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Auto-critique d’un juriste introspectif

Publié le 19 mars 2015 par Emmanuel S. @auxangesetc

Après avoir parlé des avocats et décrit leurs nombreux travers ( clic), il me paraît de bonne honnêteté intellectuelle que de porter un regard introspectif sur les juristes. Bref, une auto-critique et un peu d' auto-satisfaction aussi parce que ça fait du bien là où ça fait mal.

Donc pour une fois, je vais parler de moi, de mon métier. Bon, ok, je ne fais que parler de moi, mais c'est le but du blog non? Man et moi sommes égocentriques. Quand on déjeune ensemble, chacun fait son propre monologue sans écouter l'autre. Enfin, surtout moi. Man, lui, est sympa, il écoute et attend que j'ai fini de parler même si ça prend du temps. Le pauvre...

Avocat ou juriste, c'est tout pareil, à une différence près: les uns aiment l'argent facile, les stagiaires blondes à forte poitrine et le titre pompeux de " maitre " qu'ils peuvent pourtant retrouver en soirée S&M le samedi soir, les autres aiment leur vie de famille rangée et organisée minute par minute ainsi que le sport qu'ils peuvent pratiquer de manière normale et régulière dans le cadre d'une vie normale.

Les avocats et les juristes ont un point commun en France: ils sont vus comme des empêcheurs de tourner en rond. Oui, des chieurs, des rigouristes, des ayataollahs du droit et de la règle applicable, des emmerdeurs. Dura lex sed lex (non, rien à voir avec les soirées S&M là, c'est un dicton latin qui veut dire " la loi est dure, mais c'est la loi ", ndlr).

Bref, le juriste, pour un " opérationnel " - notion volontairement floue pour qualifier toutes sortes d'employés d'une même entreprise qui ont un égo surdimentionné (non, pas forcément un avocat pour le cas d'espèce) leur permettant de croire que tous accords qu'ils ont négociés sont parfaits et ne nécessitent donc aucunement la revue du pauvre sous-fifre-juriste-quinesortjamaisdesonbureau-quinesertàrien-quinefaitquem'embêter - est un vrai problème qui risque de relever certaines failles dans les négociations menées avec un amateurisme qui frise le professionnalisme.

Combien de fois ai-je entendu: " les juristes, vous êtes toujours là pour dire que ça marche pas!" . Bah oui!! ET HEUREUSEMENT QU'ON EST LA POUR LE DIRE!! Sinon, tous ces gars passeraient leur temps à conclure des accords illégaux sans aucune défense de l'intérêt du groupe. Belle mentalité. Belle vision des choses que de croire que son travail est au-dessus des lois et que ce sont aux juristes de base (pléonasme) de trouver comment rendre leur merdier intégral légal. Plus ou moins légal. Il faut juste que ça passe le temps d'un comité ou d'une signature. Le reste, ce sera cadeau pour les suivants qui devront gérer le bousin. Autant faire rentrer un carré dans un rond, ce serait plus simple. Pour moi, c'est mon quotidien.

Pour résumer, le juriste est toujours un sale con. Même si cela peut être parfois souvent exact, le travail du juriste est bien souvent de trouver une base légale à un accord conclu hors des règles élémentaires du droit français par des gens qui pensent que la loi n'est faite que pour les autres et qu'on peut faire ce qu'on veut tant que ce n'est pas notre pognon. Sûrement des mecs de gauche.

Je me vois, en tant que juriste, plutôt comme le gardien d'une certaine morale: celle qui défend l'intérêt général. N'en déplaise à bon nombre, l'intérêt général n'est pas l'intérêt individuel du politicien local qui appelle ses potes pour faire pression pour obtenir quelques millions pour un projet dans sa commune qui lui permettra d'être réélu aux prochaines élections. Non non, ça, cela s'appelle pour nous, les sans-dents, du gâchis d'argent public, le vôtre, vos impôts, votre travail. Ou, en langage politique, cela s'appelle la normalité quotidienne des élites qui savent mieux où sont leur notre intérêt.

Pourtant, dans ma naïveté visiblement confondante face à la dure réalité, l'intérêt général est plutôt celui l'intérêt de la collectivité et non de ses dirigeants politiques. L'intérêt général crée des emplois. Il favorise le développement des territoires en apportant infrastructures, économies d'énergie, axes de communication, amélioration de la qualité de vie, tout ça tout ça. Il favorise le renforcement de l'économie nationale et réduit notre dépendance énergitique à des pays dirigés par des impéralistes instables mentalement et/ou gangrénés par l'intégrisme religieux.

Et pour atteindre ce but, cet idéal chimérique et illusoire d'une vie meilleure, le juriste est le gardien du temple. Et oui, l'opérationnel, lui, est soumis à la pression politique qui fait que l'investissement doit avoir lieu sans condition. Le juriste, lui, regarde le montage et défend son entreprise en posant des conditions à son investissement, en sécurisant les failles potentielles de l'opération imposée décidée démocratiquement, en répartissant le risque sur les partenaires ou, plus simplement, sur les responsables qui doivent assumer leurs responsabilités, même si en France c'est pas facile. Et ce travail est primordial, indispensable, nécessaire. Si les investissements sont sécurisés, les risques de perte totale de l'investissement sont réduits. L'argent peut être récupéré à terme et réinvesti. Toujours pour l'intérêt général. C'est beau non? Merci qui? Merci le juriste de se casser le cul pour défendre tout cela, y compris en interne. Surtout en interne d'ailleurs...

Mais bon, s'il faut reconnaître qu'il existe le bon et le mauvais chasseur, il existe aussi le bon et le mauvais juriste. Le mauvais juriste se contente de dire " ça marche pas ton truc" , " c'est pas super-légal ton machin " ou plus simplement " non " à tout ou encore, pour la crème de la crème, " je peux pas te répondre là, il est 17h01 et je pars bientôt, ne me rappelle pas demain" . Effectivement, ce n'est pas faitguant pour le neurone, ça évite de réfléchir à des solutions alternatives et permet de garder de l'énergie pour sa femme / son mari le soir. Après tout, le juriste est considéré comme une sous-merde, autant se comporter comme telle non? Et puis, vu qu'on a pas eu besoin du juriste jusqu'à présent, pourquoi ce serait à lui de démerder le sac de nouilles à une heure pour le moins tardive? Et puis, à 18h30, il y a questions pour un champion, suivi des infos sur la 3, de scènes de ménage sur M6 puis de la série de merde sur TF1. Il ne va donc pas faire de zêle pour trouver une solution surtout quand la question arrive après 16h30. Pas facile de réfléchir après le goûter. Déjà qu'avant le goûter ce n'était pas simple non plus...

Le bon juriste, lui, dit " ça marche pas ton truc " mais ajoute " reviens quand tu auras trouvé une autre solution" . Et là, ça fait toute la différence. C'est le petit plus du bon juriste qui laisse entrevoir la possibilité de trouver une solution. Mais ce n'est pas lui qui doit la trouver. D'ailleurs, le peut-il? Il n'a pas été formé pour ça. Il est là pour analyser, pas proposer. Il est là pour dire: légal / pas légal. Le raisonnement du juriste est binaire. C'est noir ou blanc. C'est bien ou mal. C'est oui ou non. C'est matin ou soir. C'est droite ou gauche. C'est mer ou montagne. Le bon juriste dit aussi " ça ne marche pas, c'est dommage" . Le bon juriste a de l'empathie. Il est gentil, à l'écoute de la peine de son opérationnel qui s'est encore vautré en négociant comme un marchant de tapis et qui se retrouve maintenant un peu beaucoup dans la panade. C'est toujours apprécié dans les moments difficiles. Mais toujours pas plus de solution de la part du juriste. Non, son cerveau tourne à plein pour l'empathie, impossible de faire autre chose, encore moins de réfléchir à une autre solution possible. Mais c'est un bon juriste, juste parce que...

Heureusement que certaines personnes savent travailler comme il faut: ils saisissent les juristes avant les négociations, permettant de travailler ensemble à la recherche de solutions, non seulement légales mais acceptables par tous nos partenaires. Finalement, il suffit de travailler ensemble au bon moment pour trouver des solutions adaptées. Cela ne tient pas à grand chose. Le bon juriste est celui qu'on ne met pas devant le fait accompli et qu'on consulte avant les problèmes pour qu'il propose des solutions. Parce que si le juriste est pris pour un con, il agira comme un con. Et à ce jeu là, le juriste excelle. J'en suis la preuve vivante (pour la connerie j'entends, j'ai battu tous les records internes, y compris COTOREP, je leur permets de remplir leurs quotas).

Le juriste PEUT comprendre. Le juriste PEUT analyser. Le juriste PEUT proposer des solutions alternatives. Le juriste PEUT. Le juriste VEUT. Mais encore faut-il que le juriste soit considéré à sa juste valeur. Après tout, on ne récolte que ce que l'on sème.

La semaine prochaine, je m'occupe des banquiers!


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