Deuxième article d'une série consacrée à la place des gays et des lesbiennes en France. Un peu d'histoire, et un état des lieux de l'opinion publique sur les revendications actuelles et sur les propositions des candidats aux élections de 2007. Par notre collaborateur : Kim, 31 ans.
Avertissement : cet article a été écrit en avril 2007, juste avant l'élection présidentielle.
Notre article précédent avait démontré que les gays et les lesbiennes étaient de mieux en mieux acceptés par la société française. Comment cette évolution s’est-elle traduite dans les lois ? Autrement dit comment a évolué la législation envers les homosexuels dans la République française ?
Cet article n’est nullement cette fois-ci un produit de ma recherche mais une sorte de compilation/rappel/résumé de ce qui a déjà été fait sur la question, sauf dans la création des documents et la partie sur l’opinion publique. Ce sujet est en effet assez courant dans la recherche – c’est la popularité de l’Histoire avec un grand « H » : il n’y a qu’à voir la présence de livres sur la question. Alors pourquoi le faire ici me direz-vous ? Et bien d’abord parce que les ouvrages en librairie ou articles sur internet traitent plus souvent de l’histoire mondiale ou occidentale que française. L’histoire des gays et des lesbiennes à l’échelle nationale est donc déjà moins courante. Or elle est aussi spécifique car les différents pays du monde ne connaissent pas les mêmes évolutions aux mêmes rythmes ni pour les mêmes raisons. Et puis deuxièmement parce que j’en ai besoin pour mes articles suivants : une question de lien logique entre les articles, tout simplement.
Il ne s’agit pas ici de retracer précisément toute l’histoire de l’homosexualité en France. Nous nous intéresserons essentiellement à ce qui se passe depuis une génération, soit depuis la décennie 1970’, puisque nos statistiques de nos sondages remontent pour les plus anciens à 1973 (voir article précédent).
Document 1
On pourra juste rapidement rappeler que la France d’Ancien Régime considérait l’homosexualité comme un crime religieux, une perversion de la nature créée par Dieu. Ce « crime » pouvait être passible de tortures ou/et de la peine de mort. La Révolution Française supprima cette discrimination légale avec l’abolition de la pénalisation de la sodomie en 1791. On ne parla pourtant pas à partir de cette époque de pleine liberté et encore moins d’égalité, car si l’homosexualité n’était pas condamnée pénalement (la législation française étant là, et pendant longtemps, en avance sur son temps), elle n’était pas reconnue légalement non plus, et donc non protégée contre l’intolérance et les discriminations : la loi, ou plutôt l’absence de loi discriminatoire, ne correspondait pas avec les préjugés homophobes de la population. Pire, la science essaya d’expliquer l’homosexualité et affirma qu’elle était une maladie mentale au milieu du 19e siècle…
La défaite française en 1940 face aux nazis et la mise en place de la France réactionnaire de Vichy, gouvernée par Pétain, firent reculer les droits des homosexuels avec la pénalisation de l’homosexualité la même année : cette criminalisation, véritable discrimination légale, fit que l’on pouvait être emprisonné de 6 mois à 3 ans pour homosexualité, sans compter les peines d’amende. Cette pénalisation de l’homosexualité ne fut pas remise en cause après la chute du gouvernement de Vichy en 1944 : cela empêcha des déportés homosexuels de témoigner de l’horreur des camps et de réclamer justice.
Les choses ne s’arrangèrent pas sous la IVe République. En 1960, l’homosexualité fut officiellement considérée comme un fléau social contre lequel il fallait lutter. Ainsi, par exemple, l’homosexualité devint une circonstance aggravante en matière d’outrage à la pudeur. En 1968, la France adopta officiellement la classification des maladies mentales de l’Organisation Mondiale de la Santé. Et alors allez vous me dire ? Et bien l’homosexualité faisait partie de cette classification (elle n’en sera retirée par l’OMS qu’en 1993)… Bref, considérés comme des pervers, des malades, un fléau social qui menaçait la société, on comprend que la police tentait de les ficher. Non, on ne peut pas dire que la vie des homosexuels fut rose à cette époque ...
Venons-en aux événements depuis une génération, qui nous intéressent plus particulièrement dans cet article.
Le début des années 1980’ : la conquête de la liberté
Document 2 (repris de l’article précédent)
En 1973, un sondage indiquait que 24 % des Français considéraient l’homosexualité comme une manière acceptable de vivre sa sexualité. C’était peu. Il faut dire que l’essentiel de la population pensait que l’homosexualité était une maladie, héritage des travaux scientifiques du XIXe siècle, ou une perversion, héritage d’une culture chrétienne. Mais en même temps c’était beaucoup pour l’époque : mai 68 et la révolution sexuelle étaient passés par là. Cela avait permis la création d’un embryon de mouvement homosexuel politisé qui osa réclamer la fin de la pénalisation de l’homosexualité dès la première Gay Pride indépendante de 1977, réunissant un millier de personnes. En 1981, les sondages indiquaient une légère hausse des personnes déclarant l’homosexualité comme une manière acceptable de vivre sa sexualité, qui étaient désormais 29 % des sondés. Mais ce n’est pas là que réside l’importance de l’année 1981. En avril, un mois avant les élections présidentielles, la Gay Pride réunissait 10.000 manifestants : cela était suffisant pour que la Gauche, qui espérait remporter les élections, promette de dépénaliser l’homosexualité.
La suite de l’histoire, on la connait : François Mitterrand fut élu président de la République en mai, et la Gauche remporta les élections législatives en juin. Dès lors le vent tourna. Durant le même mois que la victoire de la gauche, le fichage des homosexuels fut interdit, l’homosexualité fut retirée en France de la liste des maladies mentales, et l’obligation pour les homosexuels de disposer de leur logement « en bon père de famille » fut supprimée. Un an plus tard, en 1982, sous l’impulsion du ministre de la justice Robert Badinter, l’homosexualité fut dépénalisée : ce fut la fin de la discrimination légale et pénale, un symbole de liberté.
Photo n° 1 : le président de la République François Mitterrand (1981-1995) Photo n° 2 : le ministre de la Justice Robert Badinter (1981-1986).
Les années 1985-1999 : la pause juridique
Enfin, il fut ajouté en 1985 dans l’article 225-1 du code pénal la pénalisation des discriminations fondées sur les mœurs, au même titre que les discriminations racistes ou sexistes. Le mot « mœurs » a été utilisé à défaut de celui de « sexualité », ou « orientation sexuelle », ou tout simplement « homosexualité », aussi bien pour en faciliter le vote que pour élargir son action. Mais pour le coup cela en a aussi dilué son sens et sa portée. Voilà pourquoi cette extension de la loi qui pouvait inclure la protection contre les discriminations homophobes est souvent oubliée du bilan de la Gauche sur les questions homosexuelles. C’est aussi pour cela que je ne l’ai pas intégrée dans ma frise chronologique.
Après cela, les choses vont s’arrêter là pendant presque deux décennies. La liberté, oui, mais l’intolérance restait de mise, l’homophobie ordinaire persistait, tout comme les discriminations homophobes dont les homosexuels n’étaient pas réellement efficacement protégés. Il faut dire aussi que le militantisme homosexuel s’était en partie assoupi après la dépénalisation de 1982 : la preuve en est que durant les années 1983-1990, les Gay-Prides ne rassemblèrent que 3.000 manifestants en moyenne, soit 3 fois moins qu’en 1981. Et puis, il est vrai que cette période fut aussi celle des années SIDA, dont les communautés homosexuelles furent durement touchées : l’idée de maladie mentale était alors progressivement remplacée par l’idée de malades extrêmement contagieux et dangereux d’approcher de trop près. Non, ce n’était pas mieux. L’idée de châtiment divin n’était pas forcément loin non plus. Tout cela a eut une conséquence : il faudra attendre le milieu des années 1990’ pour avoir enfin 50 % de la population qui considère l’homosexualité comme une manière acceptable de vivre sa sexualité !
A partir de 1999 : la conquête de l’égalité
Document 3
La deuxième moitié des années 1990 va venir bousculer ces presque deux décennies d’immobilisme. Il faut dire que plusieurs éléments favorables vont permettre cette évolution. En premier lieu, la reprise accentuée d’un militantisme homosexuel, liée aux désastres du SIDA, qui a particulièrement mis en lumière les problèmes de succession entre partenaires d’un couple homosexuel. La revendication était claire : il fallait reconnaitre légalement les couples homosexuels pour permettre la transmission des biens, au nom de l’égalité républicaine !
C’est ce qui explique en grande partie la montée progressive mais spectaculaire du nombre de participants à la Gay Pride, pour culminer à 300.000 manifestants (selon les organisateurs) en 1997 alors qu’il y en avait dix fois moins trois ans plus tôt (document 3) ! C’est un deuxième élément favorable. Comment expliquer cette démultiplication ?
Bien sûr, il y a la poursuite de la progression de l’idée que « l’homosexualité est une façon acceptable de vivre sa sexualité », qui devint enfin majoritaire au sein de la population (55 % en 1997), ce qui encouragea la visibilité. Bien sûr, la Gay Pride de 1997 était aussi une Europride, c'est-à-dire qu’elle attira des Européens en plus des manifestants français. Mais il y a eut aussi, pour ne pas dire surtout, la victoire de la Gauche Plurielle aux élections législatives de mai-juin 1997, notre troisième élément favorable : le but était de faire pression pour réclamer des droits.
Il fallu attendre un an et demi de débat national passionné pour que naisse en 1999 le Pacte Civil de Solidarité (PaCS), soutenu par des militants comme Jan-Paul Pouliquen, et par des députés comme Jean-Pierre Michel, Patrick Bloche, ou Roselyn Bachelot. Le PaCS reconnaissait enfin légalement les couples homosexuels. Et d’une certaine manière, aussi, indirectement, l’homosexualité qui, grâce au débat national, était de mieux en mieux acceptée par la population : la proportion de sondés déclarant penser que « l’homosexualité est une manière comme une autre de vivre sa sexualité » passa rapidement de 55 % en 1997 à 61 % en 1998, puis à 71 % en 2001.
Photo n° 3 : le député Jean-Pierre Michel
Photo n° 4 : le député Patrick Bloche
Photo n° 5 : la députée Roselyn Bachelot
On aurait pu penser que les débats sur le PaCS, si passionnés et virulents, même au sein de l’Assemblée nationale, auraient freiné pendant un long moment la poursuite des conquêtes de droits pour accéder enfin à l’égalité. Mais il n’en fut rien… d’autant que la progression des droits des homosexuels ne se fit pas principalement sur l’amélioration du PaCs comme on aurait pu s’y attendre, mais sur d’autres fronts.
En effet, la construction européenne allait permettre de poursuivre le mouvement vers l’égalité. Car effectivement, la signature en 2000 par la France du traité européen d’Amsterdam l’engageait à transposer dans sa législation l’article 13 relative à la lutte contre les toutes les formes de discriminations « fondées sur le sexe, la race, ou l’origine ethnique, la religion ou les convictions, un handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle ». C’est ainsi que la France élargissait ses lois nationales contre les discriminations en l’étendant à d’autres catégories de personnes, et notamment en raison de l’orientation sentimentale ou sexuelle, lors de l’adoption de la loi du 16 novembre 2001 relative à la lutte contre les discriminations. Les modifications portaient sur les articles 225-1 et 225-2 du Code Pénal qui définissaient les discriminations et leurs sanctions pénales, et surtout sur le Code du Travail, protégeant ainsi mieux les homosexuels dans le monde de l’entreprise. Les discriminations homophobes sont ainsi clairement définies, contrairement à 1985, et donc plus facilement pénalisées : c’est le début de la marche vers l’égalité.
Le retour en 2002 d’un gouvernement de droite après la nouvelle victoire de Jacques Chirac en 2002 aurait pu faire craindre au mieux un gel de l’avancée des droits des homosexuels, au pire, un retour en arrière, suite aux déclarations enflammées de certains parlementaires qui avaient déclaré en 1999 qu’ils supprimeraient le PaCs sitôt revenus au pouvoir. Il n’en fut rien.
En effet, déjà, l’opinion publique évolua vers toujours plus de tolérance envers les homosexuels, et même en s’accélérant : la proportion de sondés déclarant que « l’homosexualité est une manière comme une autre de vivre sa sexualité » continuait de progresser et passait ainsi de 71 % en 2001 à 78 % en 2006. Plus encore, l’acceptation des gays et des lesbiennes progressaient aussi : rappelons ce que nous avons dit dans notre article précédent, soit la hausse de l’acceptation des gays et des lesbiennes, symbolisée par la progression de 16 % en 2000 à 32 % en 2006 de personnes déclarant que cela ne les gênerait pas qu’ils aient un enfant homosexuel, au dépend de la simple tolérance, qui chutait de 64 % en 2000 à 51 % en 2006. Les débats du PaCS, la plus grande visibilité des homosexuels dans les médias, comme par exemple Thomas de Loft Story 2 en 2002, qui aura contribué à rendre sympathique les homosexuels auprès d’un nombre important de téléspectateurs, ont en effet largement accéléré les changements de mentalités de la société française. De toute façon, même de nombreux politiques de droite avaient fini par voir évoluer leurs opinions sur la question.
Photo n° 6 : le président de la République Jacques Chirac (1995-2007)
Photo n° 7 : le ministre de l’Intérieur Nicolas Sarkozy (2002-2004 ; 2005-2007)
En mars 2003, l’adoption de l’article 47 de la loi sur la sécurité intérieure sous l’impulsion du Ministre de l’Intérieur Nicolas Sarkozy permit de classer l’homophobie comme circonstance aggravante lors de la réalisation de crimes liés à l’homophobie ou à l’orientation sentimentale et sexuelle vraie ou supposée des victimes, crimes dont les peines peuvent alors être aggravées. Ceci est alors inscrit dans l’article 132.77 du Code Pénal.
Mais il y a eut des événements encore plus déterminants. En janvier 2004, l’agression dont a été victime Sébastien Nouchet où il été brulé vif fit la une des journaux et sensibilisa l’opinion publique sur l’homophobie, de même que les politiques, jusqu’au président Jacques Chirac lui-même qui s’engagea personnellement. La médiatisation de cet événement (et les débats sur le mariage gay de Bègles – nous y reviendrons plus loin) va ainsi permettre à la lutte contre l’homophobie d’être intégrée rapidement dans le projet de loi portant sur la création de la HALDE (Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l’Egalité) créée en décembre 2004. L’homophobie était désormais criminalisée : par exemple les propos homophobes étaient désormais sanctionnés par la loi.
Ainsi, ces deux avancées législatives votées par une majorité de Droite venaient compléter les lois de 2001 votées par la Gauche. Ceci concluaient la législation sur la lutte contre l’homophobie, et la plaçaient à égalité avec la lutte contre d’autres discriminations comme le racisme ou le sexisme. Il s’agit donc véritablement d’un symbole de lutte officielle et engagée contre les inégalités et un véritable pas vers l’égalité citoyenne … qui est passé un peu inaperçu.
Eh, oui, inaperçu car, en plus d’une communication insuffisante sur le sujet, le regard des gays et des lesbiennes se tournaient déjà vers le droit au mariage et à l’adoption. Il faut dire que beaucoup constataient les imperfections du PaCS, considéré par certains comme une union de seconde zone. Les critiques fusaient depuis sa création, et du soulagement d’avoir enfin un statut légal est né rapidement une envie soit d’améliorer le PaCS pour lui donner les mêmes droits qu’au mariage, soit l’ouverture au mariage pour les homosexuels. Et un événement aux Etats-Unis allait bousculer les débats en France…
Les droits au mariage et à l’adoption : les dernières revendications ?
Photo n° 8 : le maire de San Francisco Gavin Newsom après avoir célébré un mariage lesbien en mars 2004.
Photo n° 9 : le maire de Bègles Noël Mamère célèbre un mariage gay en juin 2004.
Photo n° 10 : le premier ministre espagnol José Luis Zapatero qui a fait voter le mariage gay en Espagne en juin 2005.
Tout commença véritablement en fait avec un événement de l’actualité internationale qui remit le sujet de la reconnaissance des couples homosexuels au goût du jour. Lorsqu’en mars 2004, Gavin Newsom, le maire démocrate de San Francisco, maria à tour de bras des gays et des lesbiennes en toute illégalité car le mariage gay n’était pas reconnu par l’Etat de Californie, ni par aucun Etat américain d’ailleurs, cela créa un débat médiatique et politique retentissant aux Etats-Unis … et dans le monde. Si le but était de relancer le mouvement pour le mariage homosexuel aux Etats-Unis, sa couverture médiatique mondiale fera rouvrir le débat sur le statut légal des couples homosexuels en France.
C’est ainsi que le député-maire vert Noël Mamère, s’inspirant de l’action de Gavin Newson, organisa le très médiatisé mariage gay de Medhi et Christophe à Bègles en juin 2004. Le mariage était bien évidemment illégal, mais réalisé en connaissance de cause : si l’annulation juridique était à prévoir, l’objectif était de créer un précédent pour faire prononcer par la justice le côté discriminatoire du mariage. Le battage médiatique créa un nouveau débat national passionné. La droite, qui s’illustra par son opposition le plus souvent clairement affichée, tenta bien en échange de lutter contre l’homophobie (d’où l’intégration de la lutte contre l’homophobie dans la HALDE), mais les gays et les lesbiennes ne retiendront que leur opposition virulente au mariage.
L’annulation du mariage de Bègles aurait pu faire penser que les revendications sur l’ouverture du droit au mariage des couples homosexuels serait gelé pour encore un long moment. Et non : l’actualité internationale, là encore, allait remettre le sujet sur le tapis.
En effet, en juin 2005, le gouvernement de gauche du socialiste Jose Luis Rodriguez Zapatero ouvrit le droit du mariage aux homosexuels. L’Espagne devint ainsi le cinquième pays à rendre légal le mariage gay après le Danemark en 1989, les Pays-Bas en 2001, la Belgique en 2003, et le Canada en 2004. L’Espagne ne faisait qu’appliquer les recommandations de 2003 du Parlement Européen, qui, dans son rapport annuel sur les droits fondamentaux de l’Union Européenne, préconisait aux Etats membres « d'abolir toute forme de discrimination - législatives ou de facto - dont sont encore victimes les homosexuels, notamment en matière de droit au mariage et d'adoption d'enfants ».
Cet événement marqua durablement les socialistes français qui étaient jusque là restés réservés sur la question du mariage gay : pour eux, ce mariage gay pouvait devenir une réalité. Ils rejoignirent alors les communistes et les verts qui étaient les plus ouverts à la question. Plus, ils ajoutèrent le droit à l’adoption dans leurs promesses électorales. Bref, les politiques français s’emparèrent du sujet.
La position des candidats sur le mariage et l’adoption durant la campagne électorale de 2007
Les affiches des candidats à la Présidentielle 2007.
Pour résumer, les candidats de Gauche sont favorables au mariage et à l’adoption. Les candidats du Centre et de Droite proposent une union civile équivalente au mariage en termes de droits, mais s’opposent globalement à l’adoption, sauf dans le cas particulier du conjoint d’un parent homosexuel au sein d’un couple homosexuel pour le candidat centriste. Les candidats d’Extrême-Droite ou Droite Nationale s’opposent aux deux mesures.
Pour le mariage homosexuel :
Olivier Besancenot (LCR), Marie-Georges Buffet (PCF), José Bovet (altermondialiste), Dominique Voynet (les Verts), Ségolène Royale (PS).
Contre le mariage homosexuel mais pour une union civile signée en mairie et ouvrant les mêmes droits qu’aux mariés (reprenant le système anglais, en dehors du droit à l’adoption) :
François Bayrou (UDF), Nicolas Sarkozy (UMP).
Contre le mariage homosexuel :
Philippe DeVilliers (MPF), Jean-Marie LePen (FN)
Pour l’abolition du PaCS (inscrit au programme du FN, même si quelques déclarations de Marine Le Pen et Jean-Marie Le Pen donnent à penser qu'ils sont pour le statu quo) :
Jean-Marie LePen (FN)
Pour l’adoption par les couples homosexuels :
Olivier Besancenot (LCR), Marie-Georges Buffet (PCF), José Bovet (candidat libre), Dominique Voynet (les Verts), Ségolène Royale (PS).
Favorable uniquement à l’adoption simple, c'est-à-dire à l’adoption par le conjoint de l’enfant de son partenaire dans un couple homosexuel :
François Bayrou (UDF).
Contre l’adoption par des couples homosexuels :
Nicolas Sarkosy (UMP), Philippe DeVilliers (MPF), Jean-Marie LePen (FN)
Ne se sont pas prononcés sur la question :
Arlette Laguillet (FO), Gérard Schivardi (Parti des Travailleurs), Frédéric Nihous (CPNT)
Bien sûr, cette présidentielle et les législatives qui vont suivre ne parlent pas que de ces deux questions. Il s’agit aussi de poursuivre la lutte contre les discriminations liées à l’orientation sexuelle, d’établir une législation favorable aux transsexuels, de mettre au clair la prévention des maladies (type SIDA) et des suicides touchant des homosexuel(le)s, de s’interroger sur la procréation médiale assistée, de la place de la France dans la lutte contre l’homophobie dans le monde, etc..
Pour tous ces sujets, je vous encourage à lire l’analyse des réponses d’un questionnaire donné aux candidats par l’inter-LGBT en cliquant sur le lien ci-dessous :
http://www.inter-lgbt.org/spip.php?article693
Que pensent les Français de ces revendications ?
Documents 4 et 5
S’il est encore trop tôt pour connaitre le vainqueur des prochaines élections, et donc savoir si les droits au mariage et à l’adoption seront adoptés au cours de la prochaine législature, le débat est en tout cas lancé, aussi bien chez les politiques en campagne électorale qui prennent tous position sur le sujet, que la population qui suit de prêt la campagne électorale, d’autant qu’elle est régulièrement sensibilisée à la question depuis plusieurs années, notamment par le PaCS de 1999 et le mariage de Bègles de 2004, ou l’ouverture récente du mariage dans des pays voisins comme la Belgique en 2003 ou l’Espagne en 2005.
En tout cas, les nouveaux sondages qui abordent les thèmes du mariage et de l’adoption (documents 4 et 5) depuis la loi sur le PaCS de 1999 montrent la progression des avis favorables au mariage (48 % en 2000, 61 % en 2006) et à l’adoption (29 % en 2000, 44 % en 2006) pour les homosexuel(le)s. Cette évolution est parallèle à celle de la progression de l’acceptation de l’homosexualité par les Français (document 2) : l’évolution de la perception de l’homosexualité par la population a donc pour conséquence de faire aussi évoluer sa perception de leurs droits.
On remarquera quand même que la perception par la population des droits des homosexuels est très inférieure à celle de l’homosexualité en terme de proportions : rappelons en effet qu’en 2006 donc, les sondages indiquent 78 % d’opinions favorables envers l’homosexualité, contre seulement 61 % d’opinions favorables pour le mariage homosexuel, et 44 % pour le droit d’adoption. Ceci s’explique par des réticences, bien plus prononcées sur la question de l’adoption que du mariage, et souvent marquées de méconnaissance ou de préjugés, que nous expliquerons dans un autre article.
Pour conclure, la République française est passée en une génération de l’homophobie légale au respect des droits de l’homme.
Les homosexuels sont ainsi passés en une génération seulement de l’état de criminels et de malades mentaux (jusqu’en 1981-1982) à l’état de personnes libres mais simplement tolérées, un peu comme des citoyens de seconde zone, car non reconnus ni protégés contre les inégalités et les discriminations (clairement jusqu’en 1999) ; puis ils accèdent progressivement à partir de 1999 à l’état de véritables citoyens intégrés par la République, où l’égalité et la lutte contre l’homophobie furent clairement affirmées par le vote successif de différentes lois luttant contre les inégalités, les discriminations et les crimes liées à l’orientation sentimentale ou sexuelle. Si les droits au mariage et à l’adoption venaient à être adoptés durant la prochaine législature, cela viendrait ainsi à priori conclure le long combat pour l’abolition des différentes inégalités et discriminations légales ou de facto dont étaient victimes les gays et les lesbiennes en France, et cela représenterait la plus rapide conquête des droits d’une catégorie de population vers la liberté et l’égalité dans l’histoire de la République.
Tout ceci n’a pu se faire bien évidemment qu’avec l’engagement de militants, avec des démonstrations politiques comme la Marche des Fiertés, et avec des hommes et des femmes politiques qui ont fait du droit à l’égalité pour les homosexuels leur combat, parfois à contre courant de l’opinion publique, ce qui est une preuve remarque de courage politique. Mais tout ceci s’est fait aussi parce que les mentalités ont évolué vers plus de tolérance et d’acceptation. Nous tenterons d’expliquer dans nos prochains articles pourquoi et comment les mentalités ont ainsi évolué.
Petite bibliographie
Quelques références côté livres pour en connaitre un peu plus sur l’histoire et l’évolution des droits des homosexuels en France
- ALDRICH Robert (dir.), 2006, « Une histoire de l’homosexualité », Seuil
- SPENCER Colin, 2005, « Histoire de l’homosexualité de l’antiquité à nos jours », Pocket (réédition)
Pour une vision plutôt globale et mondiale.
- MARTEL Frédéric, 2002, « L’homosexualité, la longue marche des gays », Gallimard
L’auteur retrace l’histoire des gays dans la deuxième moitié du XXème siècle en France. De nombreux documents et photographies.
- BORILLO Daniel, LANG Jack, 2007, « Homosexuels. Quels droits ? », Dalloz
Ce tout petit recueil à prix réduit (2 €) retrace l’histoire des droits des homosexuels depuis l’Antiquité gréco-romaine à la France d’aujourd’hui. Ce petit livre de droit vaut beaucoup pour les textes religieux et législatifs en vigueur auparavant ou actuellement qui sont retranscrit à la fin.
- PERREAU Bruno, 2005, « Homosexualité », Librio.
Autre petit recueil à prix réduit (2 €), le chapitre 8 « Les droits des homosexuels » condense en 12 pages la législation en vigueur de façon thématique. Un bon résumé pratique à consulter.
On continue mais cette fois-ci sur Internet
- un résumé d’histoire rapide mais plutôt bien fait sur Wikipédia
http://fr.wikipedia.org/wiki/Homosexualit%C3%A9
- pour aller plus loin : RIETHAUSER Stéphane, 2007, « Histoire de l’homosexualité »
http://www.lestoilesroses.com/0-categorie-1053670.html
- une chronologie assez complète avec parfois des extraits de lois
http://www.lgbth.com/histoire/europe/france.html
- un autre chronologie, qui ne concerne que l’histoire proche, plus courte, très synthétique mais très claire
http://www.sos-homophobie.org/index.php?menu=4&menu_option=42&menu_soption=427&news=4
Un peu de droit
Un article sur l’homophobie et le droit pénal français sur Wikipédia
http://fr.wikipedia.org/wiki/Droit_p%C3%A9nal_fran%C3%A7ais_et_homophobie#Loi_en_vigueur_.28en_France.29
A propos de l’ancienne considération par la médecine que l’homosexualité est une maladie mentale
RIETHAUSER Stéphane, 2007, « Histoire de l’homosexualité – chapitres 6 et 7 - le triomphe de la médecine sur l’amour »
http://www.lestoilesroses.com/5-categorie-1053670.html
A propos du PaCS de 1999
REMY Jacqueline, 1998, « Les racines d’un projet », L’express du 01/10/1998
http://www.lexpress.fr/info/societe/dossier/pacs/dossier.asp?ida=407843
FOUREST Caroline, VENNER Fiametta, 1998, « Le PaCS sur le banc de l’assemblée », Têtu n° 28 (octobre 1998)
FOUREST Caroline, 1998, « PaCs, la lâcheté de la gauche », Têtu n° 29 (novembre 1998)
VENNER Fiametta, METREAU Joël, 1999, « Le PaCS, enfin ! », Têtu n° 39 (novembre 1999)
A propos de la loi sur la lutte contre toutes les formes de discriminations de 2001
http://www.social.gouv.fr/htm/pointsur/discrimination/presentloi.htm
A propos de l’inclusion de la lutte contre l’homophobie dans la loi sur la sécurité intérieure de 2003http://www.legifrance.gouv.fr/texteconsolide/PPED1.htm
A propos de l’inclusion de la lutte contre l’homophobie dans la HALDE en 2004
http://www.halde.fr/discriminations-10/documentation-13/fiches-pratiques-55/femmes-brin-8921.html
A propos de l’action du maire démocrate de San Francisco qui a célébré des mariages gays en 2004
Jessie Kindig, 2004, « 2004: Le mouvement pour le mariage gay aux Etats-Unis », Socialisme International
http://perso.orange.fr/revuesocialisme/s15usa.html
A propos du mariage de Bègles de 2004
http://dossiersdunet.com/article188.html
Pour en connaitre un peu plus sur l’histoire de la marche des Fiertés en France
- un bon article sur Wikipedia : « Marche des fiertés » - http://fr.wikipedia.org/wiki/Gaypride
- « La gay pride en question », 2004, Charles Roncier, Têtu n° 90 (juin 2004), pp. 82-83
Les avis des candidats sur le mariage et l’adoption gays
- Le site www.votons.info/ permet facilement de comparer les programmes de tous les candidats, lorsque ceux-ci ou leurs militants on fait parvenir leurs propositions. On peut comparer n’importe quels candidats ou thèmes de campagne électorale de manière très simple et pratique.
Lien vers la page de Comparaison des candidats sur le thème de l'immigration et de la famille
- Une brève AFP qui résume tout cela de manière synthétique
http://www.lcr94.org/breve.php3?id_breve=901
- Une enquête intitulée « Présidentielles 2007 » lancée par l’Inter-LGBT pour les candidats qui détaille leurs avis sur différents sujets liés à l’homosexualité. Assurément le plus complet, malgré le fait que tous les candidats ne soient pas présents.
http://www.inter-lgbt.org/spip.php?article693
Sondages sur la perception des droits des homosexuels à propos du mariage et de l’adoption
- données de la SOFRES pour les années 2000, 2004 et 2006.
http://www.ipsos.fr/canalipsos/poll/8310.asp
Un peu d’épistémologie
Et enfin un article épistémologique pour s’interroger sur la façon de faire de l’histoire sur l’homosexualité. Reprenant les travaux du philosophe Olivier Foucault, l’auteur Lawrence OLIVIER propose que les recherches sur l’histoire des gays et des lesbiennes devrait changer, passant de la problématique actuelle de la conquête de la liberté et de l’égalité à une nouvelle problématique sur l’évolution de l’amitié masculine. as forcément bête pour ouvrir de nouvelles perspectives de recherche…
http://semgai.free.fr/doc_et_pdf/pdf_these_articles_externes/Olivier_foucault.pdf