Magazine Journal intime

Où il est question de pain chaud, d’un balai et d’une âme qui s’éteint (en cadeau, un débat sur noël!)

Par Vivresansargent

Mercredi 21/12:

Une jeune femme me demande: « Nicolas? » moi, comme je m’appelle Nicolas, je lui dis: «oui!»

Trente secondes plus tard, les présentations sont faites et trente autres secondes plus tard, je suis dans sa voiture, une Renault Express, le même modèle que la patronne hystéro-pathétique de la ferme précédente. Je tremble. Serait-ce un signe?

On pénètre à modeste allure (on n’est pas dans un roman policier!) dans la campagne profonde et humide de l’Orne. Notre point de rendez-vous était sur la place principale de la petite ville de Mortagne au Perche, connue pour ses boudins noirs. Nous faisons environ vingt minutes de route et, qu’elle n’est pas ma stupéfaction, lorsque que nous laissons sur notre droite, le panneau qui indique que nous entrons dans le village de Villiers sous Mortagne…Encore Villiers!!! La première étape de mon voyage était à Villiers le bel ensuite, j’ai atterri à Villiers Louis et maintenant Villiers sous Mortagne! Rigolo Aldo! Est-ce un autre signe? La vie voudrait-elle que je me lie à quelqu’un ou à quelque chose?

Une fois dans la pièce de vie (liers) de la ferme, je fais la connaissance de Yannick, de Damiens et d’Aurelie, la conductrice (qui fait mentir l’adage populaire car nous sommes bien vivant! (Peut être parce qu’il n’y avait pas de tournant sur la route!) Et aussi car la voiture n’est pas plus égratignée (peut être parce qu’il n’y avait pas de créneau à faire sur le parcours!) Vous fâchez pas les filles, on peut bien rigoler, non?)! Il y a une troisième personne que je découvrirai plus tard car elle est partie faire du WWOOFing en Espagne. Cette troisième personne se nomme Clothilde.

Je découvre le fonctionnement de cet endroit: Yannick est celui qui s’occupe des bovins, il est boucher de formation et Aurélie, est la boulangère de la ferme. La viande et le pain sont leurs ressources principales. Ils sont tous les deux les exploitants principaux de la ferme. Autour d’eux, au gré du vent, gravite une nuée de partenaire d’un jour ou plus.

L’ambiance est chaleureuse et agréable. Tout le monde autour de la table a entre 20 et 40 ans (d’autres auraient écris 30 ans mais ils font ce qu’ils veulent (avec leurs cheveux!)), ce qui fait que tout de suite, la mayonnaise prend, poils aux dents.

Un peu plus tard dans la soirée, au moment de se souhaiter une bonne nuit, je découvre que la pièce de vie se trouve également être ma chambre pour les 15 jours a venir. Pas de soucis car je croyais être logé dans une caravane. Le salon sera donc une chambre à deux, voire trois étoiles, au guide de Mauricin (concurrent du guide Michelin!). Une fois tout le monde parti, je prépare ma couche, à même le sol. C’est la première fois de ma vie (liers) que je déplie un carton pour m’en servir de natte. Sur ce carton, je plie, en trois, une couverture. Ainsi, j’ai un isolant et un matelas. Le tout pour pas cher car…je ne l’ai pas acheté! Je positionne mon lit plein sud, au pied de la cuisinière. Le SDF volontaire que je suis devenu n’a rien contre une bonne exposition et un peu de confort.

Jeudi 22/12:

Au réveil, j’ai un peu froid. Ce qui veut dire que j’ai froid mais pas trop (pour ceux qui saisissent mal les nuances!). Le feu dans la cuisinière ne fait office de chauffage que jusqu’au milieu de la nuit, jusqu’à ce que le feu soit mort. C’est donc la première mission de la journée: faire du feu. Je m’y colle. J’aime faire du feu. J’aime préparer un foyer de manière à n’avoir qu’une allumette à craquer pour que tout s’embrase, d’un coup d’un seul. L’allumette fumante entre les doigts, assis en tailleur sur le sol je regarde danser les flammes. Elles sont si bonnes danseuses. C’est certainement la raison pour laquelle on reste souvent « scotché », comme hypnotisé, devant un feu, prisonnier du charme d’une chaude et enivrante danse.

La chaleur, peu à peu, envahit la maison et nous, on laisse faire, joyeux. Quand on a froid et que la chaleur vient toucher nos joues, quand elle se glisse sous nos vêtements et qu’elle s’enroule autour de notre cou, l’on sourie. Le café fumant est posé sur la table en bois. Le pain complet est coupé en larges tranches et grillé sur la cuisinière. Le beurre, couleur or, ce qui prouve sa qualité, fond doucement sur le pain chaud et fait briller nos lèvres.

Tout le monde a quitté la ferme et, ce matin, je suis seul. J’en profite donc pour mettre un peu de musique. J’ai trouvé un CD de La rue Ketanou (le 1er). Je perche haut le volume et chante à tue-tête ces airs qui vendent la bohème et le voyage. Un balai à la main, je visite la maison. Le manche du balai est, pour un temps, devenu une superbe cavalière. On tourne, on virevolte, nos mains glissent, on se lâche et on se rattrape aussitôt pour un nouveau pas de danse. Ses cheveux, à chaque tour, en plus d’embaumer l’air de sa féminité, fouettent doucement mon visage et laissent leurs empreintes cruellement éphémères sur mes joues. Heureusement, c’est moi qui mène cette danse et, je peux la faire tourner encore et encore et me saouler d’elle…

La danse du balai est terminée. Non pas que la musique se soit arrêtée, non, il n’y a plus de poussière à dénicher, la maison est propre. Je pose ma belle cavalière dans un coin de la pièce et je file à la cuisine pour une nouvelle mission: faire un gâteau.

Je prends trois beaux oeufs que les poules de la ferme fournissent en échange du gîte et du couvert. Leur coquille est si foncée que l’on pourrait croire à des oeufs de Pâques en chocolat. J’ouvre tous les placards à la recherche de ce que je cherche (fais ce que je veux!) et je trouve ce que je cherche: de la farine de blé semi-complète, du sucre Irlandais euh…roux, pardon. Je déniche une douzaine de pommes toutes biscornues du verger d’à côté, une poignée de raisins secs, des graines de Sésame (ouvre-toi, me souffle Aladin!) et une noisette de beurre. Comme il n’y a plus de lait, je vais tricher un peu et utiliser du fromage frais de vache.

Assis, non pas sur le rebord du monde, mais sur une chaise, à table, dans le salon, je pèle les pommes, en musique. Tout en jouant de l’économe, je pense à Audrey Tautou qui, dans « un long dimanche de fiançailles », tout en pelant les siennes, fait un voeu. J’en fais autant, poils aux dents et pas question de te révéler mon voeu car, comme tout le monde le sait (sauf toi patate!), si je le révèle, il ne se réalisera pas…

Je jette les quartiers de pommes dans une poële bien chaude, luisante d’huile d’olive, je recule d’un pas car ça fait spchiiiitte (merci Jacques pour l’inspiration!). Pendant que blondissent les pommes, je prépare l’appareil: je blanchis les oeufs avec le sucre, comme je n’ai pas de lait, je rajoute un quatrième oeuf et un demi verre d’eau (une première!), j’incorpore le fromage frais, j’ajoute ensuite la farine, les pommes caramélisées, le beurre fondu, les raisins secs et, pour finir, j’ajoute de la cardamome, deux ou trois gouttes de vanille et une pincée de sel (mieux vaut tard!). Il me reste à chemiser le plat en le graissant et, ensuite, en le saupoudrant de farine, histoire que le gâteau ne colle pas dans le fond du plat, ce qui n’est jamais agréable au moment de servir. Je verse mon appareil dans mon plat, saupoudre, généreusement, de graines de Sésame et enfourne le tout. Et ce tout, dans quarante deux minutes environ, deviendra gâteau, poils au dos.

Et puis jeudi, il s’est passé autre chose. Cette autre chose que je ne suis pas prêt d’oublier. On à, Yannick et moi, saigné une brebis… il a fallu, dans un premier temps, l’attraper, ce qui nous a pris une trentaine de minutes car, évidement, la bête ne s’est pas laissé faire, normal.

L’histoire: Une fois maintenue au sol, on attache les pattes de la brebis avec une cordelette et on l’emmène, non sans mal, car elle pèse, d’après Yannick, environ 60/70 kg, dans la chambre de découpe qui s’avère être, pour aujourd’hui, une table, sous un préau. La personne chez qui nous sommes me dit qu’un éleveur a le droit de tuer une bête chez lui, si c’est pour la consommation personnelle. Si il le dit.

Ma mission: tenir la bête pendant que Yannick lui tranche la carotide. A ce moment là, je réalise que ce qui va se passer sera « du sérieux » et ma grande bouche se ferme, mes sourcils se plissent, mon corps se raidit. Quel expérience Clémence! Je sens, au moment ou le couteau coute (du verbe couter!), les soubresauts de la brebis qui, malgré tout, reste silencieuse. Heureusement, le moment est suffisamment pénible. Elle lutte dans mes bras. Elle s’agite dans mes bras. Elle saigne dans mes bras et meurt dans mes bras…

Cette expérience n’a pas été un moment de plaisir. Je suis tout de même satisfait de l’avoir vécue. Dans notre société aseptisée, tout est caché, tout est transformé, tout est édulcoré. Les barquettes contenant la viande que l’on achète en grande surface sont si « jolies » que l’on oublierait presque qu’il a fallu tuer une bête pour la remplir. Et les conditions d’élevage et d’abattage des animaux sont, dans l’industrie alimentaire, des plus répugnantes et révoltantes. Certes, on a tué une brebis mais cette brebis a été respectée, de sa naissance jusqu’à sa mort, je l’espère. Peut être que cela semblera ridicule à certain mais, on a jamais cessé de lui parler, de la caresser pour essayer de la rassurer, de la calmer et de l’accompagner. Je crois que malgré la « violence » du moment, il était tout à fait humain.

Vendredi 23:12:

Dans le fournil, on s’agite, la tension monte. La charge de travail est conséquente. Nous sommes debout depuis 6h face (fais ce que je veux!) et nous avons 180 kg de pain à faire. Le feu, pour le fournil, brûle depuis hier. Quelqu’un se charge de mettre du bois dans le poële au fond duquel quelques braises sont encore visibles. Un autre, se charge de préparer les différentes graines pour les différents mélanges. Pour le marché de demain, le marché de Noël, il y aura des pains spéciaux aux noix, noisettes, lin, figues et autres graines et fruits secs. En ce qui me concerne, je suis dans le pétrin… C’est un meuble en bois de 50 cm de large et de presque 3m de long dans le lequel la farine, le levain et l’eau salée sont mélangés. Une fois que l’on obtient une pâte légère et homogène, après bien, quinze minutes de mélange, on passe au pétrissage en lui-même qui dure une quinzaine de minutes également. Aurélie vient m’aider et me montre le geste adéquat. Il s’agit de « prendre » de la pâte dans les mains au niveau du bord opposé, de ramener les mains vers soi et de lever le tout pour le ramener, dans le même geste, vers le bord opposé en formant une vague avec la pâte élastique, en écartant les mains pour emprisonner de l’air dans la pâte quand elle retombe dans un grand: « Splach » (si t’as pas compris le geste à faire pour pétrir, chais pas quoi t’dire, hey Casimire!)

En fin de journée ou plutôt en début de soirée, les deux fournées ont données naissances à des dizaines de beaux pains (Alex, pour les connaisseurs!) de toutes formes. La journée est un succès. Une bonne odeur de pain chaud envahit la ferme. Les filles, Aurelie et Clothilde ont bien travaillé, leurs miches sont superbes (ouais, je sais, c’est limite!). Yannick et moi, après le pétrissage du matin, ont est allé dans les champs pour planter de la clôture pour, devine quoi…clôturer, t’es trop fort, Hector!

Samedi 24/12:

C’est Noël.

J’aurais bien, au moins, 24 trucs à dire sur Noël mais je me contenterai de quelques mots. Je fais partie de ces quelques rabat-joie qui pensent que le jour de Noël est devenu trop commercial et qu’il s’est écarté de son sens premier. Je pense que Noël devrait-être un moment de joie pour les croyants et pour eux seulement. Noël avait du sens il y a cinquante ans quand, la presque totalité des ménages étaient « baignés » dans la foi (réelle ou pas, c’est une autre histoire). Ce jour où en famille, l’on fêtait la naissance du Christ, dans la joie. Pourquoi pas.

Aujourd’hui, grâce à Caca-Cola (on peut rigoler oui!), le père Noël est rouge et il vient distribuer une MONTAGNE de cadeaux aux enfants sages. Si l’on offre pas au moins quatre cadeaux par personne, c’est que l’on est sans coeur, radin, que l’on a perdu son âme d’enfant ou, pauvre, évidemment, et l’on culpabilise ainsi de ne pouvoir couvrir ses proches de cadeaux. Encore une pression supplémentaire de cette société (tu m’auras pas!) de consommation.

J’avoue mon agacement quand j’entends ces enfants qui réclament et qui disent ou qui hurlent: « J’veux ci! J’veux ça! » On apprend aux enfants que ce qui compte c’est ce que l’on a. Alors que, pour moi, comme pour d’autres, ce qui compte, c’est ce que l’on est!

Tous ces jours de fêtes ou l’on est « obligé » d’offrir, ne me semble pas si utiles et encore moins si magiques que cela. Pour vivre un chaud et magique moment avec un proche, rien de mieux que de lui offrir un cadeau (utile) au moment où il s’y attend le moins.

Ah, l’existence du papa Noël! Ce cruel mensonge dont les grands se délectent n’est, pour moi, pas si magique! Ce n’est rien d’autre qu’une manipulation des enfants qui n’a aucun sens! Si ce n’est les faire entrer dans le monde des grands  par la petite porte quand, dans la cour de l’école, des camarades qui se sont eux aussi fait avoir, se moquent du dernier innocent qui sait fait duper par les siens. Et leur cruauté est à la hauteur de leur déception et de leur douleur quand, humiliés, ils ont découvert la vérité, quelques années auparavant!

Pourquoi attendre le jour de Noël pour faire un cadeau à un proche? Parce que c’est chouette Noël! Parce que l’on est obligé! Pourquoi, autre exemple du même acabit, alors que plus personne (ou presque) ne se revendique catholique, allons nous nous marier à l’église? Parce que c’est beau un mariage à l’église…Comment peut-on se marier devant Dieu si l’on n’a pas la foi! Noël est l’anniversaire du christ, rien d’autre. En général, je souhaite leur anniversaire aux gens que j’aime, qui me sont proches ou que je connais, même peu. Pour ceux que je ne connais pas, d’autres s’en charge, du moins je l’espère.

Voilà pourquoi Noël me laisse plutôt froid. Je ne suis ni croyant, ni un enfant…

Par contre, si ce jour peut permettre à une famille, que la vie (et non pas la haine) a séparé, de se retrouver, avec envie et joie, autour d’une même table et de savourer un vrai moment de bonheur, ensemble, alors ce jour a un sens. Pour le reste…

Je lance le débat! Il est libre et ouvert à toutes les bonnes volontés! N’hésitez pas et participez. Vous n’êtes pas d’accord. Dites le! Vous êtes d’accord. Dites le! Expliquez votre point de vue! Un débat ne doit pas être une guerre de position mais une occasion de modifier et de peaufiner sa réflexion, son opinion, pour qu’un jour, elle soit la plus juste et la plus cohérente possible. A vous de jouer!

“Voyagez plus pour vivre plus”


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