Notre rencontre s’est faite par mail et il en est allé de même de notre rupture,
signe des temps sans doute mais aussi symbole de notre difficulté à communiquer. Notre séparation me rend triste bien sûr mais je n’ai ni colère, ni amertume. Le plaisir de t’avoir rencontré reste intact et je ne veux garder que les bons moments de cette année traversée avec toi. C’est un peu pour ça que je t’écris ce mail. L’idée n’est surtout pas de régler des comptes, d’autant moins que je n’ai aucun reproche à formuler à ton égard,mais juste de libérer la parole que j’ai trop étouffée jusqu’ici. D’ailleurs, notre petit échange de vendredi m’a fait prendre conscience combien à nouveau j’étais loin du compte. A ne pas se parler, on ne se comprend pas. Alors, je ne vais pas ici réécrire l’histoire mais seulement m’alléger de tous ces non dits. Pour commencer, je n’ai jamais saisi que ce qui était finalement en jeu, dans notre «vie intime», c’était ma jouissance et non directement la tienne. De fait, comme depuis notre «réconciliation» tu jouissais plus souvent, j’ai effectivement pensé que cela allait mieux. Je ne me suis pas centrée sur moi, alors que, même si j’ai ressenti un mieux être sexuel dans la seconde partie de notre histoire, tout n’était pas encore satisfaisant. Mais quand je suis amoureuse, j’ai cette fâcheuse tendance à me fondre (et parfois même à me perdre…) dans le désir de l’autre au point de taire mes propres penchants. C’est ce qui t’a peut-être fait dire que je n’avais aucune préférence et pourtant… J’ai, sans doute, un mode de fonctionnement particulier mais il n’est pourtant pas très compliqué. Je précise, au préalable, que je n’ai jamais eu de relations sans plaisir et j’ai même eu beaucoup de plaisir sexuels partagés au cours de mes différentes histoires. C’est d’ailleurs pour cela que j’ai très souvent envie de sexe et plutôt plusieurs fois par jour. Tu m’as dit vendredi que tu n’avais finalement jamais eu d’élan de désir pour moi (ce qui m’a d’ailleurs permis de comprendre pourquoi il n’y avait pas eu d’étreintes intempestives hors du lit entre nous), sache que pour ma part, c’est tout le contraire. J’ai très souvent eu envie de toi, dans des situations diverses, mais je l’ai réprimé à chaque fois car au tout début de la relation, je ne sais pas si tu t’en souviens, je t’ai sauté dessus un soir chez moi sur le canapé et j’ai bien senti que cela te déplaisait alors…
Je reprends, je n’ai donc pas d’absence de plaisir mais par contre il m’est très difficile de jouir plusieurs fois au cours d’un même rapport. J’ai, ce qui n’est pas très commun chez une femme, une période réfractaire relativement longue
après la jouissance. Du coup, les scenarii classiques « préliminaires + pénétration » me conviennent peu. J’affectionne soit des « préliminaires » longs et très doux qui laissent monter le plaisir tout doucement de façon diffuse. Cela peut passer par des effleurements, des caresses très douces avec les mains ou par la bouche sur tout le corps ; des jeux amoureux, si importants pour moi, faisant appels à tous les sens (j’aime gouter l’autre, le sentir et l’entendre); des «entrées en matière» diverses (combien de fois je t’ai attendu sous la douche pleine de l’envie que tu me savonne toutes les parties du corps ou encore combien j’aurais voulu au cours de nos longues soirées que tu me « titilles » sans aller jusqu’au bout mais juste pour laisser grandir le désir avant de se retrouver dans la chambre ; enfin j’ai souvent eu envie de te proposer des scénarii permettant de penser à l’autre en dehors du lit et arriver le soir remplis de tous ces désirs fantasmés et non assouvis…). Nous n’avons jamais pris cette voie là ensemble.
Bref, pour moi, ces préliminaires peuvent même suffirent s’ils s’accompagnent
par exemple de « sexe oral » NB : c’est très étrange d’écrire tout ça j’ai l’impression de rédiger un véritable manuel technique à l’usage de je ne sais pas trop qui, mais je veux aller au bout. Pour moi, si les préliminaires sont trop appuyés, je viens quasi immédiatement et j’ai du coup très peu de plaisir pendant la suite des opérations (à cause de ma fameuse période réfractaire…). C’est pour ça que je n’aime pas les caresses trop insistantes sur le sexe sauf en préalable à une pénétration rapide. La pénétration quasi immédiate (ce que tu as qualifié je crois « d’acte brut sans place pour l’érotisation et la sensualité ») est la deuxième voie pour m’amener à la jouissance. Dans ce cadre, je suis très sensible aux changements de rythme bien plus qu’à ceux d’intensité (les déhanchements trop brusques peuvent me faire mal) ainsi qu’aux étreintes : j’aime qu’on puisse se rapprocher, s’enlacer, s’imbriquer de mille façons et j’ai souvent trouvé qu’il
y avait trop de distance entre nos deux corps. Tu as raison quand tu dis qu’il y a des personnes avec qui tout ça, ou presque, vient spontanément, sans mettre des mots. Cela a été le cas pour moi mais pas toujours et il y a des hommes avec lesquels je n’ai pas hésité à parler car les voyant jouir eux-mêmes à tous les coups (lol), j’osais « réclamer » ma part de plaisir... Avec toi je n’ai jamais abordé ces sujets, pas par timidité, mais parce que j’ai pensé que ça ne correspondait pas à tes schémas : il est clair que pour toi l’intimité doit être immédiate et spontanée, alors je me suis dit que si je te parlais de tout ça j’allais définitivement te bloquer. Tout comme tu m’as enfermée dans le rôle de « l’intellectuelle frigide et coincée », je t’ai collé l’étiquette du « cérébral introverti et hypersensible » et je me suis tu, tout le temps. J’ai trop souvent eu peur de te blesser, peur que tu te refermes comme une huitre, tu peux être si secret que quelquefois j’avais l’impression qu’un simple mot un peu déplacé de ma part pourrait provoquer un séisme. Je viens juste de comprendre que ton silence masquait en fait ton mal-être dans cette relation. Pour conclure quand même je veux revenir sur cette histoire d’orgasme. J’ai, bien évidemment, des orgasmes, d’ailleurs quasiment tout le temps, mais ma relation avec une femme m’a fait constater que l’orgasme féminin pouvait être d’une intensité que pour ma part je n’ai jamais atteinte. C’est à compter de ce moment là, relativement récent d’ailleurs, que je me suis dis que je n’avais pas encore eu le « véritable » orgasme. C’est très con de ma part de t’avoir parlé de ça dès le début. Je crois au fond que j’ai jeté ça comme un défi car, et en cela nos envies diffèrent, plus qu’un initiateur ou un guide je cherche un partenaire avec lequel grandir conjointement pour aller encore vers de nouveaux territoires sans jugements, ni lutte de pouvoir , ni tabous, mes limites restant pour l’instant celles du couple (comme toi l’amour à plusieurs ne fait pas partie de mes plans ici et maintenant). Merci si tu as eu la patience de lire ce mail jusqu’ici et ne te méprends surtout pas, ce qu’on a vécu ensemble me plait et j’ai été particulièrement touchée par ta douceur et ta gentillesse. Avec le (peu de) recul, je crois que finalement cette histoire est là pour me «réconcilier» avec les hommes et me permettre d’aller à nouveau vers des histoires de cœur, m’autoriser enfin à tomber amoureuse et non plus vivre des histoires dénuées de tout sentiment comme je l’ai beaucoup fait avant toi. Manon.