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Les Ombres (petite prose)

Publié le 11 janvier 2009 par Ptitloup

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Vous fumiez quelque cigarette anglaise tirée d’un étui d’écaille; je vous jouais une arabesque, un nocturne ou ce morceau de Ravel qui vous aimiez tant. Vous frissonniez comme la flamme d’un cierge à court de prières. L’odeur de tabac s’égarait parmi les notes et les silences, ce cortège éphémère, lento ma non troppo, dont vous eussiez rêvé suivre le pèlerinage fantôme.

“Je partirai comme un air de musique,” soupiriez-vous, “sans que l’on puisse me retenir. Il ne restera de ce que je fus qu’un accord ultime suivi d’un trouble sentiment, et puis rien.” Je pleurai de vous entendre si serein, si vaporeux, insaisissable à l’approche de notre fin. Votre légèreté, votre insouciance, ne furent jamais miennes; je m’éteignis dans un crescendo de douleur et de colère.

Le jour se levait: quelques touches de parme à l’hématome de la nuit. Une ombre s’élança vers un divan de velours où tombait un petit briquet d’argent. La lumière perçait déjà la pièce haute. Des fleurs assoupies dans un vase secouèrent leur pollen sur la nappe rouge.

Peut-être pleuraient-elles aussi.


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