Lorsque 300 est sorti, à l’époque, je l’ai défendu, lorsque Watchmen est sorti, j’ai été bluffée par l’adaptation et la maîtrise visuelle de ce réalisateur. Donc, comme beaucoup, j’étais au taquet pour la sortie de Sucker Punch. Et ma déception est à la hauteur de mon attente : énorme.
[spoilers au cours de la critique, vous serez prévenus]
Au vu de la bande-annonce je n’espérais pas une intrigue profonde, et je me disais que la virtuosité visuelle de Snyder compenserait la chose. Effectivement l’intrigue en tant que telle est assez simple : une jeune fille, Babydoll (Emily Browning) vient de perdre sa mère, tue accidentellement sa sœur alors qu’elle visait son beau-père (Gerard Plunkett), un violent libidineux qui ne parvenant pas à la violer, se rabattait sur la cadette. Le méchant beau-papa avait les nerfs parce que son épouse léguait tout à ses filles. Il profite du drame pour faire interner notre héroïne, graissant la patte à un employé en chef, Blue Jones (Oscar Isaac), et ainsi récupérer l’héritage. Babydoll débarque donc dans un asile digne de celui d’Arkham city (petit clin d’oeil à Batman). Blue Jones contrefait la signature de la responsable, Le docteur Vera Gorski (Carla Gugino) pour envoyer la jeune fille subir une lobotomie cinq jours après son arrivée. Durant ces cinq jours, Babydoll va essayer de trouver un moyen d’échapper à ce fatal destin.
Pour alimenter cette intrigue, le réalisateur pose deux mises en abîme : fuyant cette réalité dramatique, Babydoll se projette dans un premier univers : celui d’un cabaret /maison close. Les internées sont désormais des danseuses formées par Vera, et dont le show est prétexte à les envoyer dans les bras de gros clients du super méchant maquereau, Blue Jones. Dans cet univers aussi, Babydoll cherche à fuir et, pour ce faire, doit récupérer 4 items (une carte, du feu, un couteau, une clé) + un 5eme dont on ne sait ce que sait. Elle réussit à convaincre quelques danseuses – dont la meneuse Sweet Pea (Abbie Cornish) et la soeur de cette dernière Rocket (Jena Malone), de l’aider dans son plan. Pendant les répétitions de danse, Babydoll subjugue son auditoire, ce qui fait diversion et permet aux filles, à tour de rôle, de récupérer les items nécessaires à l’évasion. Je vous préviens : on ne voit pas danser Babydoll. Elle se met à balancer, un zoom en gros plan sur son visage nous fait alors basculer vers un troisième univers. Seconde mise en abîme donc. Chaque action posée pour récupérer un item est sublimée dans une débauche d’effets visuels où les cinq filles, envoyées en mission par un mystérieux adjuvant dit Le Sage (Scott Glen), doivent affronter tout un tas de monstres, bêtes et autres robots. Pour ceux qui n’auraient pas suivi, un exemple avec l’item feu :
- dans l’asile, à peine arrivée, Babydoll repère un gardien qui a un Zippo.
- dans le premier univers fantasmé, le gardien est le maire de la ville qui fume de gros barreaux de chaise. Pendant que Babydoll danse pour lui, une de ses comparses, assise sur les genoux dudit maire, doit lui voler le Zippo en or massif qu’il tient dans la poche intérieure de son costume.
- au moment de la danse, on bascule dans le second univers fantasmé : nos héroïnes, partent en mission et doivent se faufiler à l’intérieur d’un château tenu par des orques et assiégé par des chevaliers ; tout cela, pour aller égorger un bébé dragon et récupérer au fin fond de sa gorge deux pierres qui, frottées l’une sur l’autre, produisent un feu magique.
Bon, maintenant, que je vous ai expliqué la structure du film, revenons-en à ce qui me déçoit : l’étouffement visuel. Le monde de l’asile est traité dans les gris et le sale. Le monde de la maison close , quant à lui, est plus flashy et caricatural, enfin le troisième est traité havane vintage (très jeu vidéo). Cette gradation, ma foi, est cohérente. Par contre, ce qui est excessivement pesant est la saturation visuelle du dernier monde : Snyder nous noie tellement dans les effets, les images de synthèse et le montage frénétique, qu’il perd, à mon humble avis, son spectateur. D’autant que l’univers qu’il propose aligne un condensé, comme on dit dans le sud « estouffe-garri » (étouffe chrétien), de ce qui nourrit l »esthétique fantasy/jeux vidéos : tout y passe, nazis zombies, robots vitrés, samouraïs métalliques, orques dégoulinants de bave. Je n’ai pas pris de plaisir à cette débauche. Je m’attendais à manger un bon gâteau et je me retrouve à être gavée d’une pâtisserie étouffante de crème chantilly, manquant m’étrangler sous le nombres de cerises que le réalisateur veut me faire avaler.
Mais surtout, surtout ce qui me déçoit est la représentation de la femme dans ce film. Cela fait un an que la promotion nous assène d’images de cinq jeunes femmes hyper sexy en costumes de super-héroïnes, super armées et super fortes. De quoi penser : Xena, Buffy et autre Black Mamba, retournez dans vos chaumières, les filles de Snyder débarquent et ça va faire mal. Mais si on analyse ce qui est montré, les femmes de Sucker Punch ne sont pas du tout, du tout des figures fortes. La chute est la suivante : le plan non seulement échoue, et seule une des héroïnes s’échappe. Ce qui, dans le second univers, correspond au moment de danse est une parabole pour signifier que, dans l’asile, les internées sont violées par le méchant Bleu Jones et ses acolytes. Premier constat : ces cinq femmes, fantasmées en héroïnes, sont en fait des victimes (et boivent la coupe jusqu’à la lie). Deuxième constat : les mises en abîme sont censées être une porte de sortie mentale pour les personnages, une sublimation de leur volonté d’évasion, or comment cela se traduit-il ? Par la présentation de deux fantasmes dignes d’un adolescent geek qui se b… devant des mangas érotiques (je sais, j’y vais fort). Il n’y a dans ce film aucun respect pour les personnages féminins. Non seulement elles sont asservies (l’asile), avilies (la maison close) mais aussi transformées en pure poupées animées qui se démènent dans un monde qui, au lieu d’être en cohérence avec leur caractère (je rappelle que c’est babydoll qui rêve ces univers), renvoie à un amoncellement de fantasmes masculins. Pour moi, c’est là que le bas blesse. Les mises en abîme ne sont pas liées aux personnages, des femmes, mais aux propres projections de Snyder qui y fourgue tout ce que lui, un homme, aime dans les films fantasy, les jeux vidéos. En guise de femmes fortes, on a, au finish, un ensemble de jolies filles sans caractère aucun (à part un vague background pour les deux sœurs, les personnages sont creux) manipulées par les personnages masculins du récit mais aussi par le réalisateur qui les maintient, dans sa façon même de les traiter, dans cette imagerie de « minettes » stylisées et trop « bonnes ». Bonjour les héroïnes!
Bref, je préfère oublier rapidement ce film de Snyder et espère qu’avec son prochain projet (le re-remake de Superman), il parviendra à me faire à nouveau apprécier son travail.