Samedi 4 juillet, plage de Sandillon, 16h30.
La levée qui longe la Loire sur un bon kilomètre en méandre délimite le fleuve des zones maraichères de Saint Denis en Val. La voie goudronnée est partagée par quelques piétons, des cyclistes et des voitures qui viendront, toute l'après-midi, s'agglutiner en chapelet dans un virage. Au loin, le soleil se réverbère dans les vitres et nous ébloui. C'est le signal que vous êtes arrivé à la plage naturiste.
Christophe, 41 ans, fait partie de ceux qui viennent régulièrement. Aujourd'hui, il a décidé de s'y rendre pour profiter de la météo et décompresser de sa semaine. Dans son sac, il y a une serviette, une bouteille d'eau, un flacon de crème solaire, un bon bouquin et deux préservatifs. " C'est une plage naturiste ici, on y est bien, une vue sur l'eau, je suis venu pour le silence aussi [...] Enfin c'est pas vraiment un endroit officiel. Heureusement que c'est toléré par la commune. "
Pour Michel, en tenue d'adam, c'est " chacun de son côté, les homos au fond, nous on se met là " . La cohabitation est vécue dans le respect. Il arrive même que certains aillent voir chez les voisins homos ce qui s'y passe. La plage est, pour lui, un lieu de liberté et de détente. Mais quand même précise-t-il, " Moi, je ne suis pas homo, je viens avec ma femme et on avait l'habitude d'y retrouver des amis, d'autres couples, mais ils ne viennent plus. Il y a de plus en plus de voyeurs qui se régalent de notre nudité, c'est gênant à la longue et nos amies féminines ne veulent plus venir. " Chez les homos, même constat, et leurs témoignages font ressortir une autre difficulté : la convivialité est de moins en moins au rendez-vous.
Étrange constat recueilli alors même que Stéphane, Michaël et Antoine, trois copains à la plage et à la ville, justifient leur présence ici comme le moyen d'y retrouver des gens qu'on aime bien. " L'important en venant ici, c'est d'y voir du monde " . La plage résisterait-elle aux rencontres par internet ? Reste-t-elle un des lieux de sociabilité où toutes les classes sociales se croisent et se lient d'amitié ?
Tout l'été sur la plage pour atteindre nos objectifs de Santé PubliqueS'ils sont venus pour bronzer...nos acteurs de prévention, eux, sont venus avec des objectifs de Santé Publique. C'est simple, le challenge à relever : c'est de " ne pas saouler " les usagers avec des discours et une prévention qui ont fait leur temps depuis 25 ans d'épidémie. Les homos en auraient-ils assez d'entendre qu'il faut mettre un préservatif en toute circonstance ?!
Sous l'immanquable tonnelle aménagée et décorée de plusieurs rainbow flag, Bianca, Jacqueline, Denis et moi-même** avons accueilli une douzaine de garçons rencontrés dans l'après midi. Ils se sont approchés par curiosité, parce que ce sont des connaissances, des adhérents ou bien encore parce que l'an dernier le contact avait été bon.
Des photos accrochées à un fil, Jacqueline s'adresse à son interlocuteur lui propose une boisson fraîche et engage la conversation. " On a exposé des photos. Quelle est celle qui vous évoque du plaisir ? [...] du dégout ou qui vous rend mal à l'aise ? " Le choix est difficile, mais néanmoins tous s'arrêtent sur une image évoquant la solitude. L'accroche est toute trouvée pour Jacqueline qui les conduira à discuter des déterminants de la santé gay. Un peu plus tard dans l'échange elle parviendra à explorer, avec la personne, le champ des possibles pour adopter de nouvelles pratiques à moindre risque.
* Les prénoms ont été modifiés.
Les membres du Groupe Accueil et Prévention (GAP) sont des hommes et des femmes, formés à la relation d'aide. Ils sont en mesure d'échanger avec la plus grande discrétion à votre égard, sur des sujets de la vie quotidienne.