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"Jésus de Nazareth" (deuxième partie) de Joseph Ratzinger

Publié le 25 avril 2011 par Francisrichard @francisrichard

Jésus de Nazareth 2Quel est le but poursuivi par Joseph Ratzinger en écrivant son Jésus de Nazareth publié aux Editions du Rocher ici dans sa version française ? Il l'explique dans son avant-propos de la deuxième partie, écrit il y a un an, jour pour jour, le 25 avril 2010 :

"En conjuguant entre elles les deux herméneutiques dont j'ai parlé plus haut [l'herméneutique historique et l'herméneutique de la foi] j'ai essayé de développer un regard sur le Jésus des Evangiles et une écoute de ce qu'il nous dit susceptible de devenir rencontre et, néanmoins, dans l'écoute en communion avec les disciples de Jésus de tous les temps, de parvenir aussi à la certitude de la figure vraiment historique du Christ."

La deuxième partie de Jésus de Nazareth couvre la période de l'entrée du Christ à Jérusalem jusqu'à sa Résurrection. Elle correspond donc à la semaine qui vient de s'écouler, du dimanche des Rameaux jusqu'au dimanche de Pâques. Aussi lire ce livre en ce moment permet-il de jeter un regard différent sur les événements qui sont relatés pendant ce temps liturgique et d'élargir la réflexion sur eux.

Dans sa préface à la première partie, Joseph Ratzinger prévenait :

"Ce livre n’est absolument pas un acte du magistère, mais uniquement l’expression de ma recherche personnelle de la « face du Seigneur » (Ps 27, 8). Ainsi, chacun est libre de me contredire. Je demande seulement aux lectrices et aux lecteurs une approche bienveillante sans laquelle aucune compréhension n’est possible."

C'est pourquoi l'auteur a signé le livre de son nom de simple fidèle, même si l'éditeur a cru bon de rappeler qu'il est devenu pape sous le nom de Benoît XVI après en avoir commencé la rédaction. C'est pourquoi aussi il convient de le lire avec bienveillance, pour mieux le comprendre, pour mieux comprendre, surtout, la figure du Christ qui est chère au modeste chrétien que je suis.

Tout au long du livre Joseph Ratzinger s'appuie sur une forte bibliographie, mais ausssi sur l'Ecriture. Ce qui est remarquable en l'occurrence, c'est la connexion qu'il établit clairement entre les textes de l'Ancien Testament et les faits rapportés par les évangiles synoptiques et celui de Jean, sans oublier des passages de lettres de Paul et des Actes des apôtres de Luc :

"Ce ne sont pas les paroles de l'Ecriture qui ont suscité le récit des faits, mais les faits qui, dans un premier temps incompréhensibles, ont conduit à une compréhension nouvelle de l'Ecriture."

Tout était bien prévu, mais il était impossible d'imaginer que les faits se dérouleraient ainsi, parce qu'il était tout simplement impossible d'envisager qu'ils ne correspondraient pas aux interprétations faites avant le temps de Jésus.

Quand Jésus entre dans Jérusalem, il le fait sur un ânon qui n'a jamais porté personne. C'est à la fois un signe de royauté que d'entrer dans une ville sur une monture et le signe que le royaume de Dieu n'est pas semblable aux autres royaumes terrestres, sinon ce serait sur un cheval qu'il l'aurait fait. Cela n'a rien à voir avec l'entrée du Messie dans Jérusalem telle qu'on l'attendait. 

Quand Jésus purifie le Temple de ses marchands, il signifie la fin du Temple tel qu'il est devenu. C'est son Corps qui est maintenant le Temple. Son sacrifice expiatoire se substitue aux autres sacrifices dont le temps est achevé. Il oppose sa bonté qui guérit au commerce des animaux et aux affaires d'argent. Cela n'a rien à voir avec la conception de la religion telle qu'elle était effectivement pratiquée jusque récemment. 

Dans son discours eschatologique Jésus annonce la fin du Temple et sa destruction matérielle, et la fin du monde. Mais cette dernière ne peut advenir tant que l'Evangile n'est pas arrivé à tous les peuples. Il ne faut pas selon l'auteur y voir "une nouvelle formulation de la description de l'avenir" même si elle est conforme en tous points aux textes vétérotestamentaires :

"Il s'agit d'insérer la vision de l'avenir dans la parole de Dieu qui désormais a été donnée, et dont la stabilité, d'une part, et les possibilités d'ouverture, d'autre part, sont ainsi rendues évidentes."

Comment interpréter le lavement des pieds ? C'est un acte de purification qui nous est donné et que nous pouvons transmettre à notre tour :

"Dans la mesure seulement où, souvent, nous nous laissons laver, "rendre purs" par le Seigneur lui-même, nous pouvons apprendre à faire avec lui ce qu'il a fait."

Le lavement des pieds éclaire le "commandement nouveau" que le Christ a laissé à ses disciples :

"[Il] n'est pas simplement une exigence nouvelle et supérieure : il est lié à la nouveauté de Jésus Christ - au fait de s'immerger toujours plus en lui."

L'auteur consacre tout un chapitre à la prière sacerdotale de Jésus que reproduit Jean dans le chapitre 17 de son évangile et dont je ne m'étais pas rendu compte de l'importance auparavant.

A sa lecture il relève quatre thèmes: celui de la vie éternelle qui commence ici-bas et non pas après la mort; celui de la consécration des disciples "dans la vérité" - "la vérité est le bain qui les purifie, la vérité est le vêtement et l'onction dont ils ont besoin"; c'est la révélation du Nom de Dieu, indicible auparavant, qui se traduit par sa présence parmi les hommes; c'est celui de l'unité de l'Eglise, qui est certes constituée du sacrement de la succession, de l'Ecriture et du Symbole de la foi, mais qui est surtout reconnaissance de Jésus comme l'envoyé du Père en se laissant toucher par l'Amour de Dieu.

Lors de la dernière Cène, Jésus institue le commandement de répéter ce qu'il a accompli ce soir-là, "le fait de rompre le pain, la prière de bénédiction et d'action de grâce et avec elle les paroles de la transubstantiation du pain et du vin." :

"Nous pourrions dire : par ces paroles, notre moment actuel est entraîné dans le moment de Jésus."

Pourquoi rendre grâce ?  

"Pour l'"exaucement" (c.f.He 5,7). Il a rendu grâce par avance du fait que le Père ne l'abandonnerait pas à la mort (c.f. Ps 16,10). Il a rendu grâce pour le don de la Résurrection et, sur la base de celle-ci, déjà à ce moment, dans le pain et le vin, il pouvait donner son corps et son sang comme gage de la Résurrection et de la vie éternelle (c.f. Jn 6,53-58)."

Au jardin du Mont des Oliviers, Gethsémani, Jésus fait trois prophéties :

- le berger sera frappé et les brebis dispersées

- après sa Résurrection il les précédera en Galilée

- il ressuscitera donc

Pierre n'aurait pas dû s'interposer pour empêcher l'arrestation de Jésus:

"Parce qu'il s'oppose à la Croix , il ne peut pas entendre la parole sur la Résurrection et il voudrait [...] le succès sans la Croix." 

L'auteur remarque que c'est une tentation constante des chrétiens de vouloir "obtenir le succès sans la Croix" et avec ses propres forces, c'est pourquoi Pierre avait "besoin d'entendre l'annonce de sa faiblesse, de son triple reniement".

L'auteur, à propos du procès de Jésus, souligne que le Christ est condamné à mort par le Sanhédrin pour avoir blasphémé - il s'est prétendu Fils de Dieu. Mais ce blasphème n'est pas recevable devant Pilate. Il est donc accusé cette fois par les mêmes d'avoir revendiqué une royauté messianique. Du crime religieux on passe pour les besoins de la cause au crime politique. Pilate qui n'est pas convaincu de la culpabilité de Jésus va tout de même le condamner à mort à la faveur de l'amnistie pascale qui profitera à Barabbas:

"La paix fut en ce cas plus importante pour lui que la justice. Non seulement la grande et inaccessible vérité devait passer au second plan, mais aussi celle du cas concret : il crut ainsi accomplir le vrai sens du droit - sa fonction pacificatrice."

Le psaume 22 commence par le cri du Christ sur la Croix :

"Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné? "

Joseph Ratzinger explique :

"Déjà, parmi les priants de l'Ancien Testament, les paroles des Psaumes ne sont pas celles d'un seul individu fermé sur lui-même. Ce sont certes des paroles très personnelles, qui se sont formées dans le combat avec Dieu, mais des paroles auxquelles, en même temps, sont toutefois associés dans la prière tous les justes qui souffrent, tout Israël, et même l'humanité tout entière qui lutte, et c'est pourquoi les Psaumes enveloppent toujours le passé, le présent et l'avenir."

Par conséquent "nous sommes nous-mêmes les priants de ce Psaume, mais maintenant c'est d'une manière nouvelle, dans la comunion au Christ". 

Sur la Résurrection Joseph Ratzinger a écrit un texte de toute beauté dont la paroisse catholique de Chatou, où j'ai passé en famille le triduum pascal, a reproduit sans ligne de démarcation les deux passages les plus lumineux :

"Si dans la Résurrection de Jésus il ne s'était agi que du miracle d'un cadavre réanimé, cela ne nous intéresserait, en fin de compte, en aucune manière. Cela ne serait pas plus important que la réanimation, grâce à l'habileté des médecins, de personnes cliniquement mortes. Pour le monde en général, et pour notre existence, rien ne serait changé."

Plus loin :

"Les témoignages néotestamentaires ne nous laissent aucun doute sur le fait que dans "la Résurrection du Fils de l'Homme", quelque chose de totalement différent se soit produit. La Résurrection de Jésus fut l'évasion vers un genre de vie totalement nouveau, vers une vie qui n'est plus au-delà de cela - une vie qui a inauguré une nouvelle dimension de l'être-homme. C'est pourquoi la Résurrection de Jésus n'est pas un événement singulier que nous pourrions négliger et qui appartiendrait seulement au passé, mais elle est une sorte de "mutation décisive", un saut de qualité."

La feuille paroissiale catovienne omet malheureusement la remarque importante que fait entre parenthèses l'auteur et qu'il situe après "mutation décisive" et avant "un saut de qualité" :

"pour employer cette expression de manière analogique, bien qu'elle soit équivoque".

La feuille paroissiale termine son second extrait par cette phrase :

"Dans la Résurrection de Jésus, une nouvelle possibilité d'être homme a été atteinte, une possibilité qui intéresse tous les hommes et ouvre un avenir, un avenir d'un genre nouveau pour les hommes."

Le lecteur aura compris qu'il est impossible de résumer le livre de Joseph Ratzinger sur Jésus de Nazareth, que tout au plus chacun peut relever les interprétations qui l'auront le plus marqué, comme je l'ai fait pour donner envie d'aller y regarder de plus près, tant il est vrai que ce livre est d'une grande densité.

Il ne faut pas oublier qu'il s'agit d'une oeuvre entreprise en 2003, qui tenait particulièrement à coeur à son auteur. Il n'avait rédigé sous une forme définitive les chapitres 1 à 4 de la première partie qu'en août 2004. Dans sa préface à la première partie, écrite le 30 septembre 2006, il précisait :

"Après mon élection au siège épiscopal de Rome, j’ai employé tout mon temps libre pour le mener à bien. Parce que je ne sais pas combien de temps et quelles forces me seront encore concédées, je me suis décidé à publier comme première partie du livre les dix premiers chapitres, qui s’étalent du Baptême dans le Jourdain jusqu’à la confession de Pierre et à la Transfiguration."

Il est réconfortant de penser que le Seigneur lui a concédé suffisamment de temps et de forces pour achever également la deuxième partie et nous donner ainsi encore plus ample matière à réflexion.

Francis Richard


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