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Pure players et droit des marques : cas d’école

Publié le 02 juillet 2014 par Gerardhaas

droit des marques - vente piece vehiculeA propos de CA Paris, 18 juin 2014

Le droit de revendre des produits marqués licitement acquis, posé à l’article L.713-4 du code de la propriété intellectuelle, s’étend au droit, pour le revendeur, de faire la promotion des produits marqués et d’utiliser la marque pour les besoins de cette promotion.

L’arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris dans un litige opposant la société Oscaro.com, spécialisée dans la vente en ligne de pièces et accessoires automobiles à prix discount, aux sociétés Robert Bosch Gmbh et Robert Bosch France illustre les conflits qui peuvent naître entre les titulaires de marques et les pure players qui perturbent les réseaux de distribution classiques de ces marques en pratiquant des offres commerciales aux prix alléchants pour le consommateur.

En l’espèce, les sociétés Bosch, respectivement titulaires des marques Bosch et distributeurs exclusifs en France des produits des marques « Bosch » ont vu d’un mauvais œil une campagne publicitaire de la société Oscaro.com diffusée à la radio utilisant l’accroche « en ce moment sur Oscaro.com, tout Bosch est en promo » et l’usage massif et selon elles abusif des marques « Bosch » sur son site Web.

Après avoir fait constater les faits litigieux, les sociétés Bosch ont donc assigné la société Oscaro.com en contrefaçon de marque et concurrence déloyale.

Sur la contrefaçon de marque, la Cour considère que la société Oscaro.com peut se prévaloir de la règle dite de l’épuisement des droits dès lors que les produits vendus sur son site sous la marque Bosch sont des produits authentiques acquis licitement.

L’article L. 713-4 du Code de la propriété intellectuelle prévoit en effet que « le droit conféré par la marque ne permet pas à son titulaire d’interdire l’usage de celle-ci pour des produits qui ont été mis dans le commerce dans la Communauté économique européenne ou dans l’Espace économique européen sous cette marque par le titulaire ou avec son consentement ».

Toutefois, les sociétés Bosch invoquent le bénéfice de l’alinéa de l’article L. 713-4 du Code de la propriété intellectuelle qui pose une exception au principe de l’épuisement des droits : « Toutefois, faculté reste alors ouverte au propriétaire de s’opposer à tout nouvel acte de commercialisation s’il justifie de motifs légitimes, tenant notamment à la modification ou à l’altération, ultérieurement intervenue, de l’état des produits ».

Elles soutiennent que la reproduction massive de ces marques sur les pages du site Oscaro.com, ajoutée à l’utilisation répétée et démultipliée de la référence “Bosch” dans les slogans publicitaires diffusés sur les ondes radiophoniques, excèderait les limites d’un usage nécessaire et légitime de la marque par le revendeur et tendrait à faire croire à tort au consommateur à l’existence d’un lien commercial entre la société Oscaro.com et les sociétés Bosch.

La Cour écarte l’argument en constatant que la société Oscaro.com se présente clairement et sans la moindre équivoque comme le revendeur, pour son propre compte, de pièces automobiles de toutes marques et qu’elle indique systématiquement la provenance des produits qu’elle distribue en mettant en évidence l’identité de ses fournisseurs qui peuvent être les fabricants ou des grossistes.

Selon la Cour, l’internaute qui navigue sur le site Oscaro.com comprend d’emblée que la société Oscaro.com, revendeur multi-marques de pièces automobiles propose des offres promotionnelles pour les produits de la marque « Bosch », sans pour autant croire qu’il existerait un partenariat économique entre la société Oscaro.com et les sociétés Bosch.

De la même manière, l’usage du slogan publicitaire « Sur Oscaro.com tout Bosch est en promo » est conforme à la fonction essentielle d’indication d’origine de la marque Bosch.

Sur la concurrence déloyale, la Cour rejette le grief de la marque d’appel qui consiste à annoncer à la vente des produits d’une marque alors que le stock de produits est insuffisant pour répondre à la demande normale de la clientèle, et ce afin d’attirer cette clientèle sur son site marchand et de lui proposer des produits d’autres marques.

En effet, alors que les sociétés Bosch ne démontrent pas l’indisponibilité de l’un quelconque des produits « Bosch » offerts à la vente en ligne au cours de la campagne promotionnelle litigieuse, la société Oscaro.com démontre au contraire un volume de vente important représentant près d’un quart de son chiffre d’affaires total, alors que le chiffre d’affaires généré par les produits d’autres marques a au contraire baissé pendant la campagne promotionnelle.

Enfin, faute d’éléments probants, la Cour rejette les accusations des sociétés Bosch consistant à remettre en cause la véracité des réductions de prix affichés et l’absence de transparence quant au prix de référence affiché, sur le fondement des pratiques commerciales trompeuses prohibées par l’article L. 121-1 du Code de la consommation.

Les conflits entre titulaires de marques et pure players se multiplient et cet arrêt illustre que la toute-puissance des marques doit respecter les limites légales permettant aux distributeurs de produits authentiques obtenus licitement de faire usage de ces marques.

Les pure players doivent connaître ces limites légales et les conditions dans lesquelles ils doivent faire usage des marques de produits qu’ils distribuent sur leur site marchand pour ne pas commettre de faute et ainsi subir des pressions qui bien souvent n’ont d’autre objectif que de limiter les réductions de prix qu’ils peuvent accorder par rapport aux prix conseillés par les propriétaires desdites marques.

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