Roselyne Bachelot

Publié le 12 octobre 2008 par Gaycoux

Pourquoi Roselyne Bachelot n'a plus la cote chez les gays 

Longtemps exception gay-friendly de la droite, Rosleyne Bachelot s'est transformée en ministre sarkozyste de choc, porteuse de réformes mal perçues chez les gays. L'”héroïne” du PaCS s'est effacée, entraînant le désamour de ses supporters LGBT.

Les personnalités politiques qui ont gagné le statut de “chouchou” des homosexuels le doivent tous à un geste symbolique fort à leur égard, à des mots justes et émouvants à leur adresse et à la constance de leur attitude envers la communauté gay.
Citons pêle-mêle, à travers le temps, les ministres Robert Badinter et Jack Lang, le député-maire Noël Mamère ou encore Bertrand Delanoë. Des hommes de gauche, pour la très grande majorité, à côté desquels les homosexuels ont longtemps placé une seule femme, de droite, qui avait su les défendre, seule face à son camp, avec des phrases et une attitude mémorables qui en émut plus d'un jusqu'aux larmes : Roselyne Bachelot. 

Cet épisode - qui restera inscrit durablement dans l'histoire politique comtemporaine des homosexuels français - l'a hissée dans le petit cercle de ceux que la communauté tient en général pour ses alliés, au-delà des préférences partisanes et des vicissitudes de la vie politique. Et Roselyne Bachelot n'a pas dévié de ce profil jusqu'à la dernière élection présidentielle.

Une image qui s'est brouillée

C'est là que, par petites touches d'abord, puis dans la dureté des responsabilités ministérielles, elle va brouiller son image d'abord, et ensuite la transformer jusqu'à incarner certaines décisions directement hostiles aux homosexuels.
Désormais, même si à droite, on veut encore croire que “Roselyne” est toujours LA figure gay-friendly emblématique, ses détracteurs dénoncent la politique de “Mme Bachelot-Narquin” sans ménagement.

Si la ministre de la Santé de Nicolas Sarkozy était l'invitée d'une soirée “exceptionnelle” de Gay Lib (le mouvement gay interne à l'UMP) qui “fêtait” autour d'elle, le 18 juin, “la France en tête du combat mondial contre l’homophobie”, l'Inter-LGBT dénoncait au même moment son “diletantisme” politique et Act-Up l'attaquait une nouvelle fois durement sur la mise en oeuvre “gravement défaillante” des réformes de l'assurance maladie (franchises, prises en charge des affections de longue durée…) qui pénalisent beaucoup de séropositifs - homosexuels notamment.

Il est vrai qu'avec la Santé et la Jeunesse, Roselyne Bachelot a sous son aile un grand nombre des dossiers dont certains très sensibles pour les gays.
Depuis sa nomination par Nicolas Sarkozy, non seulement elle “assume” la politique du gouvernement qui précarise les malades, mais elle est même devenue un des symboles de la “rupture” prônée par le Président de la République. Un rôle et une image aux antipodes de son profil humaniste et social d'avant 2007.

“Rupture” personnelle

Elle aussi semble avoir fait sa “rupture” personnelle. Tout a commencé quand cette chiraquienne rallie Sarkozy pour l'épauler dans sa campagne. Son discours se polit doucement. Invitée de Gay Lib quelques semaines avant le premier tour de la présidentielle, la conseillère du futur président plaide pour l'Union civile, oubliant qu'elle défendait jusqu'alors le mariage homosexuel et l'homoparentalité. Elle sait déjà qu'elle devra composer avec la tendance dure de la droite dans le gouvernement qu'elle aspire à rejoindre au plus haut niveau. Et, en effet, elle siègera autour de la table du Conseil des ministres avec Christine Boutin, la passionaria anti-PaCS quelques semaines plus tard.

Très rapidement, elle va mettre en oeuvre une politique de santé centrée sur la réduction des dépenses qui va notamment soulever un fort mouvement de contestation autour des franchises médicales. Face à elle, un séropositif courageux, Bruno-Pascal Chevalier, incarne la résistance à une conception libérale et inégalitaire du système de santé à travers une grève des soins qui saisit l'opinion. Elle le recevra très diplomatiquement, mais restera de marbre, ne cédant sur rien et défendant contre l'évidence les “mérites” de sa réforme que les associations de malades qualifient d'”impôt sur la maladie”. Elle devient de fait la cible d'Act Up qui ne la nomme plus désormais que “Roselyne Bachelot-Narquin”, comme s'il s'agissait de désigner une autre personne que la Roselyne Bachelot ancrée dans le souvenir de milliers de gays et de lesbiennes par son discours à tribune de l'Assemblée nationale lors du débat sur le PaCS.

Promesses non tenues

A cette réforme impopulaire et injuste, s'ajoute des promesses non tenues comme celle de sanctuariser les crédits du sida, de mettre en place une politique de prévention contre le mal-être chez les jeunes homos ou encore d'autoriser le don de sang aux homosexuels. Elle s'associe aussi, il y a quelques semaines, au refus gouvernemental du droit à un congé “parentalité” d'un couple lesbien pourtant soutenu par la Halde.
Certains lui reprochent également son “absence” d'intervention dans le dossier d'interdiction des poppers qui relevait pourtant de sa compétence.

Pire, en dehors de ce qui constitue son périmètre ministériel, elle se taît quand Christian Vanneste est soutenu ou investi par l'UMP – dont elle est secrétaire nationale – aux législatives et aux municipales ou quand la nationalité française est retirée à Frédéric Minvielle, un homosexuel marié avec son partenaire en Hollande. Elle se garde tout autant du moindre commentaire public sur les dossiers homosexuels qui sortirait de la feuille de route du gouvernement. Elle, en qui beaucoup avaient cru voir un temps une sorte de “conscience morale” de la droite, semble avoir perdu son franc-parler et préférer sa position de ministre “dans le rang” à sa liberté intellectuelle et morale.

“Il y a deux tendances (au gouvernement, ndlr), estimait il y a quelques semaines Jean-Luc Romero (militant anti-sida ex-UMP). Celle qu'on entend, c'est la majorité la plus dure. C'est la position de Christine Boutin, très conservatrice sur les questions de société. Il y a aussi des gens plus ouverts, comme Roselyne Bachelot ou Nadine Morano. Mais cette tendance est trop timide et préfère zapper sur ces questions-là”, déplorait-il.

Après un peu plus d'un an au pouvoir, l'étoile de Roselyne Bachelot a pâli auprès des gays. La ministre qu'elle est devenue semble avoir étouffer la femme politique iconoclaste qu'elle fut, des années durant. Comme si “l'exception Bachelot” s'était dissoute entraînant le désamour de ses supporters LGBT.