A Marine Story : un sujet fort pour un film appréciable

Publié le 18 mars 2011 par Yccallmejulie

Il y a quelques mois, je m’agaçais de la non-distribution en salles françaises de ce film LGBT qui aborde le sujet du DADT. A Marine Story est sorti en DVD le 15 mars dernier chez l’éditeur LGBT américain Wolfe video. J’ai donc enfin pu voir ce film et mon opinion est positive mais teintée de quelques regrets.

Dreya Weber interprète Alexandra, une Marine qui rentre au bercail – à savoir  une maison vide dans un coin tranquille des States. Elle a perdu sa mère lorsqu’elle était ado. Son père et son frère sont eux aussi dans l’armée et sur le front, en Irak. A peine arrivée, Alexandra chope un voleur, Burner (Deacon Conroy) au supermarché du coin et appelle la police. Elle signale au shérif  la présente d’une jeune femme, Saffron (Paris P. Pickard), la complice censée faire diversion, qui a pris la fuite. De retour dans la petite bourgade, Alexandra retrouve un ami d’enfance,  Leo (Anthony Michael Jones) et s’en va faire une virée au bar. Le lieu offre son lot de rednecks  qui ont du mal à avaler, après une partie de bras de fer qui tourne mal,  qu’une femme puisse être plus forte qu’eux. Par le biais de flash-backs, ont découvre peu à peu pourquoi Alexandra est revenue : l’armée a découvert qu’elle était lesbienne et comme le veut l’application du DADT (législation abolie en décembre 2010 par le sénat sous la pression d’Obama) elle est virée de l’armée. Ce n’est pas faute de l’avoir cachée cette homosexualité, notamment en épousant un soldat gay pour couvrir sa vie privée. Elle se fait coincer lorsqu’émergent des photos volées d’elle et d’une femme prises quatre ans auparavant. Notre héroïne, désemparée et qui noit son mal-être dans la tequila, retrouve Holly, sa grande copine de fac, et fait son coming-out. En parallèle, Alexandra se voit demander l’aide du shérif : la jeune Saffron, traumatisée par un accident de voiture qui a couté la vie à sa famille, risque la prison suite à l’incident du supermarché. Elle peut y échapper en s’enrôlant dans l’armée. Alexandra accepte de préparer Saffron aux tests de recrutement. Une relation amicale s’installe entre les deux femmes. La vie d’Alexandra semble presque naturellement trouver un sens, lorsqu’un redneck qu’elle a  humilié durant la fameuse partie de bras de fer, se met à la suivre et découvre le pourquoi de son retour…

La sculpturale Dreya Weber est parfaite pour le rôle et parvient, de par son physique et son jeu, à donner vie à un personnage très juste. J’apprécie la relation qui s’installe entre elle et la jeune Saffron. Elles ont en commun d’avoir perdu leur mère. Alexandra impose à Saffron une autorité naturelle dont la jeune femme  a besoin. Le film évite le cliché élève/Pygmalion, ne part pas dans une histoire d’amour (ce n’est pas le propos) et réussit à montrer une relation amicale/familiale plutôt subtile.

La force du film repose, bien sûr, sur son sujet d’actualité. A Marine Story fait partie de ces films qu’on ne peut pas ne pas aimer, ou du moins, apprécier. Ned Farr réussit parfaitement à rendre la mentalité d’Alexandra, soldat qui a sacrifié sa vie privée pour servir son pays. C’est forcément touchant de voir cette femme forte être traumatisée par ce qu’elle a du endurer pour s’épanouir dans une métier qui lui correspond pleinement. Exemple, la scène où Alexandra passe la nuit avec l’amie gay de Holly. Elle entend des bruits, récupère ses fringues et se planque dans un recoin de la chambre comme une bête apeurée. Son amante essaie de la rassurer : ce n’est que sa colocataire. La rencontre secrète dans un motel, entre Alexandra et son mari, qui vient remplir les papiers du divorce et lui explique, désolé, qu’il va devoir lui casser du sucre sur le dos pour couvrir ses arrières auprès de se supérieurs, est aussi un exemple de ces habitudes de vie que les soldats gays ont du adopter. Alexandra a totalement intégré le DADT,  obligation avec laquelle elle a appris à composer, qui la pousse à se plier au pire sans brocher. Le fait de construire un portrait très entier d’une Marine, totalement habituée à vivre avec le DADT, est ce qui donne sa force au propos. Alexandra a accepté de subir. Son incertitude pointe dans une seule et unique remarque qu’elle lance à son vrai-faux mari à propos des sacrifices qu’ils ont du faire : « cela n’en vaut peut-être pas la peine ». Et lui de répondre : « il faut que cela en vaille la peine ».

Mais, si je veux faire une critique honnête, je trouve que la résolution et le dénouement est moyen. Ned Farr, après un climax un peu poussif (la scène de confrontation entre Burner et Alexandra est assez lourde),  pose un happy-end (deux ans après) croulant de clichés. Qu’Alexandra, comme je l’ai dit, ne remette pas en question le fonctionnement de la législation est une chose. Mais que la jeune Saffron ne confronte pas son aînée sur le sujet lorsque celui-ci explose, et encore moins dans le final, c’est dommage.  Ned Farr se contente, dans son happy-end, de caser un plan sur la une de journal qui annonce la fin du DADT.

Alexandra est une victime, une victime consentante (certes par amour pour son métier) dont on ne connaîtra jamais vraiment le point de vue sur le sujet.