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"Quel est donc ce froid que l'on sent en toi ?" (Les Rita Mitsouko).

Publié le 02 janvier 2014 par Christophe
J'attendais le nouveau roman de Sire Cédric avec une certaine impatience parce que la fin de la précédente enquête d'Alexandre Vauvert et Eva Svärta nous laissait sur un cliffhanger dont on attendait forcément de voir comment il s'intégrerait à une nouvelle aventure. J'en profite donc pour vous signaler que si vous n'avez pas encore lu "le Premier sang", il est possible que ce billet vous révèle quelques éléments issus de ce précédent livre. Vous voilà prévenus ! Et embarquons pour une nouvelle histoire pleine de violence, de surnaturel, de pièges, de bruit et de fureur... Avec quelques surprises, que nous réserve Sire Cédric dans "la mort en tête", sorti récemment en grand format au Pré aux Clercs.

A Drancy, une nuit, dans une maison, un enfant est la victime d'une terrible mascarade : son oncle et sa tante ont demandé à un prêtre de venir exorciser Léo... L'homme est un imposteur, l'enfant est soumis à une véritable séance de torture qui va finir par tourner très, très mal... Une mort qui tombe d'autant plus mal qu'il y a quelqu'un d'autre dans l'appartement.
Il s'appelle Dorian Barbarossa et il est journaliste. Son émission est le genre de show qui propose, sous couverts de reportages pleins d'audace sur les sujets de société les plus chauds du moment, un concentré de voyeurisme qui ridiculise les personnes filmées. Bref, Dorian Barbarossa est une étoile montante de la télé française qui fait son beurre du malheur et de la crédulité de son prochain...
Et là, avec ce sujet, dont il a filmé les moindres détails, il tient le gros lot, une émission qui fera date. Sans même parler du fâcheux épisode final... Oh, il le sait pertinemment, le décès de l'enfant ne fera qu'amplifier le buzz autour de son émission. C'est donc sereinement qu'il attend la police pour apporter son témoignage et charger le faux prêtre.
La police est effectivement appelée et l'officier de garde, en ce weekend, s'appelle Eva Svärta. Lorsqu'on la prévient du drame de Drancy, elle est chez elle, en compagnie de son amant, Alexandre Vauvert. Voilà des mois que celui-ci la rejoint les samedis et dimanches, avant de rentrer à Toulouse où il est lui aussi en poste dans la police.
Et voilà surtout 4 mois que Eva est enceinte. Une grossesse qui a rapproché les amants, mais qui ne va pas sans les inquiéter aussi... Ils savent qu'ils ont, tous les deux, certaines... prédispositions, aptitudes, appelons ça ainsi, et il est logique de se demander si le futur bébé héritera de tout ou partie de cette originalité.
En attendant, le boulot attend Eva qui se rend sur les lieux de l'exorcisme. Enquête de routine, tant ce qui s'est passé semble être clair, évident. Le témoignage filmé par le journaliste ne laisse planer aucun doute sur ce qui est arrivé au garçon et qui en est responsable. L'examen de l'Identité Judiciaire viendra corroborer tout cela et, même si enquêter sur la mort d'un enfant est toujours aussi dur pour Eva, l'affaire devrait vite être bouclée...
A moins que... Eva a un mauvais pressentiment, elle sent que quelque chose cloche, comme souvent, suivant ce sixième sens qui fait sa réputation (ou la dessert) dans son service. Mais, contrairement à d'habitude, elle n'arrive pas à mettre le doigt sur ce qui la fait tiquer... La grossesse aurait-elle des effets secondaires ?
De son côté, Vauvert est rentré à Toulouse sans avoir pu revoir Eva cette nuit-là. Du boulot l'attend également. Une jeune femme retrouvée morte dans une poubelle... L'assassinat ne fait aucun doute et, qui plus est, Vauvert a déjà eu affaire à la victime... Pourtant, l'enquête va faire apparaître quelques éléments troublants...
Pas sûr qu'on soit dans un règlement de comptes entre une toxico et son dealer ou entre une prostituée et son mac. Vauvert aussi a des intuitions, pas des fulgurances comme Eva, plutôt un instinct de flic aiguisé par les années d'expérience... Lui aussi sent qu'il y a quelque chose de pas net dans cette affaire, quelque chose de bien plus gros...
Mais son enquête va brutalement (c'est la cas de le dire) prendre un tour inattendu... Vauvert, dont les méthodes parfois musclées, ne sont pas franchement appréciées en haut lieu, va franchir des limites... Et, si l'assassin de la jeune femme est vite mis hors d'état de nuire, difficile de faire admettre qu'il y a peut-être derrière cette mort un odieux trafic...
Le voilà même sur la sellette, en passe d'être suspendu... Le colosse en a marre, c'est auprès d'Eva qu'il a envie d'être, afin de fuir les magouilles, les pressions politiques, ses états d'âme... D'apaiser la colère qui le consume et à laquelle il ne doit pas (plus) laisser libre cours. Sauf qu'en arrivant à Paris, il va sauver une Eva en fâcheuse posture...
Si son intuition est toujours en berne, elle est désormais certaine que quelque chose cloche... Quelqu'un lui en veut personnellement, au point de la traquer puis d'essayer de la tuer... Voilà comment un Vauvert banni et une Eva poursuivie par un tueur vont devoir prendre du recul. Oh, s'enfuir, même, le mot serait plus juste...
Commence alors une impitoyable course poursuite entre les deux policiers, livrés à eux-mêmes, sans appui possible de leurs collègues, et un tueur qui semble avoir toujours un coup d'avance sur eux. Une traque sanglante où la folie du tueur s'exprime pleinement et où les deux policiers sont comme pris dans un collet : à chaque mouvement pour essayer de s'en sortir, on resserre le lien et l'on étouffe un peu plus...
Il va falloir aux deux policiers montrer de la détermination, de la ténacité, de la malice, de la ruse et beaucoup de courage pour déjouer le piège du tueur et convaincre un monde incrédule que le cauch... euh, non, et convaincre les policiers à leurs trousses qu'ils sont innocents du road-trip sanglant dont ils sont les principaux suspects.
Et, à ce point du billet, j'en entends déjà certains, lecteurs fidèles de Sire Cédric, dire : "mais où est le fantastique, là-dedans ?" Et c'est vrai que, jusqu'ici, je n'en ai pas dit un mot. Pourtant, le fantastique est là, au coeur de ce thriller conçu comme un page-turner. Selon certains lecteurs, il semble qu'il ne tienne pas une place assez importante, pour moi, cette impression tient surtout au fait de son utilisation différente par rapport aux précédents volumes.
Je ne vais bien sur pas trop en dire, mais, d'une part, je peux vous dire que le titre de ce billet a été justement choisi pour faire un clin d'oeil à l'irruption du fantastique dans le roman (même si l'intrigue se déroule en pleine canicule estivale, on est glacé et nous ne sommes pas les seuls à l'être) et, d'autre part, la manière dont Sire Cédric l'utilise répond à une partie des questions que je me posais après avoir fini "le Premier sang".
Dans le même ordre d'esprit, la grossesse d'Eva n'est pas une simple péripétie, une entrave au personnage, mais bien une difficulté supplémentaire à gérer et un élément clé de l'intrigue. J'étais vraiment curieux de voir comment cet événement allait être utilisé dans cette nouvelle enquête. Non seulement, je n'ai pas été déçu, mais j'ai même été franchement bluffé. Sans doute moins que Eva et Vauvert, mais je ne suis que spectateur...
Difficile d'en dire plus sur cet aspect du roman, car il faut vous le laisser le découvrir mais je dois quand même vous parler du méchant. Là encore, j'y vais en marchant sur des oeufs, mais il est de plus en plus évident qu'un bon thriller passe par un bon méchant. Et celui-là, il est gratiné ! A la fois par sa personnalité, le danger qui émane de lui et son absence totale de limite.
Un véritable sociopathe, incapable d'empathie mais doué d'un machiavélisme certain et particulièrement rôdé. Mais, ça ne suffit pas à Sire Cédric. Il dote donc son personnage d'une particularité exceptionnelle, évoquée dans le titre du roman, d'un passé terrible qui conditionne ce qu'il est désormais et comment il agit, mais aussi d'une terrible motivation qui explique son choix de s'en prendre à Eva Svärta et à personne d'autre.
Je dois dire que ce méchant-là m'a bien plu, même si certains le trouveront peut-être too much. Comme je l'ai dit plus haut, il orchestre la traque comme un joueur d'échecs, un maître, hein, pas un pratiquant du dimanche : toujours en ayant calculé les choses plusieurs coups à l'avance. Et, en même temps, il a les défauts de ses "qualités", autrement dit, il ne lâche pas sa proie avant de l'avoir tuée, quitte à prendre des risques insensés, de laisser derrière lui un grand nombre de victimes, mais aussi de jouer avec le feu... Et à se croire invincible...
Et puis, j'ai apprécié comment les deux enquêtes des deux policiers, qui n'ont, et ce ne sont pas juste des apparences, rien à voir entre elles vont finir par se rejoindre, devenant les deux mâchoires du piège qui les enserre. La mécanique est assez classique en soi, mais c'est tout de même de la belle ouvrage et cela assure un excellent moment de lecture aux amateurs du genre.
Pas de temps mort, des scènes extrêmement visuelles, comme toujours avec Sire Cédric, et spectaculaires, une violence très crue, c'est vrai, avec les détails qui vont bien et, pour une fois, ce sont les faits qui vont faire d'un lieu hospitalier et bucolique, un endroit sorti de l'enfer. Ca change, tant on avait pris l'habitude d'être conduit par Vauvert et Svärta dans des antichambres de l'enfer...
Et puis, pour finir, un mot des deux héros, que je viens de citer. Tout devrait les séparer, ils sont de nature méfiante, pas franchement sociables pour ne pas dire carrément solitaires, et pourtant, ils apprennent non seulement à vivre mais à travailler ensemble... Enfin, si on peut parler de travail pour désigner leurs mésaventures relatées dans "la mort en tête".
Plus sérieusement, eux qui sont habitués à agir comme bon leur semble, sans trop s'embarrasser d'éthique, de déontologie ou même de règlements... On leur en veut, d'ailleurs, et si leurs qualités de flics et leurs résultats les ont protégés de tout risque de sanction, leurs écarts leur valent aussi, chacun à leur manière, d'être en permanence sur la corde raide...
Entre le très impétueux Vauvert qui n'hésite pas à jouer des poings avec quiconque lui tape sur les nerfs, et Eva qui a la fâcheuse habitude de laisser sur le carreau, de manière définitive, les suspects qu'elle poursuit, les deux flics ont un passé de violence qui ne plaide pas pour eux et ne leur vaut pas un amour immodéré de leurs supérieurs, policiers, hauts fonctionnaires ou politiques...
Habitué à être livrés à eux-mêmes, c'est une sorte de solitude à deux qu'ils expérimentent ici, ce qui ne serait peut-être pas pour leur déplaire en temps normal, mais qui, ici, s'accompagne d'affiches barrées du mot "WANTED" avec leurs bobines dessus... Et le statut d'ennemis publics numéros 1 n'est pas de tout repos, surtout quand il faut parer, en plus des tentatives de leurs collègues et plus vraiment amis, les attaques vicieuses d'un adversaire diabolique, dont ils sont les seuls à ne pas douter de l'existence.
J'ai dévoré les 550 pages de "la mort dans la tête" et, si je suis bon public, je le reconnais volontiers, c'est quand même un bon signe. Je ne boude pas mon plaisir, j'aime les romans de Sire Cédric et je suis déjà impatient de découvrir ce qu'il nous réserve à l'avenir (mon petit doigt me dit qu'il y aura une pause avant de retrouver Vauvert et Svärta, alors que les dernières lignes de ce roman titille déjà le lecteur fidèle...)...
"La mort dans la tête" est pour moi un bon cru, un roman charnière dans la série mettant en scène les deux policiers fétiches de l'auteur, mais ce n'est pas non plus le meilleur (mais "de fièvre et de sang" a mis la barre si haut !). Reste un roman qui fait vibrer, intrigue, surprend par moment et offre quelques scènes très impressionnantes et très réussies pour nous donner le frisson...
Et, en plus, on reste sur un nouveau cliffhanger... Je m'en ronge déjà les ongles !!

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