Un cours gratuit de peinture à l'huile : 2e partie : Anaïs, ou Le nu au pendentif

Publié le 18 juillet 2010 par Serdj

Par où commencer 

(Pour la première partie de ce cours voir ici)
Il y avait très longtemps que je voulais peindre un nu.  Or la semaine dernière, en furetant dans un magasin de produits pour artistes, j'ai déniché une toile vierge de 40x120 cm, un format inhabituel qui me convenait assez.
Bon ensuite il faut un modèle.  Plusieurs filles ont proposé de poser pour moi (si, si !) mais pour mon premier nu j'ai préféré travailler d'après une photo.
Donc voila la photo d'Anaïs (c'est pas son vrai nom). C'est une fille magnifique, et j'aime son déhanché très sensuel. J'ai recadré la photo pour qu'elle corresponde au format 1x3 de ma toile. La photo originale fait 1000x3000 pixels, ce qui est très important pour moi car je vais pouvoir zoomer dessus pour les détails. En effet, pour cette toile, j'ai décidé de peindre en regardant l'écran de mon ordinateur portable.
J'installe donc la toile sur le chevalet, et le portable sur un tabouret à coté.  Avec le logiciel irfanview, je peux  cadrer imédiatement  la partie qui m'intéresse, et avec une calculette je convertis les pixels en centimètres. OK, ça fait très technique, mais je n'avais pas envie de rater mon premier nu !
Maintenant, les couleurs. Attention : la plus grosse erreur que peut faire débutant, c'est d'avoir des tubes de couleur "chair". La chair est tout sauf couleur "chair". Vous verrez que mon portrait comporte des tas de couleurs. Mais pour ma palette pour ce portrait j'ai uniquement du blanc de titane, du noir, du bleu outremer, du rouge carmin, du jaune de cadmium, de la terre de sienne brulée... et puis c'est tout ! Ben oui, les autres couleur, c'est sur ma palette que je les obtiens, en mélangeant ces couleurs quasi primaires.

Bon, on y va 


Première étape (1h) :
Alors fidèle à ma technique assez peu orthodoxe, et n'ayant pas la patience de faire un fond et d'attendre qu'il sèche, j'ai fait ce que soi-disant il ne faut pas faire, j'ai commencé directement sans faire un "fond" sur la toile, et en plus, j'ai dessiné directement au crayon, comme je l'avais fait pour le portrait de françoise.   Et naturellement quand, j'ai repassé les traits avec du blanc au pinceau... beurk, ça bave!  Mais au moins, la peinture blanche "fixe" le crayon.  
Donc, contrairement aux apparences, je n'ai pas utilisé de noir pour faire le dessin ci-contre : uniquement du blanc ! Le noir est celui du crayon...
L'avantage de cette technique, c'est que je peux directement vérifier les proportions.  Jusqu'ici, ça à l'air correct. Mais je n'aurais pas du commencer à dessiner le collier, ensuite je vais être emm... avec le noir du crayon qui va baver.
Étape 2 (1h30)
Je repasse le trait du crayon avec du blanc, en diluant à la térébenthine ; l'huile, ce sera pour plus tard (toujours peindre gras sur maigre, sinon gare aux "embus" !)
Comme le contour du corps m'a l'air correct, je décide de faire le fond, qui est très sombre, ce qui me donnera des indices pour trouver les couleurs pour le corps et le visage.  Attention, c'est pas du noir, mais un mélange (en proportion variable) de noir (très peu), de bleu et de terre de Sienne. 
En diluant du blanc avec très peu de ce mélange bleu+terre de Sienne,  on obtient un maron très clair avec lequel je commence à peindre les aréoles des seins, et un peu les cheveux. J'y vais très doucement avec les couleurs. Mon idée, c'est de faire un peu comme à l'aquarelle, en peignant de plus en plus sombre.  Mais à la réflexion, avec la peinture à l'huile, ce n'est pas une bonne idée. Comme cette peinture est très couvrante, on ne verra pas ce qui est en dessous si c'est plus clair. Or comme j'ai l'intention que le modelé des muscles, et même des veines, transparaisse dans l'oeuvre finale, il faudra à moment donné que je les dessine en "sombre", quitte à repasser des couches claires dessus.
Étape 3 (2h)
Beaucoup de choses là :
Beaucoup de travail sur les cheveux, les yeux, le nez, la bouche, les seins Je dilue toujours à à la térébenthine.
On notera que l'oeil gauche (à droite sur la peinture) est trop haut, que le nez est trop long, que la bouche n'est pas géniale, et que la forme du menton ne va pas. Mais patience, on arrangera ça après !
J'ai aussi peint le pendentif, c'est beaucoup trop tôt, c'est une erreur en fait. Étape 4 (1h)
Je regrette ne ne pas avoir fait un fond pour le corps. En peignant sur la toile blanche,  tout est beaucoup trop clair, et j'ai peur de mettre des couleurs trop tranchées et de ne pas pouvoir rattrapper ensuite. Je suis donc contraint d'y aller par petites touches de plus en plus sombres.
Je laisse de côté le visage, et je m'attaque au corps. Quelques touches de terre de Sienne + blanc, le tout très dilué, toujours à la térébenthine, pour donner du bronzage à cette fille qui est bien pâlichonne (ah si j'avais fait un fond !).  
Pour la foufoune j'y vais plus carrément (non pas avec le doigt, avec le pinceau ;-). Du coup, on ne voit que ça !
Étape 5 (2h)
Je commence à mettre de l'huile dans ma peinture pour le fond et les cheveux.  Justement, il est temps de revenir sur les cheveux, parce que le visage est trop blanc, et que si je n'assombris pas les cheveux je ne trouverai pas la bonne couleur pour le visage..  Alors on y va un peu au hasard (je veux dire : la patte de l'artiste) avec du blanc pur, de la terre de Sienne et du jaune.... Le jaune de Cadmium est une couleur que j'adore (le seul Jaune que j'utilise, en fait), mais dès qu'on y met, même par inadvertance, un chouilla de bleu, ça donne un vert dégueulasse. Donc prudence ! Bon, les cheveux, ça va.
Ca ne se voit pas trop, mais je retravaille aussi le nez, et la bouche. Je ne suis pas encore content, c'est pas encore ça, mais ça se rapproche.
Et tant qu'à faire, reprendre un peu les épaules, avec du bleu. Je commence à utiliser de l'huile.  Adieu, la térébenthine !  En fait, c'est un poil trop tôt et je vais avoir des petits embus. Mais rien de grave.
Je peins aussi le nombril. Mignon, non ?
Étape 6 (1h)
Bon allez, on reprend le fond, à l'huile cette fois ci. La photo ci-contre est trompeuse, en réalité le fond n'est pas noir, mais c'est toujours un mélange de bleu outremer et de terre de Sienne, avec de temps en temps des touches de noir. Je déteste les fonds unis ! D'ailleurs je déteste les couleurs unies, tout simplement. L'influence de Monet et Manet, sûrement. Je les aime tant !
Question pinceaux, j'en utilise quatre : deux pour le foncé, deux pour le clair, avec dans chaque paire un pinceau large (2 cm) pour les surfaces, et un pinceau plat pour les détails, que je fait en utilisant la tranche. Le pinceau fin, poil de martre etc, je ne l'utiliserai qu'à la fin.
Vous avez vu ? J'ai encore aussi assombris la foufoune !
Étape 7 (1h)
Je  repasse du blanc (très dilué) par dessus le coté droit (gauche sur la peinture) de la chevelure, pour l'adoucir. en fait je travaille beaucoup sur cette chevelure, pour donner l'impression de cheveux plus fins.
Je repasse sans arrêt sur les contours des seins. je ne sais pas pourquoi encore, mais je trouve que quelques chose ne va pas.
Sinon, je donne un peu de couleurs au ventre, aux jambes et à la main qui pend tranquillement. On voit un peu trop la ligne du slip (absence de bronzage), mais pour le moment ça m'arrange : quand je repasserai un "stucco" de vouleur légère par dessus tout ça, ça se verra juste assez en transparence.
Étape 8 (2h)
Ca ne se voit pas trop, mais j'ai quasiment tout repris : les cheveux, (encore), la forme globale du visage,  les ombres sur le cou et les clavicules,  j'ai aussi élargi la zone noire entre les hanches et le bras pour donner plus de déhanché,  plus d'ombre sur le droit du ventre, j'ai accentué le muscle sur la jambe, affiné le dessin du pouce...
Le visage commence à etre super beau. J'ai repris les lèvres et le dessin des dents. Ca fait beaucoup plus sensuel comme ça ! Et vous avez vu, cette mèche sur les yeux ?
Mais elle à l'air un peu en colère.  Pourquoi ? Les sourcils, je pense. Va falloir changer ça.
Étape 9 (3h)
Bon, tout ça est beaucoup trop clair. Ah, si j'avais fait un fond ! Bref. Allons-y mettons du bronzage partout. Pour ça, je me sers de terre de sienne TRES dilluée, avec éventuellement un peu de blanc et (parfois) un peu de rouge pour faire plus rose à certains endroits.
Tout y passe, dans cette mise en couleur : le visage (coté droit, à gauche sur la peinture), le ventre (sauf les seins), les jambes, le bras (avec un soupçon de bleu pour faire plus pâle).  Mais AVANT de faire tout ça, j'ai tracé un trait vertical en bleu clair, descendant jusqu'au nombril, et la ligne des côtes, puis j'ai laissé sécher unne nuit. Du coup, quand j'ai passé le bronzage par dessus, ça ressort par transparence, ce qui est très joli.
Les seins sont trop blanc, mais j'ai très peur de les ombrer eux aussi. C'est tellement délicat, ces choses la... Je vais y aller très doucement, en ne passant que de l'huile sans presque aucune couleur, en plusieurs couches successives. Du stucco, c'est ça.
Étape 10 (2h)
Bon, un peu de recul. Là, ça me plait. Tudieu, oui, qu'elle est belle ainsi ! Je pourrais la faire un peu plus bronzée. Mais c'est une fille qui a la peau claire, c'est comme ça !
Il est temps de passer au pendentif.  Mmm... Je croyais que ça allait être simple. Mais que nenni, ce pendentif, c'est pas simple ! Il faut qu'il ait l'air posé sur le corps. Donc les cercles sont tout sauf ronds. Et il faut qu'il ait l'air doré. En plus, il y a le stress : Si je rate la forme des anneaux, je devrais les effacer, et donc foutre en l'air la délicate texture de la peau en dessous, que j'ai eu tant de mal à faire.
Bon ben on reprend la bonne vieille méthode : on trace à peine, on rectifie jusqu'à ce que ce soit impeccable, et seulement après on met de la couleur. Au début, je trace avec un pinceau dur, ne portant aucune couleur, dans la peinture existante. puis j'y met un peu de jaune, de rouge ou de marron, pour faire le doré. (Eh non, là aussi ça n'est pas une couleur unie).  Pour les petits anneaux de la chaîne qui pendouille, il faut que ça ait l'air naturel : le droit des anneaux est ainsi plus clair que la moitié gauche, et bien sûr il sont entremêlés. Tout ça est un travail de romain,  en travaillant à dix centimètres de la toile.
On se recule... Eh bien c'est raté. Tout ces bijoux ne  se voient pas assez...
Étape 11 (1h)
 
Bon, OK, je recommence. Cent fois sur le métier...
Je repasse sur les anneaux, un par un, avec du marron plus foncé. Surtout pas uni, par contre ! je passe délicatement les deux ficelles entre les anneaux, je trace les pendentifs... Étape finale (3h)
Allez je signe. Ah, tant que j'y suis, un petit coup de terre de Sienne sous le sein gauche (à droite sur la peinture), ne fera pas de mal pour souligner le sein.
 
Ouf, c'est fini ! Ouf ! Je suis fier de moi. 
Vous pouvez admirer le résultat en grand sur la page "mes tableaux" de mon site.