Magazine Gay

Closets are for clothes

Publié le 28 avril 2009 par Vinsh
Closets are for clothes
Les pédés sont confrontés à des situations bizarres. Enfin, pas vraiment bizarres, mais qui n'arrivent qu'à eux. Ne fuis pas, lecteur, je ne vais pas parler sodomie ni pratiques sexuelles extrêmes. Nan, je vais parler d'un sujet qui me frappe par sa persistance : la question d'être "out" ou de ne pas l'être. Ou le syndrome de l'homo du bureau.
Je sais que ça sonne un peu con, mais j'ai l'impression que je ne cesserai jamais de faire des coming-out toute ma vie. Ce qui est, reconnais-le, une sensation étrange. Je veux dire, je ne suis ni refoulé ni planqué, je ne suis pas militant non plus ; je ne crie pas mes préférences sexuelles sur les toits, et je ne m'en cache pas non plus. Bref, je suis un pédé tout ce qu'il y a d'ordinaire. Mon entourage proche est au courant, mes amis le sont aussi (du moins ceux que je fréquente encore) (bizarrement, avec ceux que je ne fréquente plus ou que je ne vois qu'une fois l'an, bah va comprendre pourquoi, ça ne sort pas). Mes parents le savent, mon frangin le sait, pendant mes études toute ma promo le savait (ou pas) (mais au final je m'en tapais). Bref, je ne suis pas un closet case, loin de là. Mais suite à la lecture récente de la dernière chronique de l'excellent Maxime Donzel, je me suis rendu compte d'un truc : à un moment ou à un autre, il faudra aborder le sujet avec mes collègues de boulot. Et pas seulement cette fois-ci. Toute ma vie, quand je rencontrerai de nouvelles personne, quand je commencerai un nouveau boulot, bref quand j'entrerai en interaction avec des personnes appelées à me cotoyer au quotidien, il faudra que je tâte le terrain et que je guette la perche tendue pour parler de ma vie privée. Et je trouve cela très chiant, en définitive. Je crois que c'est aussi pour ça que beaucoup d'homos apparaissent comme un peu "fermés" au monde extérieur : le milieu, les potes pédés, les FAP... C'est tellement confortable, pourquoi aller s'emmerder à se justifier face à des hétéros, hein ?
Attention, je ne me plains pas, non plus. Je ne suis pas en train de te faire une crise d'angoisse à l'idée de sortir du placard. Je connais ma sexualité depuis dix ans, j'ai une vie sexuelle effective depuis plus de cinq ans (ouais j'ai commencé tard) (j'ai mes raisons) (et je te dis prout) : bref, je n'en suis plus au stade de la boule au ventre avant de le dire (boule au ventre qui se poursuivait pendant les trois secondes entre l'annonce et la réaction en face) (après, positif ou négatif, j'étais sûr de mon fait)... Nan, là n'est pas la question. En plus, j'ai du bol, j'évolue globalement dans des sphères où ce n'est pas un "problème" (comprendre "où je ne rencontre pas d'hostilité"). Mais je persiste à trouver cela relou. C'est hyper chiant, en fait, de faire partie d'une minorité non visible.
Parce qu'il "faut" le dire. Pas pour être étiqueté, pas pour empêcher les gens de présumer. Non, juste parce qu'il n'y a pas de raison de se cacher, et par souci de transparence. Mais les hétéros n'ont pas ce problème, et c'est quand même assez injuste.
Dans ma vie privée, je vais généralement laisser le sujet arriver sur le tapis tout seul, en parlant du GG sur le ton le plus naturel du monde, parce que si une personne nouvellement rencontrée s'offusque d'un truc aussi marginal, honnêtement autant ne pas perdre de temps à la fréquenter. Au boulot, c'est différent : ce sont des gens qu'on va être plus ou moins obligé de côtoyer, de fréquenter ou au moins de croiser. Autant dire qu'il vaut mieux que ça se passe bien, et qu'il y a donc une petite pression. Bon, certes, on peut aussi très bien bosser avec des blaireaux homophobes et détester son boulot comme tout le monde. Je n'ai pas ce problème, vu que je sais que mes collègues ne sont pas du tout homophobes. Mais... Parce qu'il y a un mais, je n'ai pas encore abordé le sujet avec eux. Je sais déjà qui est maqué et qui ne l'est pas (je suis cerné par les hétéros) (sortez-moi de là !), mais quand une perche de la taille d'un chêne centenaire m'est tendue pour que je parle de moi, bah ça ne vient pas. Je sais que ça viendra, parce que je ne vis pas caché et que je ne ressens aucune honte, mais tout de même, je garde cette espèce de frein, hérité de l'adolescence, qui m'empêche de me livrer facilement. Sur ce point et sur les autres, tu me diras, c'est vrai que je ne suis pas trop une confessions slut. Mais tout de même...
Est-ce que ça veut dire que le fait d'appartenir à une catégorie minoritaire nous amène à ne pas nous revendiquer ? Je veux dire, si le sujet de ma vie privée (maqué, pas maqué, hétéro ou homo) est abordé rapidement, je peux évidemment être freiné par la pudeur "on n'a pas élevé les cochons ensemble, mon gros", mais je sens que le côté "coming out" joue aussi. Comme si en le disant à un collègue de l'étage du dessus rencontré à la machine à café vingt minutes auparavant (oui, je croise encore plein de gens que je connais pas au bout de trois semaines de stage) me donnait l'impression de m'exposer, de livrer une information "étiquetante" sur moi à tout son open space.
Alors quoi ? Se déclarer homo, en fait, on n'en sort jamais ? Bah oui, je crois qu'on peut le résumer comme ça. Pour ma part, je ne me cacherai jamais à moyen/long terme face aux gens que je côtoierai, mais cette permanence du coming out, tout au long de la vie, a quelque chose d'assez fatigant, en fin de compte. Et la petite poussière de crainte qui nous reste de l'adolescence donne aussi envie, dans une logique très paradoxale par rapport aux progrès qu'on est supposé avoir fait depuis nos 15 ans, de ne pas nous faire attribuer tout de suite son étiquette.
Ce midi, Alex et moi déjeunions avec un de ses collègues du cinquième étage. A un moment, une perche m'a été tendue par ce jeune homme (hétéro, maqué, que je serai probablement amené à revoir régulièrement dans les mois à venir) sur ma vie, et je me suis montré évasif. Pareil quand ma collègue a remarqué mon alliance (oui, je porte une alliance) (et le GG aussi) (on est un peu niais) (prout, de nouveau)...
Je sais pas si tu peux comprendre, lecteur, mais c'est hyper frustrant de constater que tu n'es toujours pas capable, au bout de dix ans, d'être "out" dès qu'on te le demande. C'est une pression tout à fait supportable, mais constater qu'on y est toujours sensible après avoir affronté à peu près tous les types de réactions en gardant la tête haute, et beh c'est pas très gratifiant, crois moi.
Je ne dis pas que j'en ai marre d'être honnête avec les gens, hein. Je ne dis pas non plus que "le" dire me coûte. Je crois par ailleurs que c'est assez anecdotique, dans la tête des gens que je fréquente (ou je me plais à le croire). En gros, si tu demandes à un de mes potes de parler de moi, ma sexualité ne sera certainement pas mentionnée dans les premières phrases qu'il/elle prononcera. Parce que je suis bien plus que "ça" (mais tu l'avais compris) (sinon t'es vraiment qu'une gourde). Toujours est-il que c'est hyper central dans ma vie, et que toute ma vie il me faudra l'annoncer. Parce que ça ne va pas de soi, mais parce que ce n'est pas une honte, et parce que, comme aurait pu le dire Harvey Milk, everybody must come out, car ce n'est pas en se cachant du monde qu'on s'en fait accepter.

Retour à La Une de Logo Paperblog