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Un héros de notre temps ? (Et un mot sur le dernier Miyazaki quand même)

Par Borokoff

A propos de Tonnerre de Guillaume Brac ★★½☆☆ et Le vent se lève de Hayao Miyazaki ★★★★☆ (qui n’a rien à voir)

Le vent se lève de Hayo Miyazaki - Borokoff / Blog de critique cinéma

Bien sûr, c’est injuste et inadmissible de ne pas avoir fait de critique de Le vent se lève, le nouveau dessin-animé du maître Hayao Miyazaki. Toujours aussi émouvant, le conteur japonais s’est inspiré d’un vers de Paul Valéry extrait de Le cimetière marin (Le vent se lève, il faut tenter de vivre ! 1920), pour raconter avec le lyrisme et la verve qu’on lui connait (et qui ne se démentent toujours pas au contraire !) la vie de Jiro Horikoshi (1903-1982), l’inventeur du Mitsubishi A6M1, avion plus connu sous le nom de Zero Fighter dont se servira l’Allemagne nazie, alliée des Japonais pendant la seconde guerre mondiale. N’en déplaise aux critiques chagrins, cette fresque riche en détails (une habitude, presque une marque de fabrique des Studios Ghibli) et haute en couleurs sur l’Histoire du Japon et sur la vie de cet ingénieur, de sa naissance à 1945, est absolument bouleversante. Le Monde a reproché à Horikoshi son rôle et son implication cruelle dans le destin et l’Histoire de son pays tout comme à Miyazaki son manque de positionnement idéologique. Mais c’est un peu facile et simpliste de regarder l’Histoire comme de la juger avec 60 ans de recul. C’est aussi inexact et indigent pour ne pas dire idiot que de sous-entendre, comme Jacques Mandelbaum le fait dans son article du 21/01/2014, que Horikoshi aurait soutenu Mussolini sous prétexte qu’il admirait Gianni Caproni ! Le vent se lève est beaucoup moins catégorique et beaucoup plus nuancé. Il montre au contraire que Hoikoshi éprouvait par exemple peu de sympathie pour les Nazis. Il faudrait d’ailleurs que Le Monde accorde ses violons entre ses articles du 21/01/2014 signé Mandelbaum et du 02/09/2013 signé Frank Nouchi car ils disent tout et son contraire. Drôle de ligne éditoriale à laquelle Le Monde est coutumier du fait en consacrant un article à Dieudonné tous les deux jours. Mais passons…

Le vent se lève de Hayo Miyazaki

Car Le vent se lève est d’abord et avant tout (au contraire des inepties qu’on aura pu lire ça et là) une œuvre bouleversante sur la solitude absolue et le désespoir de Horikoshi, sur la double peine de cet ingénieur aux rêves démesurés mais qui souffrira au final autant de la perte de sa femme tuberculeuse dont il était fou amoureux que des conséquences terribles et humiliantes de la guerre pour lui et pour son pays avec le bombardement nucléaire que le Japon connaîtra. Rendons donc justice à ce dessin animé vraiment immanquable, aussi profond que beau formellement, qui prouve qu’à 73 ans, Miyazaki n’a encore rien perdu de ses rêves ni de son inspiration…

Vincent Macaigne - Tonnerre de Guillaume Brac - Borokoff / Blog de critique cinéma

Vincent Macaigne

Mais ne nous emballons pas même s’il fallait rendre à César ce qui revenait à Miyazaki) et revenons à Tonnerre. Maxime (Vincent Macaigne, que l’on voit partout en ce moment) est un jeune rockeur trentenaire venu se ressourcer et peaufiner ses textes à Tonnerre, petite ville de l’Yonne perdue dans le pays bourguignon (si cher à Guy Roux) où réside son père (Bernard Ménez). Un jour, Maxime est interviewé par Mélodie (Solène Rigot), une (très) jeune journaliste locale dont il tombe fou amoureux. Mais Mélodie a du mal à oublier sa relation passée avec son ex, Yvan, un jeune footballeur talentueux issu du centre de formation d’Auxerre avec qui elle a vécu cinq ans. D’autant qu’Yvan ne semble pas prêt à la perdre. Un jour, alors que Maxime et Mélodie sortent désormais officiellement ensemble, la jeune journaliste disparaît sans laisser de traces ni donner de nouvelles. Au grand dam de Maxime qui, d’abord ivre de douleur et de rage, décide ensuite d’employer les grands moyens pour reconquérir sa belle…

Vincent Macaigne - Tonnerre de Guillaume Brac - Borokoff / Blog de critique cinéma

Vincent Macaigne

Premier long-métrage de Guillaume Brac, dont on se souvient de l’émouvant Un Monde sans femmes, avec Vincent Macaigne déjà, Tonnerre est un film qui ressemble d’abord à une chronique et une romance dans le pays morvan avant de prendre la forme et les allures d’un thriller à vif comme les nerfs de Maxime.

Solène Rigot, Vincent Macaigne - Tonnerre de Guillaume Brac - Borokoff / Blog de critique cinéma

A cran, notre rockeur un brin romantique et déprimé ne l’était pourtant pas au début du film. Au contraire jovial et lymphatique voir même un peu mou, il s’enflamme peu à peu en même temps qu’il semble retrouver de l’inspiration dans sa musique au contact d’une fraîche et novice journaliste qui regrette elle-même son manque d’ambition et de courage après avoir mystérieusement renoncé à un concours de journaliste qu’elle désirait pourtant avoir ardemment réussir à Paris.

Bernard Ménez, Vincent Macaigne - Tonnerre de Guillaume Brac - Borokoff / Blog de critique cinéma

Bernard Ménez, Vincent Macaigne

Tonnerre est un amalgame homogène, une alchimie parfaite dont Brac a le secret entre acteurs professionnels et amateurs. Si l’on peut regretter la lenteur et les longueurs dont souffrent certaines séquences, il y a pourtant une chose qui marque dans l’histoire de ce trio amoureux. Une chose qui était déjà l’apanage d’Un monde sans femmes et qui tient dans l’originalité de la dialectique amoureuse du film. C’est-à-dire que Mélodie n’est pas vraiment amoureuse au sens classique ou comme on pouvait s’y attendre de deux hommes à la fois mais elle est au contraire lassée par les deux. Soûlée par leur côté possessif, menaçant, agressif, etc.. Comme si le rockeur et le footballeur, qui ont dix ans d’écart, souffraient derrière leur style très différent, des mêmes défauts de caractère. Et c’est cela qu’il y a de plus intéressant dans le film, ce que l’on retient le plus. Car cette intéressante dialectique amoureuse du film donne lieu pour Mélodie à une stratégie de frustration, de rejet pour les deux amants éconduits comme pour le spectateur à une forme de frustration paradoxalement jouissive derrière l’impasse sur laquelle cette relation triangulaire aboutit.

Solène Rigot, Vincent Macaigne - Tonnerre de Guillaume Brac - Borokoff / Blog de critique cinéma

Solène Rigot, Vincent Macaigne

Bien sûr, ce n’est pas la seule qualité du film, car il faudrait parler des remarquables compositions de Rover, qui donnent de la tension dramatique et du rythme à une mise en scène qui en manque parfois (c’était un défaut forcément moins visible dans un moyen métrage comme un Monde sans femmes).

Solène Rigot, Vincent Macaigne - Tonnerre de Guillaume Brac - Borokoff / Blog de critique cinéma

Irréprochables sont les acteurs, de Rigot à Macaigne en passant par l’inénarrable Bernard Ménez dont le personnage touchant et « lamentable » comme il aime à les jouer donne une touche comique au film et un juste équilibre dans la tension dramatique. Peu à peu, Tonnerre, qui se joue donc dans une petite ville éponyme choisie pour l’aspect littéraire de « ses vieilles pierres, ses maisons abandonnées, ses réseaux de galeries souterraines, ses rumeurs de messes noires (mais) restée figée dans le passé » (dixit Brac dans une interview qui aurait pu rajouter que  le taux d’humidité y était en moyenne de 91 %, ce qui finissait de donner une idée de l’ambiance qui y règne), prend les allures d’un polar sous la neige à l’issue pour le moins incertaine et inquiétante comme la folie qui germe dans la caboche de notre (au départ) gentil (mais pas trop, faut pas pousser quand même) Maxime. Le film aurait pu s’appeler Tempête sous un crâne. Il porte le nom simple de Tonnerre, comme celui qui gronde dans le cerveau bientôt en ébullition de Max.

Vincent Macaigne - Tonnerre de Guillaume Brac - Borokoff / Blog de critique cinéma

S’il y a de l’orage dans l’air, si la tournure des évènements fait craindre le pire, on l’aura compris, la chute du film laisse pourtant paradoxalement sur sa fin comme elle avait laissé un peu sur sa fin dans Un Monde sans femmes. Comme un soufflé qui retombe, Brac privilégie une chute tout en impressions, en relâché alors qu’on s’attendait à un rebondissement, à l’annonce d’un nouvelle péripétie dramatique ou à davantage de suspense tout simplement. S’il s’agissait là de frustrer le spectateur, on peut plutôt légitimement parler d’une forme de déception…

Au-delà de cette déception, ce sont les enjeux du film qui nous dépassent un peu au final. Et le véritable intérêt du film qui pose question…

http://www.youtube.com/watch?v=BmW7B3S5e7Y

Le vent se lève, film d’animation japonais de Hayao Miyazaki (02 h 06)

Tonnerre, film français de Guillaume Brac avec Vincent Macaigne, Solène Rigot, Bernard Ménez… (01 h 40)

Scénario de Guilllaume Brac, Hélène Huault avec la collaboration de Catherine Paillé : 

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Mise en scène : 

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Acteurs : 

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Compositions de Rover

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