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[Critique] CAPITAINE PHILLIPS

Par Onrembobine @OnRembobinefr
[Critique] CAPITAINE PHILLIPS

Titre original : Captain Phillips

Note:

★
★
★
★
☆

Origine : États-Unis
Réalisateur : Paul Greengrass
Distribution : Tom Hanks, Barkhad Abdi, Yul Vazquez, Chris Mulkey, Barkhad Addirahman, Faysal Ahmed, Mahat M. Ali, Catherine Keener, David Warshofsky…
Genre : Drame/Thriller/Histoire vraie/Adaptation
Date de sortie : 20 novembre 2013

Le Pitch :
Alors qu’il vogue au large des côtes somaliennes, le navire de marine marchande américain Maersk Alabama est pris d’assaut par des pirates. Désarmé, le Capitaine Phillips doit faire face à la violence d’une attaque qu’il essaye de canaliser avec le maximum de diplomatie… Histoire vraie…

La Critique :
Tom Hanks n’a pour ainsi dire jamais été mauvais. Il a parfois joué dans des films relativement moyens, mais jamais il n’a livré de piètres performances. Pourtant, ces dernières années, l’acteur aux deux Oscars semblait avoir du mal à trouver ses marques dans des longs-métrages très diversifiés. Les fans de Cloud Atlas ne doivent pas approuver, mais dans celui-là, il partageait l’affiche avec beaucoup d’autres comédiens, quasiment à parts égales. Hanks y est certes formidables, mais on reste sur un autre plan. Dans Capitaine Phillips, le grand Tom est de retour. Parfaitement à sa place, droit dans ses bottes et complètement en phase avec un type de personnage qu’il connait et qu’il maitrise bien : le mec normal. Car Tom Hanks est l’un des plus fantastiques mecs « normal » du cinéma américain. Peut-être est-ce parce qu’il n’a jamais vraiment sauvé le monde, mais quoi qu’il en soit, peu de comédiens peuvent se targuer d’arriver à capturer avec autant de naturel et d’authenticité la normalité au cinéma. Un talent qui rappelle une anecdote récemment relatée par Harrison Ford, alors en pleine promotion de La Stratégie Ender. Ce dernier racontait qu’à ses débuts, un producteur ne lui prédisant aucun avenir dans le métier, lui avait expliqué que lorsqu’il le voyait à l’écran, il ne voyait pas une star, mais un type ordinaire, le comparant à Tony Curtis qui lui, dès l’une de ses premières apparitions à l’écran, alors qu’il interprétait un épicier, avait déjà tout d’une star. Ford avait alors rétorqué que ce n’était pas une star qu’il fallait voir, mais un épicier, voulant dire par là qu’un comédien avait touché au but quand il parvenait à s’approprier totalement un rôle, au point de faire oublier au spectateur que le type devant ses yeux n’était pas un acteur connu de tous.
Tout ça pour dire qu’à ce jeu, Tom Hanks est particulièrement bon. Car qui a-t-il de plus difficile pour une superstar, présente dans les médias et ayant incarné des personnages emblématiques rentrés dans la légende du cinéma, que donner corps à la normalité ?
Le Capitaine Phillips du nouveau film de Paul Greengrass est donc un homme comme les autres. Un commandant de cargo, avisé, assez autoritaire et au fond, relativement ordinaire. Un gars comme on en croise tous les jours dans la rue, confronté à une situation extraordinaire. Un héros qui s’ignore en somme, incarné avec une justesse absolue par un Tom Hanks que l’on avait pas connu aussi inspiré depuis un bail.

Adapté d’une histoire vraie, relatée par le vrai Phillips dans le bouquin A Captain’s Duty : Somali Pirates, Navy Seals, and Dangerous Days at Sea, le long-métrage de Paul Greengrass arrive après Hijacking, qui traitait du même sujet, sans coller de près à ce fait divers particulier.
Très attaché au réalisme, Paul Greengrass trouve ici un terrain idéal pour coller à ses idées si particulières de mise en scène. Adepte de la shaky cam ou caméra à l’épaule, le réalisateur anglais profite du caractère urgent de son récit pour se lâcher. Si on apprécie sa propension à immerger le spectateur au cœur de l’action, il faut aussi un petit temps d’adaptation pour s’y faire. Au début, quand l’histoire s’emballe, à l’arrivée des pirates, la caméra tremble, dans un style documentaire très marqué. Une réalisation très dynamique mais parfois difficile à appréhender. Le mal de mer guette, et jamais Greengrass ne se pose vraiment. Autant on peut comprendre quand les évènements le justifient, autant cette tendance est légèrement gonflante quand Greengrass secoue son objectif dans tous les sens juste pour filmer des types qui marchent. Trop de mouvements, tuent le mouvement pour ainsi dire. De Vol 93 à Green Zone, Greengrass n’a jamais lâché l’affaire et Capitaine Phillips ne fait pas exception. C’est dommage, même si encore une fois, parfois, c’est aussi parfaitement justifié. Parfois seulement.

Là est le principal défaut de Capitaine Phillips : dans les mains de Paul Greengrass, l’hyperactif.
À côté, si on fait abstraction des élans sauvages d’une caméra instable, le film s’avère pour le moins captivant. Après un court prologue, sur la terre ferme, qui introduit le personnage principal, le long-métrage rentre vite dans le vif du sujet. Très vite, dès les premières minutes, Tom Hanks donne de l’épaisseur à son personnage et lorsque surviennent les fameux pirates, la tension est réelle. L’étau se resserre et Greengrass place le spectateur au centre de l’action. Tendu, le scénario garde les pieds sur terre et conserve un réalisme relayé par le réalisateur et par les acteurs. Pas d’articifices spectaculaires, ici, y compris dans l’approche des pi rates, eux aussi confondants de réalisme et donc très impressionnants. À la tête de l’escadron, Barkhad Abdi fait des merveilles, très loin des automatismes des films d’action à la Piège en Haute Mer, tout à fait en adéquation avec les intentions de l’œuvre. Ce refus d’un sensationalisme hollywoodien a néanmoins une conséquence sur le rythme d’un film trop long. Résultat, à mi parcours, l’ennuie pointe le bout de son nez, avant le dénouement final. 20 bonnes minutes semblent superflues, mais au fond, on comprend pourquoi Greengrass n’a pas souhaité se presser. Cohérent, il mène sa barque avec une intégrité qui malgré les défauts de son film, force le respect.

À travers cette histoire, au-delà l’aspect « thriller », Paul Greengrass dessine aussi une réflexion politique très intéressante. Il confronte en quelque sorte les États-Unis au Tiers Monde. Il peine à justifier le geste des pirates et donc à nous éclairer sur leur condition, mais arrive quand même à mettre en exergue le gouffre qui sépare deux pays, ici représentés par Phillips, et Muse le chef des pirates. Deux hommes qui ne se connaissent pas, mais qui, par la force des choses, doivent composer avec les conséquences d’un monde profondément et tragiquement divisé. En somme, une situation de guerre, à échelle réduite. Une réflexion menée avec une pertinence qui ne cède jamais aux élans patriotiques si fréquents au cinéma en pareille situation. Et ça, y a pas à dire, c’est vraiment une excellente chose !

Capitaine Phillips n’est pas le film le plus impressionnant qui soit. Il réserve de grands moments, bien stressants et garde le cap tout du long, mais c’est bel et bien l’incroyable Tom Hanks qui le hisse au-dessus de la mêlée. Il trouve ici l’un de ses plus grands rôles. On y croit complètement. Ses yeux traduisent à eux seuls toute la détresse et la détermination de ce capitaine soucieux de préserver la sécurité de son équipage. Un mec ordinaire confronté à une situation extraordinaire dont les réactions face à la violence, ne manquent pas de résonner longtemps après la projection.

@ Gilles Rolland

Capitaine-Phillips-Photo-Tom-Hanks
Crédits photos : Sony Pictures Releasing France


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