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Jour 60

Publié le 10 mai 2011 par Miimii
Jour 60

Franchement, avec tout ce qui se passe dans le pays, j’ai du mal à respirer. Je me sens étouffée, je fais de grosses crises d’angoisse et de confiance. Tout perd son sens quand on ne sait plus qui croire. En général, il faut avoir un repère, un décideur, un leader, un mentor, un mécène ou dans les cas extrêmes un dictateur. Bon le dictateur, l’histoire nous a montré que ce n’est pas pour nous, maintenant il nous faut des réponses à nos « pourquoi ? ».

Qui dois-je suivre ? J’ai perdu tous mes repères... Professionnellement, Samuel a complètement changé d’attitude depuis que je suis « straight ». On continue de bosser ensemble, mais c’est une vraie épreuve, nerveusement, de faire face à ses sauts d’humeur et ses états d’âmes de mâle blessé dans son égo. Je sens qu’il me pousse à lui courir derrière, et malgré moi, je le fais en mettant mes intérêts devant mes yeux, comme un âne avec la carotte. Il faut ce qu’il faut, ce qui me met en rogne contre lui, mais on verra ça plus tard quand mes projets seront sur pieds. Chaque jour de souffrance me ramène un peu plus près du but et ça calme mes ardeurs, même si je l’avoue j’ai parfois des envies de meurtre sur Sam ou les intermédiaires.

Le soir du jour 59, je disais à D. que j’avais besoin d’un ami. Il m’a rappelé immédiatement, j’entendais la musique derrière lui, il était en soirée. Je lui dis que je n’ai rien de grave mais j’avais pas forcément envie de rester seule. Au son de ma voix, il a bien compris qu’il ne s’agissait pas du tout d’un appel coquin mais plutôt un appel de détresse contre ma solitude. Il me demande si je souhaite le rejoindre ou à défaut qu’il me rejoigne chez moi après sa soirée. Je refuse tout de go, mes démons du passé me laissent croire qu’il est en charmante compagnie et je refuse de sentir sur lui un parfum féminin tout en étant, sa deuxième mi temps.

Je suis une fille incurablement paranoïaque et il faut se l’avouer la situation accroît mes névroses. Je me suis endormie seule, redoutant d’entendre encore des tirs en l’air ou des membres de comités de quartier qui sifflent pour s’appeler à la rescousse. On est au mois d’Avril et j’ai l’impression d’être seule un 15 janvier. Malgré ça, D. est venu me sortir de mon sommeil matinal puisque la nuit noire ne m’a pas laissée fermer l’œil. Il m’a ramené un « chocolat amande » du Gourmet, ma viennoiserie préférée. Il a préparé mon café et m’a poussée jusque dans la douche pour qu’enfin je me réveille et puisse émettre le moindre son.

D. est maniaque du rangement. Quand je sors de la douche, il est en train de remettre de l’ordre dans le salon, il ne supporte pas les coussins posés de travers. Ce qui comme d’habitude me fait éclater de rire...On se cale sur le canapé, je suis encore en peignoir de bain les cheveux mouillés.

« Tu dois aller au bureau ? »

Mon esprit tordu voyait déjà mon peignoir humide jeté par terre comme une vulgaire serpillière et les vitres de la terrasse embuée... à la Titanic... Je souris, en me mordant les lèvres parce que je me rends compte que je gamberge trop. « Pourquoi ? »

« Je sais pas, je me disais qu’on pouvait bosser d’ici. Je bosse sur mon dossier de sponsoring pour l’évènement culturel dont je t’ai parlé, et je me disais que tu pouvais me donner des idées ? »

Je me sens toute bête, mais super tentée par la proposition... J’aime bien partager des trucs avec lui, je me sens grandir. Je suis contente quand il me demande mon avis alors je m’applique.

On s’est installés chacun devant son ordi au salon et on a commencé à travailler.

Des heures plus tard, nous étions encore là, et je n’ai pas vu le temps passer. J’étais concentrée et il l’était aussi, et du coup nous n’avions pas eu le temps de penser à autre chose. Je lève les yeux à un moment et je le regarde. Je le trouve beau et même si physiquement il n’est pas la perfection même, il est parfait pour moi... et il lève la tête pour plonger ses yeux dans les miens et me sourire. Oh mon Dieu, ce sourire.... je l’aime ce sourire.

Il me dit « Tu vois ce n’était pas si mal ce deal d’amitié... » Comme s’il me taquinait pour me dire qu’il a bien compris que mon regard était rempli de bien plus d’amour que de désir. « Je veux que tu me regardes toujours comme ça, même si je dois rester ton ami jusqu’à la fin de nos jours. C’est incroyable comme ce que tu ne possèdes pas peut avoir un pouvoir sur toi.»

Je lui dis « J’aimerais que tu m’aimes... et je pourrais t’aimer en retour... Et avoir confiance en toi »

« Je te répète la même phrase... Qui de nous deux aimera le premier ?... On verra bien. »

Sonnerie Skype « Samuel is calling »

D. regarde mon écran, « Décroche ».

Je m’exécute...

« Oui, salut... »

« Bien et toi ? »

« Je suis chez moi »

« J’étais dessus justement, je peux te l’envoyer en fin de semaine, mais je dois faire le plus gros aujourd’hui... Je serais prise le reste de la semaine, c’est la fashion week, j’ai quelques contacts à voir là bas.»

« Mon vol est mardi dans la matinée, j’aurais finis les deux avants, et tu auras tout, y compris la réponse pour le local, je viens d’avoir Mohamed, c’est presque bouclé avec l’entrepreneur... »

« Ah donc tu viens le 12 mai, Ok pas de souci... Non, je ne pense pas. »

« Je pense que c’est jouable, si tu m’envoies des échantillons d’ici là. J’ai contacté Fares, il semble intéressé pour une ligne. Bref, je t’envoie un rapport détaillé avant de partir et comme ça tu peux gérer en mon absence, même si je serais joignable en cas d’urgence. »

« Je vais chez les filles d’abord et ensuite on va à Marrakech... Oui, sûrement dans une dizaine de jours, j’ai un billet ouvert. Je dois avancer sur ma recherche, j’essaierais de me concentrer.»

« Tu vas voir les Saadi ? ... Oui, j’ai prévu de les voir aussi comme d’hab’... bon... je dois te laisser on reste en contact. Bonne journée. ... 19h ? Ok c cool... a+ »

Je raccroche et j’enlève mon casque l’air de rien, D. est plongé dans son laptop, il ne dit rien.

Je continue de taper sur mon clavier ce silence est pesant, je dois le briser, mais vu que les idées se bousculent dans ma tête, je n’ai pas pu mettre la main sur mon imagination, habituellement débordante. « Tu n’as pas faim ? J’ai envie de sushis. »

Il marmonne, « Bonne idée... Je vais t’en chercher »

« Non, je peux venir avec toi, on va téléphoner, on va les chercher dans 20 minutes »

Il marmonne encore « Comme tu veux. »

On sort et en voiture on arrive enfin à briser la glace. Il me dit « Tu pars en voyage ? »

« Oui, dans quelques jours, j’ai besoin de vacances, mais ça t’embête ? »

« Non, ce qui m’embête c’est qu’il le sache et apparemment il vient aussi »

« Mais non, il ne vient pas... Mais il va souvent au Maroc lui aussi, il y a beaucoup d’amis. »

« Mais il fait exprès d’y être quand tu y es ? »

« Arrête de te faire des films, et même si, je me suis jamais posé la question, c’est toi qui réfléchis trop. Arrête de me torturer, on n’est qu’amis t’as oublié ? »

L’interrogatoire commençait à me donner chaud aux oreilles, j’étais gênée de répondre sur un sujet aussi saugrenu et sur lequel je n’avais rien à dire, parce qu’honnêtement je n’y ai pas pensé de la sorte.

« Ecoute, j’avais prévu comme chaque mois d’Avril de partir voir les filles à Barcelone et de partir ensemble à Marrakech, j’y allais déjà quand j'avais 10 ans, quand Sam y allait également avec mes parents, alors arrête de te faire des films et surtout de voir le mal partout, ce n’est pas mon ex et ce n’est pas non plus une histoire en instance, ce n’est que mon associé ... tant qu’on ne dépassera pas ce sujet on aura du mal à avancer... » J’étais plutôt calme mais ferme, je n’avais pas l’intention de vivre le dilemme des deux côtés. Sam qui fait son snob et D. qui me la joue jaloux, je ne vais pas tenir longtemps.

« Bon, ... n’en parlons plus... On va déjeuner. »

On a déjeuné en rigolant comme des petits fous sur ma terrasse, les beaux jours sont là autant en profiter. Et nous nous sommes endormis l’un dans les bras de l’autre, comme de bons amis, devant un film. Je ne sais pas à quel moment, il est parti. Je me suis réveillée, j’ai continué de travailler, sans penser à quoique ce soit d’autre, je pense que j’ai envoyé mon dernier mail aux alentours de 4h du matin et je me suis recouchée devant la télé au salon jusqu’au matin.

Nous avons continué à nous voir fréquemment, comme ce jour là. En bons amis, sans avoir de compte à se rendre et sans se mettre la pression. Il m’a accompagnée à la fashion week, j’avais choisi de l’emmener pour le défilé d’Ahmed Talfit qui était tout simplement à tomber. Il a beaucoup aimé et surtout de partager ça avec moi. Il m’a dit en rentrant, que j’étais comme une petite fille devant un rayon poupées Barbie, mes yeux étincelaient de bonheur... Ce qui est vrai, j’adore le design et les inspirations.

Et le matin du départ, je me suis réveillée dans ses bras, il ne s’était rien passé entre nous tout ce temps. Et dans l’avion j’avais encore son odeur sur moi. Il est devenu le meilleur ami dont je suis secrètement amoureuse.

Je n’allais pas le voir pendant au moins une dizaine de jours. Mine de rien, il fallait que je me désintoxique avant que l’amour que j’ai pour lui ne devienne une addiction. Mais je pensais à lui à chaque fois que je voyais quelque chose de beau, de sympa... Notre histoire c’est comme un couple mais en mieux. Je souris à chaque fois que je pense ça et je déchante chaque fois que je me connecte sur FB et où je me rends compte que tout le monde a pensé à moi sauf lui. Au bout de 48h, j’ai réalisé que j’étais triste de ne pas avoir de ses nouvelles et j’ai décidé de me sevrer et de ne plus me connecter.

Je me suis concentrée sur mes amis et les souvenirs d’enfance que j’avais ici, je suis heureuse quand je suis là... et puis il y a eu l’attentat du Café Argana. On n’a rien vu et rien entendu, ce n’est que quand l’info a été relayée que nous avons appris ce qui s’était passé à quelques kilomètres de nous. Ma mère s’était déjà imaginée que j’étais morte et signalée avec les français. Elle était presque dans l’avion quand je l’ai appelée pour lui dire que j’étais encore en vie.

Si la mère de Rym ne m’avait pas contraint de le faire, je l’aurais laissée venir jusqu’au Maroc pour savoir à quel point elle m’aime. #TraumatismeD’Enfance

Et quelques jours après, j’ai décidé d’écourter mon séjour parce que les marocains se mettaient à vivre la psychose du 14 Janvier alors que j’étais venue là pour oublier un peu, justement.

Jusqu’à l’aéroport, je ne m'étais pas connectée, et quand je l’ai fait, j’ai découvert la psychose dans laquelle j’ai plongé mes amis qui savaient où j’étais et les autres... Mes amis les plus proches m’ont appelée ou ont appelé ma famille, mais les autres... comme D. s’est limité, faute de moyen, à m’envoyer des messages sur tous mes mails, comptes fb et twitter et tout ce que j’aurais pu consulter pendant mon séjour. Il avait l’air extrêmement inquiet et tétanisé à l’idée qu’il me soit arrivé quelque chose du fait que je ne répondais pas. ça a flatté mon égo et m'a rassuré, j'étais folle de joie à l'idée de le retrouver. J'étais presque sûre de pouvoir m'engager avec lui...

Je m’apprêtais à lui répondre, mais comme je rentrais, je me disais que je l’appellerais en arrivant à Tunis, ce que j’ai fait quelques heures plus tard, mais il n’a pas décroché.


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