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"La Belle et la Bête" de Madame de Villeneuve

Par Lesalondeslettres @Salon_Lettres

Son grand goût pour la lecture pouvait aisément se satisfaire dans ce lieu, et la garantir de l'ennui de la solitude. Le jour se passa sans qu'elle pût tout voir. Aux approches de la nuit, tous les appartements furent éclairés de bougies parfumées, mises dans des lustres ou transparents ou de différentes couleurs, et non de cristal, mais de diamants et de rubis.

Un aveu si charmant ne fit que le flatter : il n'y répondit qu'en disant, "aime qui t'aime, ne te laisse point surprendre aux apparences, et tire-moi de prison".

" Le monstre se fit entendre. Un bruit effroyable, causé par le poids énorme de son corps, par le cliquetis terrible de ses écailles et par des hurlements affreux, annonça son arrivée. En voyant approcher la Bête, qu'elle ne put envisager sans frémir en elle-même, la Belle avança d'un pas ferme, et d'un air modeste salua fort respectueusement la Bête. Cette démarche plut au monstre et, se retournant vers la Belle, il lui dit : "Bonsoir, la Belle".


Ce livre s'est retrouvé dans ma bibliothèque grâce au premier concours que j'ai gagné sur la blogosphère, chez petitsbonheursetgrandeslectures. J'en étais absolument ravie ! Je comptais effectivement me procurer et lire ce conte un jour, et l'occasion s'est ainsi présentée.


J'ai réellement savouré ma lecture. Autant l'univers des contes me fait rêver, autant l'écriture de celui-ci était tellement sublime !! La langue a été, peut-être plus que le récit en lui-même, ce que j'ai apprécié du début jusqu'à la fin. Cette raison explique pourquoi je m'intéresse tant aux oeuvres du XVIIIème siècle. Les tournures de phrase étaient particulièrement belles, ce qui explique pourquoi j'ai eu dû mal à lâcher le livre jusqu'à la fin de ma lecture. J'ai passé un très bon moment, ne serait-ce que par le style d'écriture de l'auteur. Mais je dois dire aussi que j'ai appris des choses de ce conte que je connaissais pas (SPOILER) : le fantôme de l'Inconnu, la Dame, les animaux (les singes, les perroquets et les oiseaux). Le conte de Madame de Villeneuve est la première version moderne de La Belle et la Bête mais la reprise qu'en fit Madame Leprince de Beaumont et parue en 1757 (et que je souhaiterais me procurer également) fut beaucoup plus célèbre et plus courte.


Ce livre m'a livré quelques connaissances sur Madame de Villeneuve (1685-1755). Veuve à vingt-six ans, elle publie pour la première fois en 1734, à quarante-neuf ans, un ouvrage intitulé Le Phoenix conjugal, nouvelle du temps. Elle fut la concubine de Crébillon (père), un célèbre dramaturge, académicien et censeur royal.


Quel a été mon plaisir de lire dans la préface que Madame de Villeneuve, tout en racontant un conte selon la tradition, a été influencé par la pastorale et le roman précieux (la Préciosité étant mon courant préféré), alors à la mode. L'histoire, bien que je la connaisse (ou presque), m'a enchantée, comme dans mon enfance. Les surprises étaient de mise et cela montre à quel point les contes sont trompeurs car on croit toujours les connaître, mais en fait, selon les versions (et les époques), tout change. Étant un conte, de belles morales y figurent telles que On ne connaît de mal sans remède que celui de la mort ou encore Il est plus facile de raisonner sur l'amour que de le vaincre. Ma lecture s'est faite crayon en main. Comme je vous l'ai déjà dit, je n'ai cessé d'apprécier la plume de l'auteure et donc de marquer beaucoup de citations !


Le personnage de la Belle m'a énormément plu : elle est courageuse, intelligente, gentille. Elle n'a pas si peur de la Bête. À l'opposé, ses soeurs sont exécrables par leur jalousie. Cela forme un contraste et l'on se met alors plus facilement du côté de la Belle. J'ai trouvé dommage que la Bête ne converse pas plus avec elle. Si le château est ensorcelé par la magie, il n'en reste pas moins qu'on peut s'y ennuyer (c'est ce que j'ai "vécu" durant ma lecture qui me fait dire cela).


Le conte est paru en 1740 dans La Jeune Amériquaine et les contes marins qui comprend La Belle et la Bête, Les Nayades et Le Temps et la Patience. En principe, notre conte débute par le retour d'un couple à Siant-Domingue. Leur femme de chambre, Mlle Chon, leur conte, ainsi qu'aux autres voyageurs, l'histoire de La Belle et la Bête. Malheureusement pour moi, Folio a décidé de ne pas retranscrire cette narration pour des raisons de "calibrage". En cherchant sur internet le livre original, je suis tombée sur un livre à 281 €. C'est vraiment dommage car j'aurai aimé lire le texte intégral, ainsi que les autres oeuvres de l'auteure (je n'y renonce cependant pas !).


La raison pour laquelle je vous conseillerai de lire ce conte est qu'il vous surprendra certainement autant que moi ! On connaît tous plus ou moins la version de Disney mais ce texte-ci comporte des rebondissements dont, à la fin, je ne saisissais même pas la portée. La dose de magie, tels que les repas servis dans le château sans présence humaine apparente, m'a enivré au point que j'y croyais ! Ce récit m'a emmené vraiment très loin, à la fois au XVIIIème siècle et dans un univers de conte et de magie. C'était un régal !

=> Je ne peux que vous encouragez à lire ce texte-source qui, partant d'une histoire connue, révèle des éléments intéressants et surprenants !

++ Sur le même sujet je vous conseille le film de Jean Cocteau de 1946, avec Jean Marais et Josette Day, ainsi que l'histoire de La Bête et la Belle de Thierry Jonquet (2000) qui se déroule dans une période récente et qui tient plus du noir que de la magie. Pour ma part, je vais essayer de creuser ce thème plus loin en regardant, notamment, la dernière adaptation cinématographique, ainsi que le conte de Madame Leprince de Beaumont.


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