Les nouveaux territoires de la volupté : l'échangisme

Publié le 17 novembre 2007 par Katrin

Richard Vieille fait partie de ces hommes qui ont eu une curiosité sexuelle précoce et insatiable. Ses amours ne duraient pas plus que trois ans, jusqu’au jour où il rencontre Sarah dont les fantasmes ont le don de le tenir en haleine depuis quinze ans et avec qui il butine dans des soirées échangistes privées. D’abord très culpabilisé vis à vis de ses pulsions, il s’est finalement affranchi de la morale dans l’échangisme. Dans son livre «  Amours plurielles. Echange, mélange et autres pratiques…. », il relate avec authenticité son expérience et ses réflexions personnelles,  sur cette pratique sexuelle, qui s’est démocratisée avec le développement des sex-toys et du sexe sur Internet. Relayé par les médias, surtout par la télévision,  l’échangisme est même devenu un phénomène de mode «branché ». Hors, ce n’est pas si simple que cela, quand l’on sait qu’une telle pratique met en jeu la relation d’un homme et d’une femme (ainsi que toutes leurs contradictions) et que le passage l’acte ne concerne qu’une minorité de couples.

  C’est tout l’intérêt de ce livre que de montrer que l’échangisme est une voie de dépassement (parmi d’autres) pour s’affranchir de la chape de plomb des normes éducatives et sociales. « Nous avons tous un chemin à mener pour assumer notre engagement sexuel » revendique Richard Vieille. En témoignant de son cheminement personnel, l’auteur a le mérite de  mettre en avant son questionnement et les contradictions qui l’ont assailli avant de franchir le pas.

En effet, comment peut-on se réconcilier avec les pulsions d’un cerveau reptilien, qui vont vers la multiplicité et « l’atmosphère festive des partouzes » quand le discours ambiant est monogamique et centré sur la fidélité ? Comment faire avec cette « obsession sexuelle qui est consubstancielle à l’homme » ? Il suffit d’abord de se retourner vers l’Histoire qui nous montre que la quête du plaisir multiple occupe l’espère humaine depuis les orgies romaines, en passant par le libertinage du XVIII siècle jusqu’à la vague hippie et notre XXI siècle de sexe mercantile. Mais cela ne suffit pas. Il faut avant tout résoudre ce fantasme binaire de la maman et la putain qui hante de nombreux hommes : « on baise avec une salope, on épouse une femme respectable ». En effet, combien d’homme pensent qu’ils ne peuvent pas jouir avec la mère de leurs enfants, comme si la réalisation de certains fantasmes pouvaient nuire à l’amour et exprimer un manque de respect?

Si donc, vous voulez un soir franchir la porte d’un club échangiste, il vous faudra accepter et intégrer cette prise de conscience. Mais attention, il existe un gouffre entre le fantasme et la réalité. Ce fantasme est très présent chez les hommes et ce sont souvent eux d’ailleurs qui proposent à leur partenaire une petite soirée en club, avec l’alibi de  « raviver le désir » et de « rompre la routine » du couple. Sauf que la réalité peut déstabiliser l’homme lui même : sa jouissance peut être capricieuse et il peut ne pas supporter de voir sa femme lui « échapper » et se révéler érotiquement créative dans les bras d’un autre (alors qu’elle ne l’était pas avec lui). L’addiction peut aussi prendre le pas et provoquer un engrenage vers la recherche effrénée d’excitations extrêmes.

Pour s’engager dans cette voie, il faut donc très clairement formuler ses désirs avec son partenaire et  baliser ensemble le parcours qui mènera au plaisir collectif. Richard Vieille propose à travers des témoignages de « libertins » (qui, il l’avoue, ne sont pas très loquaces sur leurs pratiques) et son « glossaire libertin et joyeux », des pistes à suivre et un code de bonne conduite en club ou en soirée privée. Sous cet angle, l’échangisme apparaît comme un vecteur de bien-être et de complicité dans le couple. Sans réfuter « le modèle classique de la sexualité », Richard Vieille propose une voie  pour  construire une relation durable, tout en ouvrant de « nouveaux territoires de volupté ».  Le sexe, utilisé à bon escient dans le respect de l’autre, devient ce qu’il aurait dû toujours être : « une force révolutionnaire, gage de liberté et d’autonomie ».

Richard Vieille « Amours plurielles. Echange, mélange et autres pratiques ». Senso, Editions Blanche. 2007

Chronique parue sur le Magazine des Livres Mai 2007 en Kiosque - Copyright Katrin Alexandre