Magazine Cinéma

[Critique DVD] Il était une fois en Anatolie

Par Gicquel

C’était le dernier des longs métrages en lice pour la Palme d’or au festival de Cannes. 2 h 37. C’était le plus long. Ce sera le Grand Prix.
Le titre est un leurre. Ou plutôt une fausse piste, tracée dans cette région d’Asie mineure, qui ne se prête guère au déploiement d’une fresque historique à la Sergio Leone.
Pour écrire son film, Nuri Bilge Ceylan dit s’être inspiré de Tchekhov. Le tragique et le grotesque de la littérature russe empruntent effectivement le même chemin que le cinéaste. Son histoire de meurtrier à la recherche du corps de sa victime est dramatique. La manière de mener l’enquête est parfois très drôle.

L’ensemble donne une vision très étrange de l’Anatolie, un pays comme abandonné entre deux civilisations. La plus extrême, la plus pauvre, se traîne dans le regard perdu d’un meurtrier amnésique, qui retrouvera un peu d’humanité, lors d’une halte, dans un village tout aussi paumé.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Là où, le procureur impassible ( magnifique Taner Birsel  ), pressé de rentrer à Ankara, et le toubib en attente d’un diagnostic sur un corps qui n’existe pas, poursuivent leurs confidences.

Cet autre monde, civilisé, qui déjà  se lézarde, se heurte aux aléas d’un environnement hostile, qu’ils ne comprennent pas. Des histoires de limites communales, de cimetière abandonnée ou d’une jeune femme, belle et soumise «  que l’on va bientôt marier, au fils de … ».

Nuri Bilge Ceylan, la filme avec une tendresse discrète, la même qui le conduit avec précaution auprès de tous ses personnages. Meurtrier ou notable, petit commissaire ou gratte papier, l’humanité est fait de toutes ces différences, nous dit-il. Elles s’additionnent ou se rétractent, dans un jeu de rôles, parfois jubilatoire.

[Critique DVD] Il était une fois en Anatolie

Je pense au docteur qui devant les révélations du procureur, l’accuse ouvertement de ne pas avoir fait son travail d’inquisiteur. Muhammet Uzuner  est un très bon comédien .Je revoie aussi la scène de l’autopsie, sa mise en place, surtout, un  grand moment de bravoure cinématographique. «  Faut-il en rire ou en pleurer ? » demande l’un des protagonistes de ce long road movie, égaré  dans la campagne turque. C’est bien tout le sens donné à ce film,  une interrogation qui place chaque personnage face à sa destinée. Mais la réponse n’existe pas.

LE MAKING OF

Une véritable immersion sur le plateau de tournage ( 20 mn ), avec de longues séquences sur le travail du réalisateur. On le voit diriger ses comédiens, et surtout les houspiller , gentiment . C’est le cas avec  Muhammet Uzuner , à qui il reproche de ne pas avoir la bonne attitude , le bon regard. L’intéressé se dit ravi de travailler sous le regard d’un tel cinéaste  » c’est bon pour ma carrière, et aussi sur le plan personnel.(…) Il a une façon très particulière de nous faire travailler, on répète énormément, et parfois c’est décourageant. Entre les répétitions et le texte que l’on retient, on s’embrouille et c’est la confusion. Le texte que l’on a appris par cœur ne sert plus à rien..Pour permettre d’extérioriser ce que l’on ressent, il a recours à des méthodes incroyables. Il remue des choses au niveau de l’âme et du cerveau. »

[Critique DVD] Il était une fois en Anatolie

Ce qui est étonnant, c’est que Ceylan leur laisse parfois le choix entre plusieurs attitudes  » tu peux t’assoir, ou bien somnoler légèrement ». On  le voit aussi se mêler , discrètement , à certaines scènes, comme celle de l’arrivée de l’assassin au commissariat.  » C’est un rêveur obsessif, voire maladif » dit Taner Birsel ,  » il est capable de nous déstabiliser, afin que l’on perde nos repères. Il nous force à oublier tout ce que l’on connaît. C’est déstabilisant, pas au niveau du confort du comédien, mais de sa concentration. D’une certaine manière ça nous oblige à puiser au plus profond de nous-même ».


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Gicquel 940 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazines