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Hugo Blanco, la terre ou la mort!

Par Alaindependant

En 1989 le gouvernement d’Alan García a tenté de le supprimer. « Les communautés de la région de Pucallpa réclamaient de l’argent à l’État pour la vente de leur récolte de maïs. Après le blocage des routes et des rivières on n’a pas obtenu grand chose mais on a fêté cette modeste victoire en organisant un meeting. Au moment où nous avons entonné l’hymne, la police a ouvert le feu. 23 paysans ont été tués et 28 portés disparus. Je me suis réfugié dans le local de la Confédération et c’est là qu’ils m’ont arrêté. Ils m’ont frappé et mis la tête dans un sac. Heureusement un paysan m’a vu au moment où ils me faisaient monter dans un véhicule, il a appelé la CCP et la CCP a averti Amnesty International. En quelques heures on réclamait ma libération dans le monde entier. »

Manifestement, la vie et les luttes de Hugo Blanco n'ont pas été de tout repos. Mais il s'était donné d'autres raisons de vivre, peut-être celles d'affronter souvent la mort. Ainsi en a-t-il été. Lisons-le.

Michel Peyret.

Hugo Blanco, un militant légendaire, pour la terre, pour la Terre-mère

Sengo Pérez *

Dans cette interview Hugo Blanco, dirigeant des luttes paysannes au Pérou, retrace le parcours de sa vie militante.

Hugo Blanco de passage à Paris en 2010. Photothèque Rouge/MILO

Hugo Blanco de passage à Paris en 2010. Photothèque Rouge/MILO

À bientôt 80 ans, Hugo Blanco, ex-dirigeant paysan, ex-syndicaliste, ex-guérillero, continue à lutter pour la terre. « Ce n’est plus seulement pour la réforme agraire », déclare-t-il, « il s’agit maintenant de la défense de notre planète. Être de gauche aujourd’hui, être révolutionnaire, c’est défendre notre milieu naturel, l’accès à l’eau, s’opposer à l’extraction minière, aux centrales hydroélectriques, aux causes du changement climatique. » Et il n’a pas renoncé à ses rêves.

Je ne savais pas et ne pouvais pas imaginer que Bartolomé Paz, un propriétaire terrien qui n’avait rien de pacifique, en marquant au feu ses initiales sur la cuisse d’un misérable peon du nom de Francisco Zamata, allait aussi marquer la vie de l’enfant Hugo Blanco, et contribuer ainsi à en faire le plus important dirigeant paysan de l’histoire du Pérou. Né Blanco, doublement, par son nom et par sa couleur de peau, il s’est donné comme ligne de vie le destin cuivré de l’indien.

« Au Cuzco, la révolution mexicaine a eu un impact profond avec sa charge d’indigénisme. Des musiciens s’en sont inspirés pour dénoncer l’injustice ; des peintres, tel Sabogal, l’ont représentée ; nos maîtres d’école nous apprenaient des chansons qui parlaient de la complainte de l’indien ; mon frère me faisait connaître la littérature sociale avec des auteurs comme Jorge Icaza, Ciro Alegría, Rómulo Gallegos ; la guitare de mon père chantait la tristesse de l’indien... tout cela a contribué à ma formation », se souvient Hugo Blanco.

« J’étais élève au Collège de sciences. Manuel Odria, un dictateur qui avait pris le pouvoir en 1948, avait placé des petits dictateurs aux postes de directeur des collèges nationaux. Nous sommes partis en grève contre notre tyran local et nous avons obtenu son départ. C’était une première expérience où j’ai appris quelque chose de très important : faire marcher une ronéo. »

À 20 ans Hugo Blanco part en Argentine avec une grande soif de découverte. « J’ai terminé le lycée et je suis allé faire des études d’agronomie à La Plata. J’y ai rejoint mon frère Óscar, qui était secrétaire général de la section locale de l’APRA (1). J’y ai poursuivi mon apprentissage à l’écoute de personnes comme Armando Villanueva, Carlos Enrique Melgar, en lisant José Carlos Mariátegui, Manuel González Prada, Haya de la Torre. C’est là que j’ai découvert que la Bolivie avait connu une révolution en 1952.(2) »

« L’APRA connaissait une évolution droitière et mon frère me disait beaucoup de mal du Parti communiste. Je cherchais ma voie et j’ai finalement adhéré au POR (Parti ouvrier révolutionnaire). J’ai su plus tard qu’il était trotskiste. À l’époque se préparait un coup d’État en Argentine, avec l’appui des classes moyennes et des étudiants. À l’université l’atmosphère devenait irrespirable et j’ai choisi d’aller travailler en usine : je m’y sentais bien. »

L’idée était de gagner un peu d’argent pour pouvoir rentrer à Lima. Il a travaillé comme ouvrier dans l’industrie textile, la construction, la métallurgie avant de se retrouver dans une entreprise importante où existait un syndicat. À cette époque, Richard Nixon, alors vice-président des États-Unis, est venu au Pérou et les petites formations de gauche se sont organisées pour dénoncer sa visite : « Cette manifestation a été impressionnante, beaucoup plus importante que ce que nous avions imaginé. »(3)

« Tierra o muerte »

Jeune militant qui n’avait pas froid aux yeux, il s’est trouvé exposé et pour assurer sa sécurité son parti a décidé de le renvoyer dans son Cuzco natal.

Il s’est tout de suite engagé dans l’action syndicale. Avec l’aide de sa sœur qui travaillait dans un quotidien, il a commencé à organiser les petits vendeurs de journaux, des gamins de 12 ou 13 ans. Il a recueilli quelques fonds pour pouvoir leur procurer un titre de travail et leur éviter les persécutions de la police. « Un gamin va-nu-pied était considéré comme un délinquant. Le patron du journal m’a fait jeter en prison, mais les gamins ont fait grève et nous avons finalement obtenu bien plus que ce qu’on espérait. »

En prison il s’est retrouvé avec trois paysans de la vallée de La Convención qui lui ont expliqué leur situation. « Le féodalisme a été instauré par les Espagnols sous la forme de l’hacienda, une exploitation agricole dont le maître, el hacendado, était tout à la fois Dieu, le Pouvoir et la Justice. Il châtiait, violait, humiliait et concédait une modeste parcelle au paysan qui, en contrepartie, devait travailler ses terres. Toute la famille, jusqu’aux enfants, devait participer à la récolte. La femme était souvent employée comme domestique. Le hacendado fixait le nombre de jours de travail que lui devait le paysan. En cas d’absence, il se payait en envoyant le contremaître chez le fautif pour prendre ses maigres biens, des vêtements, des outils... C’est ce système qui a été étendu à la vallée de La Convención. »

Il n’y avait plus de terre disponible dans la sierra et au nom de la colonisation le gouvernement en a offert à des prix dérisoires dans la selva (forêt vierge) où se sont formés de gigantesques latifundia. Mais rendre cultivable la terre de la selva est un travail épuisant. « Les indiens de la selva ne comprenaient pas pourquoi il fallait travaillait pour d’autres et ils sont partis vivre sur des terres reculées. Il a fallu faire venir des gens de la sierra mais ils n’étaient pas habitués à ce climat, ils ne connaissaient pas ces maladies ni les médicaments pour les soigner et le taux de mortalité était très élevé. »

Les premières organisations syndicales se sont formées dans la lutte pour réduire le nombre de journées de travail pour le patron, qui variait entre 12 et 20 jours par mois. Les hacendados « distingués » négociaient avec les paysans par l’entremise de leurs avocats. Les « brutes » ne dialoguaient pas et négociaient encore moins. « Si vous croyez que je vais palabrer avec mes indiens pour savoir comment ils doivent me servir... Je fais emprisonner les meneurs et l’affaire est réglée. » Voilà ce qu’ils pensaient et ce qu’ils disaient. « C’est trois de ces meneurs que j’ai connus en prison », se souvient Hugo.

D’abord tenu à l’écart par la Confédération paysanne de Cuzco du fait de son affiliation trotskiste, ridiculement accusé d’être au service de l’impérialisme et des patrons par ceux qui n’arrivaient pas à le faire rentrer dans le rang, Hugo a gagné sa place en affrontant la police dans la rue, en résistant aux tentatives d’interpellation, en organisant des grèves de la faim en prison. Il a enfin été reconnu par la Confédération et cet « agitateur » dont se démarquaient certains dirigeants s’est vu confier la mission d’organiser des syndicats dans tout le pays.

Les grèves ont commencé. « Je ne m’en suis pas rendu compte tout de suite mais avec le début de la réforme agraire les hacendados ont commencé à paniquer. Ils se déplaçaient armés, menaçaient, terrorisaient. Si le paysan faisait appel à la police, c’était pire, ils criaient : “Indiens insensés qui veulent porter plainte, votre patron a le droit de vous tuer comme des chiens.” Il devenait nécessaire d’organiser l’auto-défense et on m’a chargé de le faire. »

Le sang n’allait pas tarder à couler. Un hacendado, Pillco, et un garde civil sont venus pour arrêter un syndicaliste, Tiburcio Bolaños. Mais comme ils ne l’ont pas trouvé ils ont tiré sur un pauvre gamin de 11 ans en larmes qui ne pouvait pas leur indiquer où s’était réfugié son parrain. Le syndicat a décidé de demander des comptes au hacendado et c’est Hugo qui a pris la tête de la délégation.

Avec des armes de fortune, ils ont passé le premier contrôle policier mais au deuxième les gardes étaient alertés. « On est entré dans le poste de garde, on a expliqué au policier pourquoi nous étions là et je lui ai dit de se rendre. Il a voulu prendre son revolver mais j’ai tiré le premier. Plus tard, j’ai appris que c’était lui qui avait fourni son arme au hacendado qui avait abattu le gamin. »

Deux autres policiers ont été tués dans des affrontements ultérieurs. Quelques mois plus tard Hugo a été arrêté. En tant que dirigeant du groupe, il a assumé la responsabilité de ces morts. Il a été détenu pendant trois ans avant de comparaître devant le tribunal militaire de Tacna, loin de Cuzco. Tout s’est déroulé d’une façon totalement illégale.

C’est au cri de « tierra o muerte » (la terre ou la mort) qu’il est entré dans la salle du tribunal et des voix sourdes dans le public lui ont répondu « venceremos » (nous vaincrons). Ses camarades comparaissaient également. Ils avaient refusé de déclarer, comme on le leur soufflait, qu’ils étaient analphabètes et qu’ils avaient été abusés par le « communiste » Blanco. Les réquisitions du procureur allaient de 25 ans de prison à la peine de mort. On lui a proposé l’exil. « Si j’avais accepté, cela m’aurait interdit de continuer à dénoncer les agissements des patrons et le rôle de la police. Les faits n’étaient pas connus et l’audience était publique. Et je n’allais pas trahir mes camarades qui eux resteraient en prison. »

Grâce à une campagne internationale soutenue par des personnalités très connues, comme Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir, il a échappé à la peine de mort : ils l’ont condamné à 25 ans de prison.

Coup d’État nationaliste du général Velasco

L’exemple de Cuzco s’est propagé dans tout le Pérou. Aux occupations de terre, le gouvernement a répondu par des fusillades. C’est alors que s’est produit le coup d’État nationaliste du général Juan Velasco Alvarado qui a proclamé une réforme agraire générale. En 1970, on a proposé à Hugo de le libérer.

Mais en intraitable rebelle, cet homme qui a donné des maux de tête aux gouvernements de droite comme aux communistes et aux apristes n’a pas fait d’exception avec Velasco. « Tu peux sortir demain, cela ne dépend que de toi, m’a dit une émissaire. Comment ? ai-je demandé. Il faut que tu t’engages à participer à la réforme agraire avec le gouvernement. Non merci, je me suis habitué à la prison, ai-je répondu. Un député ou un mandataire élu d’une instance quelconque garde sa liberté d’expression, mais pas un fonctionnaire public. Pourtant d’autres détenus ont accepté le marché et il y a eu une amnistie générale qui m’a permis de retrouver la liberté. »

Ses camarades insistaient pour qu’il collabore avec le gouvernement . « Tu ne peux pas rester en marge de l’histoire » me disaient-ils et j’ai fini par leur concéder :« Bon, je vais m’engager mais à une condition, c’est qu’on ne fasse pas la réforme agraire que je réclame, ni celle que veut le gouvernement, mais qu’on demande à chaque communauté si elle préfère l’attribution de parcelles, un fonctionnement communautaire ou des coopératives. » Mais rapidement on lui a interdit de quitter Lima avant de le forcer à l’exil.

Il reconnaît que des mesures prises par le général Velasco étaient positives. « Il a détruit le latifundium, aussi bien le régime semiféodal de la sierra que les exploitations industrialisées de la région côtière. Mais le processus n’était pas démocratique et beaucoup de coopératives ont été submergées par la bureaucratie. C’est vrai aussi qu’il a nationalisé l’industrie pétrolière, les mines et la banque. »

Prison et exil

Après un court séjour au Mexique, Hugo retourne en Argentine. C’est en 1971, à l’époque du général Lanusse, la dernière dictature militaire avant le retour de Juan Perón. Au bout d’un mois à peine il est arrêté. Il est d’abord emprisonné avec des détenus de droit commun, puis à Villa Devoto, et ensuite dans la prison où se trouvaient les militants de l’ERP (Armée révolutionnaire du peuple, d’origine trotskyste comme lui) dans des conditions très dures. « À nouveau, grâce à la pression internationale j’ai été libéré et j’ai rejoint le seul pays où on pouvait m’accueillir bien : le Chili de Salvador Allende. »

Mais la tranquillité n’est pas dans la nature de notre homme profondément andin. Le coup d’État d’Augusto Pinochet le contraint une fois de plus à la clandestinité. À nouveau la chance l’accompagne en la personne de l’ambassadeur de Suède, Harald Edestam. « Il m’a fait raser, m’a passé le costume de son frère, une cravate noire, des lunettes, il m’a pris en photo et m’a fait faire un passeport. Je suis devenu Hans Blum, conseiller à l’ambassade de Suède. Et j’ai pu quitter le Chili. »

 Je me suis installé en Suède et j’ai fait une tournée en Europe pour dénoncer la dictature de Pinochet. Je suis ensuite allé au Canada et aux États-Unis pour dénoncer les violations des droits humains en Amérique latine et la complicité des gouvernements étatsuniens. »

C’était en 1977 et au Pérou une grève générale faisait vaciller le gouvernement de Francisco Morales Bermúdez qui avait succédé au général Velasco Alvarado renversé par un nouveau coup d’État.

« Les exilés ont pu revenir et je me suis présenté aux élections à l’assemblée constituante comme candidat du FOCEP (Front ouvrier, paysan, étudiant et populaire). Les candidats bénéficiaient d’un créneau gratuit à la télévision pour présenter leur programme et mon tour est arrivé alors que le gouvernement venait d’annoncer des mesures d’austérité draconiennes. Plutôt que de présenter mon programme j’ai appelé à rejoindre la grève organisée par la centrale syndicale CGTP.

J’ai été arrêté en quelques heures, tout comme Javier Diez Canseco et Genaro Ledesma, et nous avons été transférés à Jujuy, dans le cadre du plan Condor qui organisait la coopération des dictatures de la région.

Ce que Morales Bermúdez n’osait pas faire, assassiner Hugo Blanco, était confié à la dictature argentine de Jorge Videla. « Par chance un journaliste nous a pris en photo à la descente de l’avion et cela nous a sauvé la vie. Je me suis retrouvé dans un cachot de Buenos Aires avant d’être à nouveau expulsé vers la Suède. »

 « Au Pérou j’ai pu me présenter à nouveau comme candidat aux élections. C’est moi qui ai recueilli le plus de votes à gauche et j’ai été élu député en 1980. ». En 1985 Hugo ne s’est pas représenté et il a repris ce qu’il sait faire le mieux, le travail sur le terrain, au sens propre.

« J’étais dirigeant de la CCP (Confédération paysanne du Pérou) et j’ai demandé qu’on m’envoie à Puno. Les « super-coopératives », une des erreurs de la réforme agraire de Velasco, étaient aux mains des bureaucates et les communautés réclamaient ces terres. On parlait d’occupations de terre et j’y suis allé. 1 250 000 hectares ont été récupérés.

En 1989 le gouvernement d’Alan García a tenté de le supprimer. « Les communautés de la région de Pucallpa réclamaient de l’argent à l’État pour la vente de leur récolte de maïs. Après le blocage des routes et des rivières on n’a pas obtenu grand chose mais on a fêté cette modeste victoire en organisant un meeting. Au moment où nous avons entonné l’hymne, la police a ouvert le feu. 23 paysans ont été tués et 28 portés disparus. Je me suis réfugié dans le local de la Confédération et c’est là qu’ils m’ont arrêté. Ils m’ont frappé et mis la tête dans un sac. Heureusement un paysan m’a vu au moment où ils me faisaient monter dans un véhicule, il a appelé la CCP et la CCP a averti Amnesty International. En quelques heures on réclamait ma libération dans le monde entier. »

Un an après avoir échappé à la mort, il est élu sénateur sur les listes d’Izquierda Unida (Gauche unie). Puis survient le coup d’État de Fujimori en 1992. Menacé aussi bien par les services secrets que par la guérilla du Sentier lumineux, il se résout une nouvelle fois à l’exil. « Je suis retourné au Mexique et j’ai eu la chance de m’y trouver au moment du soulèvement zapatiste. »

La Terre, avec une majuscule

À 78 ans Hugo poursuit la lutte. La terre et ses avatars, dit-il, ne lui laissent pas de repos.

Sa lutte pour la terre a pris un autre chemin. Si des années en arrière il se battait pour que le paysan soit maître de ce que le dictionnaire de langue espagnole définit comme « un terrain dédié ou propice à la culture », il lutte maintenant pour la défense de la « troisième planète du système solaire, habitée par des êtres humains ». Mais les deux définitions s’entrecroisent et ne désignent qu’une seule et même chose en langue quechua : la Pachama, la Terre-mère.

« L’objectif de la lutte est différent mais il implique toujours la terre et l’homme : réchauffement global, mines à ciel ouvert, agro-industries qui polluent, barrages hydroélectriques qui noient des terrains immenses. »

Et toujours aussi radical il mène une action pacifique en publiant un journal, Lucha indigena, avec le même enthousiasme que quand il tirait les fameux tracts sur une ronéo il y a plus de 60 ans au Cuzco.

Tu t’opposes à toute forme d’extraction minière ?

Oui, à toutes. L’extraction minière responsable est un conte. Dans le temps, à l’époque des Incas, il y avait des filons. Ils en extrayaient l’or qu’ils fondaient et cela ne portait préjudice à personne. Aujourd’hui il n’y a plus de filons et il faut faire exploser 4 tonnes de roche pour extraire 1 gramme d’or. Dans quelque pays que ce soit, c’est destructeur.

Que signifie être de gauche aujourd’hui au Pérou, Hugo ?

Pour moi, l’avant-garde politique ici est dans le mouvement anti-Congi, dans la lutte contre l’extraction minière à Cañaris ou Celendín. Aujourd’hui, est de gauche celui qui est dans la lutte, et la lutte actuelle au Pérou est, pas seulement mais essentiellement, pour la défense de l’environnement. Et ceux qui se disent de gauche, je ne les y voie pas. Il n’y a pas d’organisation nationale, seulement des associations locales. Je pense qu’elles doivent se rencontrer et s’unir. C’est notre rôle que d’aider à cette unification et c’est ce que j’essaie de faire.

Quand tu avais 30 ans, tu espérais que l’avenir serait différent de ce que nous vivons aujourd’hui, non ?

Oui, je croyais en la révolution. Aujourd’hui je suis plus inquiet : il ne s’agit plus seulement de construire une société plus juste mais de sauver l’humanité. Je garde quand même des raisons d’être optimiste, comme la mobilisation des populations en Grèce, en Espagne et même aux États-Unis. Mais je crois que le temps nous est compté. Regarde — il me montre le short qu’il porte — pourquoi est-ce que je suis habillé comme ça alors que nous ne sommes pas en été ?

« Hugo Blanco est toujours vivant ? », m’a-t-on demandé à Montevideo en janvier dernier.

Je l’avais vu quelque temps auparavant dans à une manifestation pour l’eau et contre l’extraction minière. « Je crois que oui », ai-je répondu.

Oui, il est vivant, plus vivant que bien d’autres. Et même un peu courbé il continue à marcher. En défense de l’eau, de la terre, de l’humanité, même avec le vent contraire, même quand il faut défendre l’être humain contre soi-même. ■

Sengo Pérez, journaliste, a écrit cet article pour l’hebdomadaire uruguayen  Brecha, qui l’a publié dans son numéro du 31 mai 2013 (http://brecha.com.uy/). En reportage au Pérou il a décidé de rencontrer Hugo Blanco, qui a été longtemps dirigeant de la section péruvienne de la IVe Internationale et membre de son secrétariat unifié.

Traduction : Robert March

Notes

1. Alliance populaire révolutionnaire, parti social-démocrate.

2. Le 9 avril 1952 éclate une révolution insurrectionnelle. Trois jours de combats, 1.500 morts. Double pouvoir avec milices ouvrières et paysannes. Fondation de la COB. Malheureusement, la révolution sera confisquée par le MNR (Mouvement nationaliste révolutionnaire) de Paz Estenssoro, qui sera tout de même obligé, sous la pression des paysans et des mineurs armés de bâtons de dynamite de commencer une réforme agraire et nationaliser les mines. (Inprecor).

3. Le 27 avril 1958, Richard Nixon entament une tournée en Amérique du Sud. A Lima il est accueilli par des manifestations étudiantes et est forcé de regagner sa voiture sous une pluie de projectiles.


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