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Interview éditeur : de Taifu à Ofelbe, l’histoire d’une constante évolution…

Publié le 22 novembre 2014 par Paoru

Logos Taifu Ototo Ofelbe

Après plusieurs mois d’absences, voici le retour des interviews éditeurs pour clore cette année 2014. Pour repartir de plus belle je suis allé rencontrer Guillaume Kapp, l’attaché de presse des éditions Taifu, Ototo et maintenant Ofelbe, qui parcourt toute l’année les salons de France et de Navarre pour vous proposer aussi bien du shônen, du shôjo, du seinen, du yaoi, du yuri, du hentai et des lights novels désormais ! Depuis notre dernière rencontre, il y a deux ans, cet éditeur multiple a beaucoup évolué et il était temps de faire le point sur chacune des maisons et des collections, sur ses points de ventes aussi variés que les salons et le web, et enfin de revenir sur le parti pris original d’orienter ses titres vers le light novel et ses adaptations en manga. Il y avait beaucoup à dire donc passons sans plus attendre à l’entrevue… Bonne lecture !

Taifu : du yaoi aux points de ventes…

Si on commence par Taifu… Fin 2012 nous avions discuté du yaoi chez Taifu, un secteur qui  était en plein essor. Est-ce qu’il a toujours le vent en poupe ou est-ce que ça s’est calmé depuis ?

Guillaume Kapp
Ça s’est calmé, mais pas parce que moins de personnes s’y intéressent… Il y a eu une telle offre pendant un moment que les fans n’ont pas pu suivre. C’est un peu comme le manga en général, la niche du yaoi a connu une saturation. Il y a donc eu moins d’achat de nouveautés, les gens devant déjà suivre ou rattraper les séries en cours.

Ensuite il y a eu le problème des libraires : ils étaient en difficulté en raison de la crise financière, et le yaoi n’est pas forcément un secteur qui rapporte. Et si on leur dit que dix titres vont sortir chaque mois, ils ne vont pas tous les commander ou alors ils se contenteront d’un ou deux exemplaires de chaque. Les séries sont donc peu disponibles, peu visibles et marchent donc moins bien ou n’arrivent pas à décoller.

Ces deux facteurs ont fait que les ventes de yaoi ont plutôt stagné, mais le lectorat est toujours là et de nouveaux lecteurs arrivent sur de nouvelles séries, grâce à un anime ou par le bouche à oreille. Néanmoins, il faut désormais faire plus attention à la qualité des titres. Je pense qu’on a passé la première phase de demande en masse où l’on devait publier en quantité pour nourrir ce public. La qualité n’était pas toujours élevée mais ça convenait tout de même tant que l’on restait dans certains critères du yaoi.

Désormais le marché est arrivé à maturité et c’est le lecteur qui choisit et qui demande. Il faut donc lui répondre et être plus vigilant sur la qualité.

Et donc, vous faites évoluer votre offre…

Chez Taifu ça fait un an, un an et demi, que nous sommes rentrés dans cette optique. Nous avons épuisé les anciennes licences achetées il y a deux ou trois ans, et nous faisons désormais plus attention à la qualité de nos titres et aux demandes des lecteurs, que ce soit le grand public ou les fans plus pointus.

 C’est un genre de mangas que nous avons appris à connaître avec le temps – j’ai découvert ça il y a quelques années lorsque je suis devenu vendeur yaoi au Manga Café – et c’est un style que j’ai pris plaisir à découvrir et que je prends maintenant plaisir à vendre et à soutenir. J’apprécie beaucoup certains auteurs pour leur style graphique, comme Rihito Takarai, Yoneda Kou ou Abe Miyuki.

Il y a des auteurs vraiment sympas à découvrir et il y en a pour tout le monde : les néophytes comme ceux qui cherchent des histoires plus crues, du fantastique et de la romance ou du plus underground, etc. C’est peu comme le manga en général, il y a de tout.

Quels sont les auteurs qui sont leaders de votre catalogue… Rihito Takarai ?

Oui je pense que Rihito Takarai est actuellement l’auteure qui marche le mieux chez Taifu. A Japan Expo, elle a fait un carton et ses titres se vendent toujours très bien.

Ensuite il y a Abe Miyuki avec Super Lovers, Nekota Yonezô qui fonctionne très bien avec Treat me gently et Electric Delusion et il y a bien sûr Yoneda Kou. Les tous derniers à avoir le vent en poupe sont EIKI Eiki et Taishi Zaou avec Love Stage, un titre qui a bénéficié d’un anime diffusé sur Crunchyroll qui a beaucoup fait parler de la série.

C’est intéressant car souvent on dit que seule une diffusion sur une chaîne de la TNT a vraiment un impact sur les ventes d’un titre…

Tous les titres qui ont connu une adaptation en OVA ou en série ont connu un gros succès. C’est le cas sur Love Stage ou d’autre comme The Tyrant who fall in love chez nous ou Junjou Romantica chez un de nos confrères qui a eu une grosse notoriété suite à son anime.

10_count
On parle de succès depuis tout à l’heure mais quels sont les chiffres de ventes dans le domaine de yaoi ? Un Rihito Takarai par exemple, cela s’écoule à combien d’exemplaire ?

10 Count est sorti en septembre et, à mi-novembre, on pense que le titre va suivre le même chemin que Seule la fleur sait. Si les ventes continuent ainsi, le titre a de bonnes chances d’être réimprimé dans 1 an et donc d’atteindre un peu plus des 4000 ex vendus. Avec In These Words10 Count est notre plus gros succès de cette année 2014. Sinon en général, pour un yaoi, le placement en librairie tourne plutôt à 2 000 exemplaires en moyenne.

Ce qui montre bien qu’on a un public, car on n’est pas si loin des placements des titres Ototo qui s’adressent à un public plus large…

Oui, par exemple le tome 1 de Fate Zero a été placé en librairie à 3 500 exemplaires. Et c’est parce que c’est Fate Zero, donc oui le yaoi n’a pas à rougir. Après sur ces chiffres il y a en plus du réassort… et tant mieux d’ailleurs, c’est mieux que des retours ! (Rires).

De plus, il ne faut pas oublier que nous en vendons beaucoup en dehors des librairies. Comme nous l’avions déjà évoqué dans de précédents entretiens, il faut se méfier des chiffres de ventes concernant Taifu / Ototo que l’on peut voir sur internet ou ceux que donnent les instituts de sondage car ils sont nettement inférieur à la réalité : nous réalisons environ 35 % de notre chiffre d’affaires sur les salons et via notre boutique en ligne. C’est une part beaucoup plus importante que les autres éditeurs et qui n’est pas prise en compte dans leur calcul donc les chiffres obtenus sont biaisés et en dessous de la réalité. On compense notre faible présence en librairie par ce biais là d’ailleurs.

Puisque l’on évoque la vente en ligne, elle représentait 20 à 25% des ventes de votre catalogue début 2013, comment ça a évolué depuis ?

Ça évolue dans le bon sens, ça continue de se développer énormément. Ça prend plus de temps aussi, donc c’est vrai que parfois c’est un peu compliqué à gérer : sur Point Manga.com, on peut facilement se retrouver à 250 commandes à envoyer en 2-3 jours, en plus des commandes quotidiennes. Mais tout ça c’est du positif, ça fonctionne très bien et ça prouve tout le potentiel qu’il y a pour la vente en ligne.

Sur la vente en ligne, quels sont vos meilleurs vendeurs ?

Fnac.com puis Amazon.

Et quel est leur proportion en termes de ventes ?

Disons que si nous faisons 35 % des ventes nous-mêmes, via les salons et le site Point Manga.com. Dans les 65 % restants, les ventes réalisées par des tierces personnes, Fnac.com et Amazon en représente 30 % .

Pour nous c’est capital, heureusement qu’ils sont là.

Surtout avec la disparition de point de vente comme Virgin…

Exactement ou même la disparition de petits libraires. Il y a pas longtemps j’ai appris des fermetures de librairies à Paris ou à Angers. Chaque mois d’ailleurs, on constate de nouvelles fermetures et, mine de rien, ça fait réfléchir. En tant qu’indépendant il nous faut rapidement trouver des solutions !

Et donc aller là où les ventes se font…

Exactement, tout en réfléchissant bien à la distribution, parce que nous ne sommes pas tous égaux sur ce point. On est moins présents, car nos titres, notre maison d’édition sont moins connus que les gros du secteur, mais aussi, car on travaille avec moins de points de vente.

Le contre-exemple parfait est Sword Art Online. Un titre célèbre est de suite mieux accueilli par les libraires : le placement de chaque tome de SAO a atteint les 8500 exemplaires ! (8500 pour le tome 1, 8500 pour le tome 2). Du jamais vu pour Ototo ! Cela montre bien qu’à l’heure actuelle il faut soit avoir une GROSSE licence, soit être un GROS du secteur pour voir ces titres en librairie et bien placés… Si on peut avoir les deux, c’est encore mieux ! (Rires)

Sword Art Online

L’autre objectif de Point Manga.com était aussi de faire revivre le fond de catalogue, de remettre des anciennes séries en avant… ça fonctionne ?

Ça fonctionne mais doucement mais ça permet de compenser l’absence de ces titres dans les enseignes de vente. Après je ne leur jette pas du tout la pierre, avec toutes les nouveautés c’est normal qu’ils ne puissent pas proposer d’anciennes œuvres. Ce sont les éditeurs qui ont créé cette situation de toute façon, par l’augmentation constante du nombre de nouveautés.

Point Manga est notre façon de faire tourner le fond. C’est plus facile pour le yaoi et le hentai, puisque ce sont des communautés qui discutent énormément où l’information sur un titre continue de circuler, même deux ou trois ans après sa sortie.  Le fond de catalogue part beaucoup plus pour Taifu Comics. C’est normal les titres sont plus difficiles à trouver donc les gens ne peuvent pas les acheter dès leur sortie en librairie. C’est un travail sur le long terme pour les titres yaoi, yuri et hentai. Ces titres peuvent atteindre des bons chiffres de vente, mais il faut attendre plus longtemps : Seule la fleur sait, Seven Days, Private Teacher… ces titres ont tous été réimprimés, mais il a fallu attendre plus d’un an, voir deux. Aujourd’hui ils cartonnent toujours en convention : le labyrinthe des sentiments est en rupture, mais peut-être qu’avec une réimpression il se vendrait encore, un titre comme Stupid Story de Anna Hollmann est toujours demandé !

Je ne pense pas me tromper si je dis que ça sera la même chose pour les titres de JUNKO (Conveni-kun, Un amour de cuisinier), pour In These Words et 10 Count.

Pour les titres Ototo, c’est plus difficile de faire revivre le fond. La concurrence est plus rude et les titres se vendent aussi mieux. Ils sont un peu plus présents en librairie. Par exemple, +Anima a continué d’être une bonne vente en librairie grâce à la relance qu’on a pu faire sur le titre mais des séries comme Akumetsu, Welcome to Hotel Williams Chlid Bird, Dangereuse Attraction ne tournent plus vraiment, ils sont un peu noyés dans un marché grand public beaucoup plus vaste. D’où l’intérêt de les ramener en salon, pour les faire découvrir.

Justement, pour en finir sur les points de vente… En vous suivant sur Facebook on  constate que vous y êtes très souvent : combien de salon en 2014 par exemple ?

Nous avons fait Paris Manga en février, puis le Salon du Livre en mars, suivi de Made In Asia, Japan Touch Haru, Toulouse Game Show Springbreak, Geekopolis, Japan Expo… Début septembre on a fait Retro media (photo ci-dessous, ndlr) puis nous avons fait Anim Asia à Bordeaux et en novembre il y a Paris Manga, Japan Touch et Toulouse Game Show. Soit 12 salons cette année.

retro made in Asia

Sachant que tu en as fait 10 sur les 12… Une vraie tournée ! (Rires)

Bah c’est une partie du métier que j’aime bien, pour rencontrer nos lecteurs et mieux saisir leurs attentes c’est l’idéal, pour répondre à leurs questions aussi.

L’enquête sur le terrain…

Exactement, ça nous aide beaucoup.

D’un salon à un autre est-ce qu’il y a des disparités régionales ?

Un peu oui. Par exemple on se rend compte que sur certaines régions le hentai se vend moins bien. Pour Ototo et le yaoi c’est moins marqué. Après tout dépend aussi de la nature du salon : au Salon du Livre, tout ce qui est hentai et yaoi n’est pas très demandé, mais c’est en dehors de la thématique et du public présent, donc on ne va pas forcément les mettre en avant.

Pour une découverte du manga auprès du grand public, il vaut mieux éviter certains clichés…

C’est ça. Pour le yaoi on ne sortira par exemple que les dernières nouveautés et les titres très soft. Il y a aussi pas mal de libraires au Salon du Livre et il est important de leur présenter toute cette offre plus abordable voir pédagogique du yaoi, ça peut permettre à certains de communiquer sur l’homosexualité par exemple. Ça en intéresse toujours plusieurs et ce n’est pas négligeable.

Les salons sont aussi une façon de faire des ventes. Mais est-ce que tous les salons sont rentables de ce point de vue ?

La plupart du temps nous arrivons à l’équilibre et nous faisons régulièrement des bénéfices, fort heureusement. Après cela nous arrive de faire des flops. En 2013 il y a eu le Cartoonist ou Geekopolis en 2014.

Et celui qui le mieux marché cette année c’est Japan Expo visiblement…

Ah oui, on devrait même dépasser les 35-40% de ventes habituels en salon avec cette édition, nous avons quasiment doublé le nombre de ventes par rapport à une Japan Expo normale.

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Tu attribues ça à quoi, parce que d’autres éditeurs ne voyait pas vraiment de valeur ajoutée dans cette version 5 jours…

Le succès est essentiellement dû au fait que nous faisons moins de vente en librairie. Nos lecteurs, notamment les lecteurs de Taifu Comics, doivent donc rattraper leur retard ou profitent des salons et de Japan Expo pour découvrir nos derniers titres. On constate aussi que les salons nous permettent de nous faire connaître auprès de nouveaux lecteurs qui ne connaissaient pas forcément nos séries.  C’est le cas pour Ototo qui subit une concurrence plus forte en librairie et qui est encore une jeune maison d’édition. Les salons nous permettent donc de combler un certain « retard ».

Les éditeurs qui cartonnent en librairie peuvent vendre moins en salon, car leurs lecteurs achètent leurs titres dès leur sortie.

Peut-être que l’expérience des salons joue aussi : nous avons appris à faire des économies au niveau du stand que l’on décore plus sobrement. Nous aimerions bien en faire un plus beau mais c’est un investissement que nous ne pouvons pas nous le permettre. Ensuite on sait très bien que ce qui fonctionne et ce qui attire les gens, au delà des goodies, ce sont les exclusivités. Cette année ce qui a attiré du monde c’est In This World, nous en avons vendu quasiment 900 exemplaires.

C’est vrai que, du à votre faible placement en librairie, il n’y a pas de risques à faire des avant-premières en salon, les libraires ne peuvent pas vraiment vous le reprocher !

Voilà. Après sur Ototo on évite de le faire, c’est surtout vrai sur la yaoi ou le hentai. Ou alors nous nous arrangeons pour que le délai soit court : Magdala sortait la semaine après Japan Expo par exemple et il aussi bien fonctionné en librairie donc ce n’était pas pénalisant.

Mais pour le yaoi ou le hentai, on le fait justement parce qu’il y a ce défaut, et nous en profitons justement pour amener un auteur. C’est pour ça qu’on a choisit Rihito Takarai, et pour rebondir sur 10 Count qui avait fait beaucoup parler de l’auteur juste avant. Même si on n’a pas pu sortir 10 Count sur le salon, ça a permis à ses autres séries de beaucoup mieux se vendre et d’avoir une seconde vie.

Hentai et Yuri, des univers plus compliqués

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Voilà pour le yaoi. Comment se porte le hentai ?

Ça fonctionne bien. Cela fait environ deux ans qu’on en propose et nous avons toujours des bons chiffres de vente. Le fond de catalogue se vend bien aussi, ce ne sont pas forcément les nouveautés qui se vendent le plus, ce qui montre qu’il y a encore un potentiel pour ce marché. C’est une collection, le Hentai 100% non censuré, que nous tachons aussi de protéger, dont nous ne parlons pas n’importe où. Nous évitons par exemple d’en parler dans des médias généralistes où les gens ne connaissent pas forcément le manga ou même le hentai car ça peut très rapidement déraper et être critiqué.

Nous restons prudents donc, car c’est vrai qu’il y a des titres qui sont très hard, sur des thèmes pas forcément connus en France…

Qui sont, culturellement, assez peu exportables disons…

Exactement, culturellement il y a une grosse différence entre le Japon et la France dans le domaine du sexe et certains thèmes sont très compliqués à traiter chez nous alors que ce n’est pas forcément le cas au Japon. Bref c’est une collection qui marche bien et qui pourrait peut-être marcher encore mieux si nous communiquions davantage dessus mais elle se ferait beaucoup plus critiquer et, surtout, les lecteurs se feraient critiquer.

Et une mauvaise étiquette collée sur un éditeur à cause d’une seule collection peut porter préjudice à tout son catalogue…

Voilà. Nous sommes satisfaits et nous prenons notre temps. Cette collection est arrivée à maturité un peu comme le yaoi avant donc nous allons ralentir un peu et faire plus attention à la qualité des titres, nous montrer plus sélectif. Nous travaillons d’ailleurs avec de nouveaux éditeurs et cela va nous donner plus de choix.

Pour finir avec le catalogue Taifu… Quid du Yuri ?

Le yuri… Comment dire… (Rire gêné)

Inu et Neko 2
Je dirais que c’est un combat de longue haleine en fait. C’est plus compliqué que le yaoi ou le hentai en fait. Peut-être qu’on a mal compris la demande, c’est difficile à dire. Je compare souvent le cas du yuri a celui du josei : il y a une demande, et si on l’écoute on se dit qu’il y a un potentiel de fou sur le marché. Mais à chaque fois que nous sortons un titre, nous sommes plutôt déçus.

Sam Souibgui, le fondateur de Komikku, évoquait effectivement ce problème avec Les fleurs du passé, un titre josei sur lequel il a investi mais qui s’est avéré douloureux financièrement parlant…

C’est aussi ça le problème. Sur le yuri on peut parfois nous dire « oui mais vous ne nous proposez pas les titres que l’on attend». Il ne faut pas oublier que chaque titre a un prix. Donc, alors que les essais précédents n’ont pas fonctionné au niveau des ventes, on ne se voit pas acheter un titre plus cher que les autres alors que tous les voyants sont au rouge. C’est de l’argent que nous pourrions utiliser pour un autre titre, et ça peut nous faire mal. C’est une somme difficile à investir quand on veut également développer plus en profondeur les catalogues d’Ototo et celui du yaoi.

Il y a beaucoup de choses à faire…

Exactement. Après il existe des titres qui jonglent entre le yuri et d’autres genres. En septembre nous avons sorti Inu et Neko par exemple. Le mangaka utilise le yuri pour donner un coté humoristique. C’est un peu comme Adekan qui est un vrai seinen mais qui possède aussi un coté yaoi par moments car l’auteur s’amuse avec les codes.

Donc nous avons fait un test avec Inu et Neko : il a été publié chez Ototo, car c’est un titre qui a les capacités de toucher un plus large public que les lecteurs de yuri. C’est aussi un moyen de lui donner plus de visibilité, car les titres Taifu Comics sont moins « attendus », plus mis de côté et souvent catalogués… Pour le moment, les premiers chiffres n’ont pas atteint nos attentes, mais je pense qu’il faut lui donner du temps. La collection yuri va voir le dernier tome d’All we need is love sortir le premier trimestre 2015. Après on verra ! On a pas l’habitude d’abandonner chez Taifu Comics et Ototo ! (Rires)

De Ototo à Ofelbe, du manga au light novel…

Si on fait un rapide tour du catalogue : Spice & Wolf est toujours votre leader ?

Spice and wolf 10
Les nouveaux tomes de Spice & Wolf, comme le tome 9 en février, sont toujours un carton et sont les meilleures ventes à la nouveauté pour Ototo. Le volume 1 lui aussi se porte bien et nous nous approchons des 10 000 exemplaires vendus. C’est toujours une des nos locomotives. Le volume 10 de Spice & Wolf a eu le droit a une mise en avant avec l’organisation d’un jeu concours qui faisait gagner 10 figurines de Holo. Ce jeu a permis de faire parler du titre de nouveau, car le danger avec un titre qui connaît une longue attente entre la sortie de ces nouveaux volumes est qu’il peut tomber dans l’oubli…

Les ventes du tome 10 restent dans la lignée des ventes des derniers tomes pour le moment. Spice & Wolf a la chance d’avoir une forte fanbase et cela aide beaucoup un titre ! De plus on espère que la sortie du roman puisse aussi aider le manga !

Depuis il y a eu l’arrivée de Fate Zero, qui a plus de notoriété, qui est plus grand public.

Et qui a aussi une plus grande actualité, avec des sorties beaucoup plus fréquentes …

Voilà, nous n’avons pas encore rattrapé le Japon (le tome 8 vient de sortir) donc nous pouvons nous permettre de sortir un volume tous les deux mois avant de passer progressivement ralentir.

Fate Zero est devenue notre seconde locomotive qui a permis à Ototo de se faire connaître à une autre partie du lectorat français.

Et tout ça s’est fait très rapidement au final, le tome 1 sortait en février 2014 à Paris Manga

Voilà et il a été épuisé en un mois et demi – deux mois seulement, ça a été un gros carton et ça continue de l’être. Nous continuons aussi à communiquer dessus, c’est aussi ça l’avantage d’avoir un catalogue qui n’a pas un nombre de titres incalculable, ça permet de s’occuper de titres plus anciens ou pendant plus longtemps, comme Spice & Wolf  que j’évoquais plus haut.

Là nous citons des titres qui fonctionnent bien. Quelles sont les déceptions en termes de vente ?

Il y a Clannad, avec des chiffres de vente pas forcément à la hauteur de la célébrité en France. Peut-être qu’après l’anime était tellement connu qu’il se suffisait à lui-même. Il était aussi difficile à classer entre shôjo, shônen et seinen…

Ensuite il y a Samidare. Je parlerai de déception parce qu’on a beaucoup fait pour le titre. Après ça reste convenable en soi.

Les nouvelles couvertures n’ont pas eu l’effet escompté ?

Si ça a quand même beaucoup relancé le titre. Avec les anciennes couvertures le titre avait vraiment du mal à se vendre, nous avons réussi à l’amener à des ventes correctes. Mais c’est vrai que par rapport aux efforts fournis ou même vis-à-vis des critiques très positives – c’est l’un de nos titres qui a été le plus encensé – nous aurions voulu davantage.

Fate zero, Spice and Wolf et Magdala sont plutôt des succès de votre catalogue et ils se trouvent qu’ils sont issus de light novel, avec un scénario plus riche et plus travaillé… C’est ça qui plait ?

Je pense oui. Après il y a toujours des fans de Spice & Wolf qui vont nous dire qu’il aimerait qu’il y ait plus d’action mais il faut aussi se renseigner sur ce qu’on lit. Nous n’avons jamais vendu ce titre comme un manga bourrin ! (Rires)

Il faut donc bien identifier le titre, Spice & Wolf peut plaire à beaucoup de monde mais ce n’est pas n’importe quel type d’aventure…

Ce n’est pas un Dragon Quest par exemple…

FateZero-5-Jaq-1
Voilà. Après Fate Zero arrive à réunir un scénario développé avec du combat, de l’aventure, une part de stratégie… C’est ce qui a beaucoup plu si on regarde les critiques : il y a des combats, c’est parfois bourrin et gore MAIS on y retrouve aussi toute cette réflexion entre les masters ou au niveau des servants. Sans spoiler vous verrez dans le tome 6 une réunion entre servant qui est vraiment sympathique.

C’est donc, effectivement, un vrai plus pour ces œuvres et les gens les apprécient aussi pour ça. Il y vraiment une histoire, un scénario bien travaillé et pas mal de texte. Ce qui peut déplaire aussi d’ailleurs, il y a des personnes qui ne veulent pas de gros pavés de texte. Je peux les comprendre, et c’est vrai qu’il faut un travail d’adaptation entre le light novel et le le manga, mais si on condense trop on nous reprochera de perdre la richesse de l’original, de le trahir quelque part. De toute façon on ne peut pas tout avoir, même si certains voudraient toujours ! (Rires)

Du coup est-ce que c’est devenu un critère de sélection dans le choix des licences ?

Oui ça l’est devenu. Nous avons pu constater que ça fonctionnait et, maintenant qu’une partie de l’équipe travaille pour Ofelbe, c’est devenu une recherche à part entière. De plus, ça nous permet d’arriver avec une offre plus complète vis-à-vis des éditeurs japonais, en pouvant publier le manga mais aussi le light novel. Ça peut aussi, nous espérons, nous permettre dans le futur de toucher d’autres maisons d’éditions plus importantes avec qui nous ne travaillons pas actuellement. Même si d’autres maisons d’éditions ont pu adapter ponctuellement un light novel à droite à gauche pour leur blockbuster, nous sommes les premiers à développer une maison d’édition à part entière sur ce secteur.

Vous auriez pu vous aussi vous contenter de quelques adaptations, pourquoi avoir créé une maison d’édition sur le light novel ?

A l’heure où le manga connait des difficultés, et ça depuis quelques années maintenant, il faut chercher à se diversifier. Chez Taifu Comics et Ototo, nous avons déjà tous les genres de manga connus. Au début ça suffisait. Taifu à l’origine était un éditeur shônen, seinen. Lorsque les ventes ont baissé, nous nous sommes diversifiés vers le yaoi. Une fois que le yaoi a commencé à stagner, la collection 100% hentai est arrivée, ce qui a reboosté les ventes et limité la baisse.

Puis est arrivé Ototo…

Oui après quelques années, on voulait re-tester les secteurs shônen et seinen. Au début c’était difficile puis ça a fini par trouver sa place et son public. Mais maintenant c’est le marché du manga qui est globalement en difficulté.

Et donc il ne fallait pas un nouveau genre de manga mais un nouveau genre littéraire…

Et c’est le light novel qui est venu, parce que nous avions déjà Spice & Wolf, c’est clairement ce titre qui nous a mis sur la voie car il y avait énormément de demandes sur ce light novel. Nous avons donc commencé à nous renseigner sur ce marché et l’idée a muri jusqu’à fin 2012 où nous avons décidé de nous lancer et de négocier avec les Japonais, sachant que nous ne lancerions Ofelbe qu’à la condition d’avoir deux ou trois grosses licences minimum.

Nous avions réalisé une interview pour Journal du Japon il y a quelques mois mais, depuis, il y a eu quelques changements : pages couleurs, couvertures…

Modèle Ofelbe SAO
En fait nous avons voulu être prudents. Les fans savent que dans le light novel il y a le texte et les illustrations. Ce qui est moins connu c’est que, parfois, les droits sont séparés et que l’achat de l’œuvre ne va pas automatiquement de pair avec les droits de l’illustrateur. Tout ça est géré par la même maison d’édition mais si l’illustrateur ne donne pas son accord, on ne peut rien faire. L’accord de l’éditeur ne suffit pas, il faut aussi celui des auteurs.

Et il se trouve que le problème pouvait se poser pour Sword Art Online, avec ses droits distincts. Or, nous nous voyions mal faire une annonce en promettant monts et merveilles et nous rétracter sur les illustrations après. Nous avons opté pour la stratégie inverse, en garantissant le minimum quitte à se faire huer. C’est pour ça que nous avons bien dit que les informations finales étaient données en septembre.

Tout était encore en négociation et nous réfléchissions aussi à l’impact des illustrations dans l’objectif de toucher le grand public. Mais nous étions bien décidés à ne pas laisser pour compte la fanbase de SAO, donc comme nous les avons sentis actifs, présents et concernés, ça nous a aidés dans notre prise de décision. C’est avec cette base de fans qu’on pourra vendre davantage nos light-novels et toucher le grand public. SAO a le potentiel intrinsèque pour le faire, et en expliquant aux libraires et aux diffuseurs que les fans seront là et qu’on peut compter sur 2 000 acheteurs au minimum, il pourra mieux se diffuser et avoir une meilleure visibilité. Sans eux, ça serait beaucoup plus compliqué.

Le problème s’est posé sur SAO, quid de la suite ?

Disons que nous partons de SAO comme modèle pour nos ouvrages, mais là encore je préfère prévenir que rien n’est sûr et ce genre de difficulté peut se représenter. Ce sera donc au cas par cas et progressivement les annonces seront faites. C’est ce qu’on fait sur Spice & Wolf par exemple.

Après pour toucher le grand public nous nous adapterons, nous trouverons les astuces nécessaires pour le séduire. Mais il n’y aura pas de subterfuges vis-à-vis des fans, c’est eux notre priorité.

Est-ce que ses nouvelles pages et ses nouveaux droits changeront quelque chose au niveau du prix ?

Pour nous oui, à l’impression par exemple. Mais pour le public ce sera toujours le même prix, 19.90 euros pour les deux tomes.

Tant mieux, c’est noté !

Guillaume Kapp : le portrait manga

Pour finir, comme c’est notre première interview éditeur, voici le traditionnel portrait manga, afin d’en apprendre un peu plus sur Guillaume Kapp !

 1.  

Olive & Tom
A quel titre tu dois ton premier souvenir en tant que lecteur ?

Captain Tsubasa alias Olive et Tom. C’est avec ce titre que je suis revenu aux œuvres nippones en fait, car j’avais déjà connu la version animée avant, via le Club Dorothée. Mais après j’ai délaissé tout ce qui venait du Japon car je ne savais absolument ce qui existait en dehors des dessins animés et je ne connaissais pas d’endroit où je pouvais trouver tout ça.

C’est un ami qui m’a montré la version manga et qu’en j’ai vu que l’histoire existait dans ce format et qu’elle allait beaucoup plus loin j’étais comme un fou et je crois bien que j’ai acheté les 37 tomes de la première saison d’un seul coup… Enfin mes parents ont tout acheté d’un seul coup ! (Rires)

2.   Quel est le titre qui t’a procuré la plus grande émotion ?

Tout confondu je dirais I’ll Generation Basket. C’est un titre qui m’a beaucoup plus au niveau des personnages. Ce n’était pas centré sur le basket mais sur la vie d’une équipe de basket et tout ce qui était autour : les relations au sein de l’équipe, la vie personnelle, la vie professionnelle. J’ai trouvé ça très intéressant et on s’attache énormément aux personnages. En plus le trait est superbe : Hiroyuki Asada est sans doute le seul auteur dont j’ai acheté toutes les séries et les artbooks, y compris ce qui n’est pas sorti en France. Et puis il y a cette fin, MAIS CETTE FIN !!! Tu lâches une petite larme et tu dis : « mais elle arrive quand la saison 2 ?! »

3.   Quel manga donnerais-tu à lire à ton pire ennemi ?

Yakitate Japan, parce que ce manga donne faim tout le temps c’est terrible… des pains de toutes sortes, supers bons… une torture ! (Rires)

I'll Generation Basket 11
4.   Quel manga faut-il lire pour mieux comprendre Guillaume Kapp ?

Disons qu’il y a certains personnages dans des mangas qui peuvent me ressembler… Je dirais I’ll et un plus récent : Say I Love You chez Pika, que j’ai connu par l’anime.

5.   Un blockbuster sur lequel tu n’as jamais accroché ?

Fly alias Dragon Quest dans les anciens titres, et dans du plus actuel Naruto. J’avais l’âge pourtant quand les premiers volumes sont sortis. Je les ai achetés d’ailleurs à l’époque mais j’ai assez rapidement décroché, par lassitude. Je lisais parce que c’était à la mode.

Enfin, mais c’est peut-être parce que j’étais trop jeune, Akira. Je ne l’ai jamais lu à l’époque mais faudrait que je retente maintenant.

Le cas d’Akira est un peu compliqué, car en dehors de ses qualités intrinsèques, une part de sa popularité vient aussi du fait qu’il a été le premier manga pour énormément de lecteur, dans les années 90. Il y a donc un affect très important sur cette œuvre.

Et du coup c’est devenu un incontournable, surtout quand tu travailles dans le manga, donc je pense que dès que j’aurai un peu de temps, j’irai l’acheter.

6.   Un flop que tu trouves injuste…

Petit clin d’œil à mon confrère évoqué plus haut : les fleurs du passé chez Komikku. C’est un titre actuel et qui mérite vraiment d’être lu donc si je peux l’y aider un peu, voilà.

7.   Un manga d’un autre éditeur que tu aurais voulu dans ton catalogue ?

Tokyo Ghoul
Du tac au tac : Tokyo Ghoul. C’est comme Say I Love You c’est ma compagne qui m’a mis sur cette série. Elle achète les titres et m’en parle et du coup j’ai regardé la première saison de l’anime et je vais me mettre au manga mais ce que j’ai vu m’a vraiment emballé : les personnages, le graphisme, la narration, c’est vraiment excellent.

8.   Quel manga ou quel prochain tome attends-tu avec la plus grande impatience ?

Il y en a plusieurs. Chez Ototo il y a Magdala tome 3. Le 2 est à peine sorti mais j’attends vraiment le 3 avec impatience ! (Rires) Et puis il y a Adekan et 10 Count, car je suis fan des deux auteurs.

 Chez les autres éditeurs… Ben le prochain Tokyo Ghoul parce que je vais lire ça d’une traite et que je sens déjà que je vais être impatient de lire la suite ! (Rires) Enfin j’ajouterais Alice in Borderland. D’ailleurs si je ne t’avais pas dit Tokyo Ghoul à la question précédente, ça aurait été Alice in Borderland… Les deux derniers tomes sont juste géniaux.

A essayer donc. Merci Guillaume Kapp !

Vous pouvez retrouver tout le catalogue et l’actualité de Taifu Comics sur le site Point Manga.com, ou les suivre sur Facebook et Twitter. Idem pour Ototo avec site, Facebook et Twitter et vous pouvez enfin suivre le tout jeune Ofelbe sur Facebook et Twitter.

Remerciements à Guillaume Kapp pour son temps, sa bonne humeur et sa réactivité.

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