Ma découverte du net et du sexe, enfin des deux ensembles, est passé par le cybersex.
" Gnéééé c'est quoi ça ? " a hurlé en réponse ma copine E.* la première fois que j'ai raconté ça.
" Bah tu baises virtuellement avec un mec, ou une fille, on se raconte des trucs pour se chauffer et euh voilà, tu te masturbes en même temps. "
E. a beau ne pas être tellement concernée par les rencontres sur le net, elle a quand même posé directement LA question primordiale : " Mais comment tu fais pour gérer à la fois la masturbation et le clavier ? "
Oui c'est le souci, on ne peut pas dire que ce soit le plus pratique. J'ai d'abord essayé de lui mimer ça sur une terrasse bondée en plein milieu de l'après-midi mais, au vu des regards lancés, je me suis dit que ce n'était peut-être pas très approprié. J'ai donc essayé d'expliquer avec des mots : " Bon ben au départ t'écris surtout, histoire d'être excitée. T'essayes de trouver des situations qui sortent de l'ordinaire, des trucs que tu ne ferais pas dans la vie de tout les jours, encore moins avec un inconnu. Et puis après, bah... t'alternes ! Enfin, t'écris moins surtout... "
Ça avait l'air de l'intriguer quand même. " Mais t'utilises une caméra ? "
Une caméra. Hum non. Moi le truc que j'aime justement c'est de pas savoir qui est de l'autre côté. Ça peut être le mec le plus moche du monde avec un QI d'huître, je ne veux pas savoir. Le mystère c'est 70% de l'excitation.
E. : " Imagine il est belge, roux, borgne et obèse... "Moi : " Oui bon me casse pas mon trip, je ne veux pas savoir j'ai dit ! "E. : " Bon alors tu le connais pas, mais comment ça se passe ? Vous discutez de vos fantasmes ? Vous faites comment pour savoir qui fait quoi ? Qui veut quoi ? "
Au départ, c'est vrai que c'est un peu compliqué. Le premier plan cul virtuel que j'ai rencontré était dans un trip maso. Déjà que dans la vraie vie je me trouve ridicule à hurler des ordres mais devant un écran ce n’était même pas envisageable. Donc n'écoutant que mon courage, j'ai mis fin à la conversation en fermant la fenêtre et j'ai bloqué le monsieur. Hé c'est aussi pour ça que c'est cool internet !
Le deuxième c'était plus sympa. On avait discuté un peu avant, de conneries diverses, comme quand on passe par l'étape du verre obligatoire dans la vie réelle avant de se retrouver à faire des galipettes, histoire de dire qu'on est quand même civilisés.
Puis la conversation avait dévié, on s'est raconté nos fantasmes, le but étant d'exciter l'autre au maximum. On peut parfois se lâcher plus qu'avec un inconnu en chair et en os. Il y a moins de barrières, il n'y a pas celle du corps déjà, de savoir ce qui est faisable ou non sans avoir fait 15 ans de gym avant. On se permet plus de trucs dans les termes aussi. Au début, on est un peu timides, forcément, et puis après les mots plus crus viennent tout seul.
E. : " Genre quoi ? "Moi : " J'ai remarqué qu'au départ tu emploies souvent le mot générique " sexe ". Ça passe pour un mec ou une fille et ce n’est pas aussi niais que " foufoune " ou aussi formel que " vagin " par exemple. Et puis après, " bite", "chatte ", " gland ", ce genre de trucs. E. : " Ouais je vois. Et en quoi c'est mieux niveau plaisir que la masturbation de base ? Parce que dans l'acte en lui même ça ne change rien. "
Ce n'est pas forcément mieux, c'est différent. Ça reste du plaisir solitaire, il n'y a pas d'autre corps, pas de peau, pas d'odeur, pas de voix. Mais malgré tout l'échange existe puisque l'idée est de partager son intimité, ses fantasmes plus ou moins avouables avec un total inconnu, de jouer sur l'imagination de l'un et de l'autre, de découvrir ce qu'on est capable non pas de faire mais de dire, enfin d'écrire et de jouer là-dessus.
E. : " Et qu'est ce qui te bloque totalement dans ce genre de situation ? "Moi : " L'orthographe."E. : " L'orthographe ?!!! "Moi : " Bah ouais, c'est la base, le premier truc que tu calcules. Tu t'imagines raconter que t'as envie d'être prise sauvagement sur le bureau et lire : " Oué t tro bonne j'vai te bésé ms d'abor tu me susse" c'est complètement rédhibitoire, genre chute du désir en dessous de zéro, blocage instantané. "
Oui bon alors ok ça contredit ma théorie sur le QI un peu ce truc. Non que l'intelligence soit obligatoirement liée à la manière d'écrire, mais celui ou celle qui a toujours eu en dessous de 15 en dictée au collège a peu de chance de me retrouver en train de me tripoter derrière un écran.
* Ma copine E. sera d'une grande utilité puisque, vivant encore à l'ère du fax et du minitel, je dois assez souvent lui expliquer la vie en 2.0 et lui traduire des trucs qui me semblent évidents.