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Dexia : ne nous trompons pas de coupables !

Publié le 03 novembre 2012 par Copeau @Contrepoints

Une fois de plus, la banque Dexia défraie la chro­nique : faute d’une reca­pi­ta­li­sa­tion, elle risque la faillite. Mais qui l’a pous­sée vers le gouffre ?

Par Frédéric Wauters, depuis Bruxelles, Belgique.

Siège de Dexia

Reve­nons un ins­tant en arrière. Un an en arrière, pour être précis. Mardi 4 octobre 2011. Entre l’ouverture et la clô­ture des mar­chés, le titre de la banque Dexia dévisse et passe de 1,21 EUR à 1,01 EUR (avec un creux à 0,83 EUR), soit une chute de 17%. Impres­sion­nant, mais pas autant que la lente érosion subie au cours de l’année 2011 : le cours de l’action Dexia est en effet len­te­ment tombé d’un "plus haut" de 3,38 EUR ! En moins d’un an, Dexia aura donc perdu deux tiers de sa valeur. En cause : des actifs toxiques dont la toxi­cité a grimpé plus rapi­de­ment encore que les taux de radio­ac­ti­vité dans les réac­teurs endom­ma­gés de la cen­trale de Fuku­shima. Le résul­tat de la poli­tique spé­cu­la­tive de ses méchants pro­prié­taires et diri­geants capitalistes ?

La plus natio­na­li­sée de toutes les banques

Le hic, c’est que, même avant sa chute, le groupe Dexia était la plus « natio­na­li­sée » de toutes les banques ouest-européennes. Il suf­fit d’ouvrir le rap­port annuel 2010 du groupe pour s’en convaincre.

Au 31 décembre 2010, l’actionnariat se répar­tis­sait comme suit :

  • 17,6% : Caisse des Dépôts et Consi­gna­tions (le bras finan­cier de l’État Français)
  • 14,1% : Hol­ding Com­mu­nal (une société contrô­lée par les muni­ci­pa­li­tés belges)
  • 13,8% : Arco Group (une société hol­ding aux mains des syn­di­cats catho­liques belges)
  • 5,7% : l’État français
  • 5,7% : l’État belge
  • 5% : Ethias Group (une société d’assurances qui a elle-même souf­fert de la crise et qui, au départ était une coopé­ra­tive d’assurance mise sur pied pour les fonc­tion­naires belges. Elle est actuel­le­ment sous le contrôle de l’État et des enti­tés fédé­rées belges)

En clair : 48,1 % des actions sont direc­te­ment ou indi­rec­te­ment dans les mains de l’État, et les 13,8% dans les mains des syn­di­cats ! Exit, la théo­rie des action­naires capi­ta­listes sans scrupules !

Un conseil d’administration bourré de com­mis de l’État

Mais peut-être les États se contentaient-ils d’une posi­tion pas­sive et le conseil d’administration, noyauté par d’horribles spé­cu­la­teurs, faisait-il ce qu’il vou­lait ? Que nenni ! Jetez un œil au conseil d’administration de Dexia, fin 2011 :

Pré­sident du Board of Direc­tors : Jean-Luc Dehaene. Un mon­sieur bien connu des belges, puisqu’il a été pre­mier ministre à maintes reprises.

Chief Exe­cu­tive Offi­cer : Pierre Mariani. Un superbe énarque bien hexa­go­nal, qui fut entre autres chef de cabi­net du Ministre du Bud­get et porte-parole du gou­ver­ne­ment français.

Parmi les admi­nis­tra­teurs, dont la liste est longue comme un jour sans pain, on retrouve notam­ment, à côté de ban­quiers de bon teint :

  • Isa­belle Bouillot qui fut entre autres conseiller écono­mique du pré­sident Mit­te­rand avant d’occuper le poste de res­pon­sable du bud­get au Minis­tère fran­çais de l’Économie et des Finances ;
  • Oli­vier Bourges, qui fut haut fonc­tion­naire à la Direc­tion du Tré­sor, à Paris ;
  • Serge Kubla, bourg­mestre de la ville de Water­loo, en  Belgique ;
  • Koen Van Loo, ancien chef de cabi­net du ministre des Finances belges ;
  • Fran­cis Ver­mei­ren, éche­vin de la ville de Zaventem.

Notons au pas­sage que parmi les anciens admi­nis­tra­teurs de Dexia, on retrouve Elio Di Rupo, pre­mier ministre socia­liste du gou­ver­ne­ment actuel.

Un pro­blème avant tout étatique

Un action­na­riat au mains de deux États et d’organisations syn­di­cales. Un conseil d’administration dirigé par d’anciens poli­ti­ciens et où siègent de nom­breux com­mis de l’État. Dif­fi­cile de pré­tendre encore que Dexia était le jouet de vilains spéculateurs.

D’ailleurs, Dexia n’est pas la seule banque soi-disant pri­vée à faire la culbute. Pre­nez For­tis, aujourd’hui déman­te­lée et en par­tie reprise par BNP Pari­bas. Rappelons-nous quand même qu’elle est issue de la défunte CGER, la Caisse Géné­rale d’Épargne et de Retraite, une ins­ti­tu­tion ban­caire créée par l’État belge et qui a long­temps eu en Bel­gique le mono­pole de la récolte de l’épargne publique.

Arrê­tons de gas­piller les deniers publics

Je ne suis pas tou­jours d’accord avec les blogs de gauche. Loin de là. Mais quand je lis ce post de Larissa sur le blog belge Respectivement.be, je ne peux m’empêcher de par­ta­ger une grande par­tie de ses constats. Il y a quelque chose d’indécent à for­cer la popu­la­tion belge à subir des mesures dras­tiques d’austérité et une pos­sible hausse de la TVA déjà parmi les plus élevées d’Europe, alors que dans le même temps, le gou­ver­ne­ment n’hésite pas à mettre 6 mil­liards d’euros sur la table pour reca­pi­ta­li­ser Dexia. Mais cette indé­cence a une cause : la pro­messe com­plè­te­ment irres­pon­sable du gou­ver­ne­ment Di Rupo (vous vous rap­pe­lez, l’ancien admi­nis­tra­teur) de garan­tir 60,5% des finan­ce­ments de 90 mil­liards d’euros octroyés à Dexia en 2008 et 2009, soit 54,45 mil­liards d’euros. Devant les dif­fi­cul­tés finan­cières du groupe Dexia, le gou­ver­ne­ment a donc le choix entre allon­ger un peu d’argent tout de suite ou se trou­ver face à une addi­tion qui trans­for­mera la Bel­gique en pays du Tiers-Monde.

Ce sont ces gens, ces mêmes gens qui ont accordé ces garan­ties, qui sont aujourd’hui au com­mandes du gou­ver­ne­ment belge. Suite à des élec­tions où ils ont lar­ge­ment été plé­bis­ci­tés par la popu­la­tion. Et là, moi aussi je sors le sac à vomi.…

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Sur le web.
(NB. une par­tie des infor­ma­tions uti­li­sées pour cet article pro­viennent d’une chro­nique que j’ai publiée l’an der­nier sur le site 24hGold)


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