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346ème semaine politique: un divorce Hollande/Ayrault bien poussif

Publié le 21 décembre 2013 par Juan
346ème semaine politique: un divorce Hollande/Ayrault bien poussif Le fait politique de la semaine serait ce divorce politique tant redouté, ou tant souhaité, au sommet de l'Etat. Un story-telling est à l'oeuvre sur ce qui s'y déroule. Comme souvent l'Elysée le subit. Hollande serait mécontent de son premier des ministres.
Très mécontent.
En cause, la réforme fiscale initiée le mois dernier, puis la publication de 5 rapports provisoires sur l'intégration rapidement caricaturés par l'extrême droite et quelques autres. De ces documents, on ne retiendra que les caricatures et indignations de Valeurs Actuelles, le nouveau torchon de la Droite Furibarde, et du Figaro, qui en fit sa Une le weekend précédent. Quelles outrances ! A lire ces analyses mensongères, on pouvait croire que le gouvernement allait imposer l'enseignement de l'arabe dans toutes nos écoles, financer des mosquées, et que le communautarisme culturel s'imposerait à notre République laïque, une et indivisible. Des dizaines d'éditocrates et intervieweurs prétendument spécialisés répétèrent les éléments de langage pré-mâchés par ces premiers médias, sans filtre ni relecture des rapports d'origine.
C'était un cauchemar médiatique, politique, bref, citoyen.
La Sarkofrance, pour sa saison 2, savait être sale et écoeurante.
Hollande, donc, était paraît-il furieux. En public, il apparaissait au contraire bien calme, presque souriant. Rien à voir avec son prédécesseur que la moindre contrariété faisait sortir de ses gonds.
Sur les affaires les plus graves, Sarkozy savait même perdre tout sang-froid. On s'est rappelé comment l'ancien président de la "Vème économie du monde" fut capable de railler publiquement des dizaines de journalistes, de se procurer illégalement des rapports de justice, de faire prévenir des proches avant leur mise en examen, à cause des progrès de l'enquête sur le volet financier du Karachigate. Claude Guéant, son ancien grand Vizir, et Michel Gaudin, son actuel directeur de cabinet, ont été placé en garde à vue une dizaine d'heures durant. Les policiers cherchaient à comprendre pourquoi l'ancien ministre de l'intérieur avait autant de liquide non déclaré à son domicile.
Cette semaine, les juges Renaud van Ruymbeke et Roger Le Loire ont aussi terminé leur instruction sur le Karachigate, pour déposer leurs conclusions au parquet de Paris. On attend la saisine de la Cour de Justice de la République. mais il semblerait, encore une fois, que Nicolas Sarkozy échappe à toute mise en examen.
Hollande, lui, repartait dès jeudi à Bruxelles pour un sommet européen. La veille, les ministres européens des finances ont enfin scellé leur union bancaire. Pierre Moscovici (Finances) s'en réjouit. C'est "le plus grand saut fédéral depuis la création de l'euro" commente l'envoyé spécial des Echos. En résumé, la BCE supervisera les 130 plus grosses banques de l'Union, et davantage si nécessaire. En cas de défaillance, une procédure précise a été définie: les Etats, c'est-à-dire les contribuables, ne pourront plus renflouer les défaillants. Ce sont les actionnaires, puis les créanciers obligataires et, en dernier ressort, les épargnants au-delà de 100.000 euros, qui seront appelés à contribution.
En Europe et dans le monde, on note "des signes d'embellie" économique.  Sans rire.
A Paris, l'INSEE promet une "reprise poussive" en France l'an prochain. Du coup, le pari de l'inversion de la courbe du chômage" en cette fin d'année semble perdu. Ou pas. de Mediapart au Figaro, pour des raisons politiques évidemment différentes, on glose sur ce nouvel échec. Pourtant la hausse du chômage semble bien "enrayée" depuis quelques mois. Mais qu'importe. Cette fixette collective est un point d'accroche jeté en l'air, pour pour divertir l'attention. L'importance accordée à l'échéance restait pathétique. Le chômage baissera, ou pas. Quelques "pouillèmes" de croissance en plus ou en moins n'y changeront pas grand chose. 
A Lampedusa ou dans les files d'attente devant les Restos du Coeur, qu'en pensent-ils, ces précaires, de "l'embellie" poussive qu'on nous annonce ?
"La reprise poussive, il faut la pousser" François Hollande
Jeudi soir, Jean-Marc Ayrault est sur TF1. Il vante, sans l'avouer, sa résistance. Il a raison. Ses rivaux ministres (Valls, Fabius) ou députés (Bartolone) s'agacent de sa longévité. Le "Ayrault-bashing" se répand dans toutes les conversations "Off" du microcosme parisien. Mais sur la situation économique, Ayrault est "poussif".
La semaine parlementaire était chargée. La loi Hamon sur la consommation est votée. On a de belles satisfaction - comme ces tests de grossesse enfin vendus en supermarché. La ministre de la santé râle contre une autre idée, avancée par l'Autorité de Concurrence, vendre les médicaments non remboursés en grande surface.
Le budget 2014, lui aussi, est adopté. Le déficit est prévu à 3,6% du PIB l'an prochain, bel effort... A gauche comme à droite, on joue toujours sur les mots, on entretient la confusion des arguments. La chose est facile car ce budget est protéiforme. Il matraque un peu plus les plus riches (via le plafonnement des niches fiscales en valeur absolu à 10.000 euros par an), redonne 1,5 milliard d'euros de pouvoir d'achat aux plus modeste via la réindexation du barème de l'IR. Les nouvelles hausses d'impôts décidées dans ce budget sont marginales (3 milliards), mais l'augmentation des prélèvements sera quand même massive à cause des hausses décidées les années précédentes. Le relèvement de TVA (7 à 10 milliards d'euros), injuste, impactera davantage les marges des entreprises des secteurs concurrentiels  qu'il ne sera répercuté sur les prix aux consommateurs.
Au final, c'est un budget impossible à vendre, schizophrène à souhait, qui mérite largement la remise à plat lancée par Ayrault.
Autre texte, autre vote. La réforme des retraites - anxiogène à souhait - était enfin et malheureusement votée. A l'Elysée, on se félicite, à juste titre, de la création du compte de prévention de la pénibilité, des validations de trimestres de maternité et des périodes de chômage, ou de la revalorisation du minimum vieillesse. On néglige le reste: on ne travaille pas plus longtemps, on chôme plus longtemps. La hausse continue du chômage, rappelle l'un des experts de l'INSEE, tient au chômage des seniors, un "effet des réformes de retraite successives". Surpris ?
Vendredi, 50 patrons de filiales françaises de groupes internationaux signent un "appel" dans les Echos. Ils s'inquiètent de la France. Ils livrent leur recette, ultra-libérale évidemment, pour qu'elle soit sauvée: "assouplir" les procédures de consultation du personnel, "alléger les aspects pénaux du droit du travail", "stabiliser et sécuriser l’environnement fiscal et supprimer la possibilité de rétroactivité fiscale."
Pourquoi ces 50 patrons n'étaient-ils pas allés contribuer à la journée de "réflexion" au siège parisien de l'UMP ? Copé, Fillon et quelques autres faisaient mine de travailler à leur programme économique pour la seconde France d'après. Sécuritaire, anti-migratoire et réac d'un côté, l'UMP s'affichait désormais plus libérale qu'une Maggie décédée dans l'année. Quel programme !
Pourquoi ces 50 patrons n'avaient-ils pas signé une tribune contre la précarité, ou ce nouveau et triste record des Restos du Coeur - plus d'un million de bénéficiaires ?
Michel Sapin, ministre du Travail, sans rire, ose déclarer:
"Il va y avoir un gain de pouvoir d'achat du SMIC non négligeable"
La revalorisation sera de 10 centimes mensuels. A ce niveau, on se tait, monsieur le ministre.
Tout comme devraient se taire, ou démissionner, ces autres ministres ou conseillers qui racontent en "off" le divorce Hollande/Ayrault. Qui peut penser qu'ils n'ont pas autre chose de plus utile à faire ?

Joyeux Noël.


Crédit illustration: DoZone Parody

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