Chère Karine

Publié le 20 août 2010 par Julianomessoa
Désolé tout d'abord pour cette première formule incomplète mais j'avoue avoir un peu de mal avec votre second prénom que je ne peux encore totalement associer à votre personne. Peut-être y tenez-vous et vous va-t-il à ravir, je m’en excuse d’avance et ne manquerai pas alors de rectifier mon omission.
Entrée en matière peut-être brutale mais la suite sera question de cœur et de franchise. Le début devait donner le ton au risque de vous déplaire.
J’ai rapidement perçu lors de notre conversation l’intelligence, l’élégance naturelle et la dignité qui émanaient de vous, tout autant que votre capacité à user de ces qualités rares pour ne pas croire qu’il s’agit ici de quelques flatteries de ma part.
J’ai donc pris la décision de m’ouvrir à vous pour que nos éventuels échanges à venir - si vous pensez à la fin de cette lecture qu’ils sont possibles – ne souffrent d’aucun malentendu, la médiocrité en terme de communication, comme à tout autre niveau d’ailleurs, ne semblant pas être du goût ni de l’un ni de l’autre.
J’ai divorcé en pleine conscience il y a 5 ans d’une femme que je n’aimais plus, d’un métier qui ne me convenait pas, et d’une position sociale pour laquelle j’ai fini de croire qu’elle était enviable et épanouissante.
Je vous rassure, je ne suis devenu ni moine ni communiste, juste beaucoup plus moi-même et un petit peu plus pauvre. Pour cela, je me suis dépouillé de mes cravates, costumes italiens, chaussures anglaises, montres suisses, et surtout de relations incongrues autant que peu épaisses qui doivent encore tenir salon sur ma folie. J’y ai sacrifié un train de vie plus que confortable au profit d’une lucidité et d’une liberté que je pensais inaccessibles, même si elles sont aussi à l’origine de ma dernière séparation, de ma dernière fuite récente.
J’ai appris à dire non. J’ai enfin pu convoquer l’enfant que j’étais, qui ne savait pas encore lire et qui écoutait en boucle sur son magnétophone, fasciné, sans comprendre encore de quoi il s’agissait vraiment, Gérard Philipe dire « Le Petit Prince ». Il m’a fallu longtemps pour décoder quelques messages, j’en découvre encore aujourd’hui. Pourtant, une phrase a retenu l’attention du petit garçon, plus facile à comprendre que les autres peut-être. Vers la fin de la cassette. Le renard dit son secret au Petit Prince qui vient de l’apprivoiser, « On ne voit bien qu’avec le cœur, l’essentiel est invisible pour les yeux ».
Cette phrase me sert de carburant aujourd’hui. Elle me permet discernement vis-à-vis des autres et action pour moi-même. J’ai arrêté de vouloir devenir ce que l’on me demandait. Arrêté de penser que j’étais un mec formidable. Les efforts à fournir sont immenses. L’être facile, jouisseur, prétentieux, paresseux aussi est encore là. Il a du mal à se taire parfois. L’autre a tellement à donner. C’est lui qui doit remporter la partie. C’est lui qui s’est inscrit sur ce site dans l’espoir d’accrocher un bout de miroir dont il sait qu’il ne le trouvera pas par ici.
Mes passions restent intactes, la musique, la littérature, l’écriture, le cinéma, les sciences, le sport, et je m’y adonne sans compter. Seuls les voyages, plus coûteux, se sont un peu espacés.
Bien longue confession qui vous rebute peut-être. Pour vous dire seulement que j’ai quitté le milieu dans lequel vous semblez vivre, qui compte aussi des gens de cœur, dont vous faites partie, je l’ai pressenti. C’est pourquoi il me semblait nécessaire de me livrer ainsi. Si pour vous cela avait une quelconque importance, je ne vous en voudrais en aucune façon et nous pourrions continuer à communiquer avec plaisir, si vous le souhaitez bien sûr.
Et puis j’imaginais vous faire découvrir le plus simplement possible la plus belle crique de la Costa brava, Aigua Blava, pendant 2 jours, où je pourrais réserver 2 chambres dans un des plus charmants hôtels d’Espagne, à la découverte de la vraie gastronomie catalane… Ah oui ! J’en ai aussi fini avec « El Bulli » !
Je me relis maintenant et je m’étonne de m’être ouvert ainsi, je crois ne l’avoir jamais fait de cette façon, avec une presque inconnue. Peut-être suis-je tout à fait ridicule, peut-être ne me répondrez-vous pas, horrifiée. Je peux tout effacer après tout, ne pas vous l’envoyer… Et puis non ! Ne dit-on pas que le ridicule ne tue pas ? Je sais aussi que la franchise ne pourra jamais être source de procès, d’indifférence à tout le moins. A bientôt peut-être.