L’amour des livres rend la vie beaucoup mieux supportable. La passion des livres la rend scandaleuse, mystérieuse, dangereuse. Elle use les jours, elle dévore les nuits et les chandelles.
On en devient étrange, infernale, sorcière. On prend le livre chéri et on le couve des yeux comme un amant. On se pâme devant un titre, on rêve devant une encre, on s’extasie d’une dorure. Quand on ouvre les pages, le cœur bat avec la violence d’un coup de foudre. Le front est chaud comme un brasier. C’est avec une jouissance profonde et un abandon total que l’on se soumet à l’aiguillon de l’amant ardent qui étincelle au milieu des flammes de l’Enfer. Les mots nous pénètrent comme des langues de feu dans le corps.
Plus c’est fort, plus c’est bon. On rit, on crie, on pleure. On caresse encore le maroquin, on renifle jusqu'à s'en saouler la peau-de-truie*, on se brûle au parchemin, on pleure sur la peau de chagrin*. On pleure, tellement on jouit, tellement c’est beau, tellement il nous brûle dedans, il nous rentre dedans. Oui, il y a des livres avec lesquels on fait l’amour comme si c’était la dernière nuit, comme pour une longue cérémonie d’adieux.
Photos: Flickr
*Peau-de-truie: Peau de cochon, utilisée principalement au XVIe siècle, souvent estampée à froid, en reliure.
*Chagrin: Cuir, peau de chèvre utilisé en reliure.
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