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Candide face à deux écoles du vin

Par Mauss

Très gentiment pressé par quelques miens amis dans les commentaires sur le billet précédent, j'ouvre volontiers un sujet qui fera encore couler beaucoup d'encre dans les années à venir.

On va simplifier :

Il y aurait deux écoles du vin, côté production.

Appelons la première école celle d'Henri Jayer dont Jacky Rigaux rappelle dans le billet précédent quelques phrases majeures en la matière où ce grand vigneron exprime de sains principes sur ce que doit être un grand vin, c'est à dire un vin qui a une "signature" autre que technique.

Appelons la seconde école celle du "technico-oenlogue" (j'ai pas écrit Rolland) pour qui il serait stupide de ne pas utiliser les apports modernes de culture et de vinification et donc, produire des vins ayant potentiellement moins de problèmes.

N'étant pas du tout certain d'avoir bien posé le problème comme le souhaitaient ces deux compères, je compte sur eux pour me remettre dans le droit chemin.

Mais, comme Candide, qu'il me soit permis de me placer outrageusement du côté du consommateur. 

Le point de vue extrême - qui n'est quand même pas le mien - est de dire :

"On se moque de la façon dont est fait le vin, pourvu qu'il m'apporte ce que j'attends de lui". 

En d'autres termes, sans rien savoir sur la philosophie, l'école suivie par le vigneron, soit le vin me plaît (et là avec toute la hiérarchie de "plaisir 1 à émotion 3"), soit le vin ne me plaît pas : qu'il vienne d'un bio, d'un techno, ou d'un bi. Et ce n'est pas parce qu'ensuite on va m'expliquer le vigneron, que cela va changer ma perception du vin.

dgb

Maintenant, il est évident qu'un vin qui passionne pousse l'amateur sérieux à aller plus loin, et à se renseigner sur le vigneron, ce qu'il aime faire, ce qu'il préconise dans sa vigne et dans sa cuverie. C'est là que les Guides, les Maîtres, jouent un rôle majeur… et éduquent.

Opposé à ce point de vue téméraire méritant une opprobre générale,  écoutons ce que peut dire le tenancier du pur et dur :

"Il est hors de question que je puisse aimer un vin technique, ce n'est pas mon genre. Moi, il me faut du bio, du "x-y", quitte à ce qu'il fasse m'éduquer afin que je le comprenne ce vin".

Soyons pernicieux : demandons à Jacky de déguster deux crus à l'aveugle : l'un qui viendrait d'un tenant de la philosophie "Jayer" et un autre qui viendrait d'une équipe travaillant avec toute les nouvelles technologies et suivant scrupuleusement les avis de l'oenologue maison. Va t'il trouver à chaque fois lequel est qui ? Et surtout, s'il lui arrive de préférer le techno, quelle excuse pour l'autre va t'il trouver ?

Là, je suis méchant et de mauvaise foi :-)

Ce n'est pas vraiment comme cela qu'on fera avancer le schmilblick.

En laissant place à la discussion, disons qu'il est connu et su de chacun qu'à priori, un DG d'un domaine appartenant à une institution ou à un mogul de la finance, sera probablement plus précautionneux avant de se lancer dans le risque qui lui interdisent ses techniciens et oenologues.

Si Monsieur Hervé Berland (Château Montrose, propriété de la famille Bouygues) me lit, il va me morigéner grave, et à juste titre ! Comme quoi, là aussi, il faut sacrément savoir nuancer !

Disons par ailleurs, comme me l'a apprit Jean Gautreau, qu'il faut engager un oenologue afin de savoir quoi faire, c'est à dire le contraire de ce qu'il préconise.

Bon : on n'est pas sorti de l'auberge !

Les vrais et rares grands vins ont une âme. Le problème est qu'il faut arriver à eux avec une immense modestie. Et avec un minimum d'éducation, d'approche. Ainsi, au prochain VDEWS où une des trois dégustations de prestige se fera sur 4 millésimes de Romanée-Conti (61 - 71 - 91 - 01), il m'a semblé essentiel de proposer, en une sorte d'approche préliminaire, deux autres crus de la DRC, histoire de familiariser les dégustateurs avec le style des vins du Domaine qui est quand même très particulier : finesse, élégance et fruité avant toute autre chose. Je sens que le debriefing sera intéressant !

Donc cette âme des grands vins a effectivement besoin d'un support de connaissances qui permet de mieux l'appréhender .

Achtung ! N'allez surtout pas m'accuser d'être plus respectueux pour un La Tâche que pour un Marionnet !

Le respect dû à un cru n'est pas fonction de son prix ou de son origine, mais de ce qu'il vous apporte.

Et cela, je le pratique… comme l'ont montré à bien des occasions les dégustations du GJE.

Bon, je cause, je cause … laissons place à des points de vue plus sérieux que mes batifolages :-)


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