Hier, pour l’ouverture de la Gay Pride fait son cinéma, j’ai pu assister en avant-première à la projection du dernier film de Gaël Morel, Notre Paradis. Premier constat la salle n’est pas pleine (serait-ce la réputation du réalisateur à la filmographie pas toujours facile d’accès qui a frappé?). Deuxième constant : l’audience est majoritairement masculine (dommage). Je me cale dan le fauteuil de la très jolie salle du Gaumont Capucines dont le style Art Déco es tout à fait charmant. Bref, le film commence.
[Spoilers]. Et la première scène est plutôt bluffante. « Une vieille », comme il se définit, monologue fasse à un gigolo qu’il a levé au bois de Boulogne. Le dit Gigolo, c’est Vassili (Stéphane Rideau). Il est posé sur le canapé, la chemise ouverte, silencieux, avec une présence animale qui rappelle le Brando d’Un tramway nommé Désir, le bidon proéminent en plus. Petit détail de poids, si je peux me permettre, puisque le thème du film c’est le vieillissement. D’entrée de jeu, Gaël Morel pose les jalons de sa thématique. La vielle fait remarquer à Vassili qu’il a bien raison de mentir sur son âge (Vassili dit avoir la vingtaine alors qu’il affiche clairement la trentaine). La vieille veut prendre son temps pour bander – ce qui est le privilège justement des vieilles, met un disque de Roy Orbinson et va se rafraichir dans la salle de bain. Vassili se lève, et de sa présence massive rejoint son client pour… l’étrangler.
La réalisation est percutante, la scène originale. Et puis, on enchaîne sur une séquence qui, pour le coup, semble être filmée plus à va vite. Vassili repasse au bois de Boulogne et tombe sur un jeune blond qui s’est fait agresser. Vassili le ramène chez lui, le baptise Angelo, s’émerveille de la douceur de sa peau, l’héberge, le fait bosser avec lui, le regarde dormir. C’est le début d’une histoire d’amour entre deux putes. L’une sur le déclin, l’autre sans passé, qui à cette jeunesse dont tous les gays du film semblent vouloir jouir le temps d’un ébat. Le couple fait équipe pour baiser, pour voler leurs clients mais Vassili ne peux refréner ses pulsions meurtrières. Sans entrer plus avant dans les détails, les deux héros doivent fuir Paris.
Ceci étant posé, je dois dire que ce film ne m’a pas remué, malgré son sujet a priori bien lourd. Si certaines scènes m’ont plu, celle d’ouverture, les plans moyens sur le visage et le corps alourdis de Béatrice Dalle (ancienne serveuse du Queen et à l’époque amie/amante de Vassili qui est rentrée vivre chez sa mère à Lyon lorsqu’elle est tombée enceinte), je suis restée à l’extérieur du film. J’ai d’abord un problème de tension. Ainsi, il n’y a pas de gradation dans la façon dont sont montrées les pulsions meurtrières de Vassili. Il tue comme ça, comme s’il s’agissait d’un acte gratuit (mes voisines de fauteuils se sont d’ailleurs faits la réflexion : pourquoi il tue?). Intellectuellement, on comprends qu’il tue ces vieux clients qui salissent la jeunesse d’Angelo, qui représentent (peut-être) ce qu’il redoute de devenir. Emotionnellement, j’aurais aimé être embarquée dans la fureur du personnage.
Si ce film ne m’a pas remué, c’est aussi parce qu’il n’est pas fait pour me plaire (ce qui n’est pas un reproche, entendons-nous bien, c’est juste un constat). Notre paradis est un film pour les gays qui aborde de surcroît, un milieu (le monde de la nuit, les gigolos et la baise) qui concernent seulement une partie de la communauté homo. Je reste sur un sentiment de décalage, certes intéressant, mais aussi un sentiment d’étrangeté. Ça me rappelle une anecdote que d’autres ont peut-être vécu. Je me promenais avec une amie dans le Marais et nous sommes entrées dans un bar d’où il n’y avait que des gays. Nous n’avons pas été mal reçues ou regardées de travers. Nous n’existions tout simplement pas. Ce n’était pas notre place que d’être là. Nous avons donc bu notre verre en observant 10 minutes cet univers clos où les gens avait l’air de s’amuser puis nous sommes parties poursuivre la nuit ailleurs. C’est un peu ce qui s’est passé avec Notre Paradis. J’ai observé mais je ne suis pas parvenue à entrer dans le film, et ce n’est pas faute d’avoir essayé. Je garde malgré tout une forte impression de la scène d’ouverture et le charisme de Stéphane Rideau en gigolo vieillissant est saisissant (je pense notamment à un travelling arrière où on le voit posé nu, sur un lit, fumant une cigarette -seul avec ce corps qui commence à le trahir).