cessera de prendre 2/0 sur des terrains de foot anonymes.
  • Peut-être que le joystick du F15 Strike Eagle s' enrayera à l'instant de lâcher le fer et le feu de la croisade contre le Mal de là-bas, pour la ganja et le pétrole du Bien d'ici .
  • Peut-être que l'on cessera les rediffusions de "La petite maison dans la prairie" sur M 6.
  • Peut-être que le jerrycan d'essence paternel sera vide ou le briquet en panne au moment d'enflammer son bébé fille pour ne pas payer une dot ruineuse dans 15 ans.
  • Peut-être que la taxe d'habitation et les prix cesseront de flamber.
  • Peut-être que pendant ces quelques secondes les mômes cesseront de crever de faim et les femmes battues mourir de la violences des hommes.
  • Peut-être que Christophe ou Christine ouvriront leur galerie d'art.
  • Peut-être que Josiane Boudin cessera de réveiller sa fillette à 6h pour passer 3 heures dans les transports entre la mamie, nounou improvisée et son mi-temps/trois quart de SMIC qui l'occupera jusqu'à 21 heures.
  • Peut-être que La Madonne et Angelina cesseront de visiter les orphelinats du tiers monde comme on feuillette un catalogue sous les objectifs des photographes.
  • Mais rien n'est sûr!
Car...."La sagesse de Sénèque n'empêcha pas la folie de Nèron". En tout cas le record de Pierrot sur le flipper du Bar de la Place à L... n'est pas prés de tomber: Le taulier a débranché la machine!
*Je sais : pas de beffroi dans les Landes mais si t'as une idée pour m'éviter l'assonance entre cloche et clocher, je prends!

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