C’est une belle idée que de rééditer les « Mémoires de Fanny Hill, femme de plaisir» (ou les mémoires d’une fille de joie) de John Cleland, qui furent interdites en 1821 pour obscénité aux Etats-Unis, puis éditées et traduites en 1887 par Isidore Liseux, célèbre éditeur de nombreux textes rares et élégants.
Fanny, au moment où elle écrit son récit, est une femme rangée. Sous une forme épistolaire, le roman relate sa vie en autant d’épisodes initiatiques et comment, de jeune fille naïve et ignorante, elle est devenue une prostituée mondaine, avec une quête en arrière plan : retrouver son amour perdu, Charles et concilier le corps, l'esprit et le coeur, nécessaires à la réalisation de l’Amour.
Si le scandale vint en partie de son contenu pornographique (dans les descriptions et les métaphores sexuelles), c’est surtout l’attaque satirique de la moralité de la société du XVIIIs. qui fut condamnée. En effet, sur un mode sardonique, John Cleveland a voulu démontrer que ce n’est pas en combattant les pulsions sexuelles que l’on devient une jeune femme mariée et instruite, mais en les assumant et en vivant une multitudes d’expériences sexuelles, ici, dans les bas-fonds de Londres (à l’image du reste, de J. Cleland, qui fut un grand amateur de femmes et fréquenta la plèbe londonienne).
Avec Fanny, la prostitution mène au succès et à l’accession des classes aristocratiques. La licence et le vice sont récompensés ! Les « Mémoires de Fanny Hill » restent donc un parfait catalogue (sans complaisance) des mœurs et des croyances populaires anglaises du XVIII s. C’est un vrai document pornographique qui réjouira tous les amateurs qui savent ailier curiosité historique et curiosité érotique.
MEMOIRES DE FANNY HILL de CLELAND JOHN. Editions La Différence, septembre 2006 - Chronique sur le Magazine des Livres