Toutes deux, nous avions conservé le même enthousiasme pour l'immense liberté exprimée par Catherine Millet. La France découvrait alors entre scandale et fascination le texte soufflant d'une femme qui, sans pudibonderie ni honte, exposait sa sexualité si singulière.
Permissive, pas transgressive. L'époque était à la reconnaissance des droits des homosexuels, à la pilule du lendemain, à la réforme de l'IVG, au divorce moins violent.
En 2011, dix ans après, « l'affaire DSK » entraîne dans son sillage une exigence nouvelle de transparence en matière de mœurs, de normativité, et la tentation d'un puritanisme qu'on pensait cantonné outre-Atlantique.
Alors nous avons pensé à Catherine Millet. Nous avons voulu l'entendre sur « l'affaire » mais pas seulement. Elle nous a reçues dans son bureau au magazine ArtPress. Simplement, presque étonnée. Une heure et demie durant, nous avons parlé de sexe, de féminisme et de cette drôle de décennie qui a suivi la publication de « La Vie sexuelle ».
Traversées aux côtés de son compagnon – l'écrivain Jacques Henric – ces dernières années ont été celles de la découverte de la jalousie, du vieillissement, et toujours de cette formidable liberté de son corps, de sa parole, de son sexe.
Rue89 : Vous avez publié « La Vie sexuelle de Catherine M » il y a tout juste dix ans. Qu'est-ce qui a changé depuis dans la perception du sexe en France ?
Un puritanisme revendicatif s'est répandu. En 2001, mon livre avait déclenché des polémiques, mais le public lui avait fait un succès. Est-ce que ce serait possible aujourd'hui ?
Comme d'autres de ma génération, je sens une régression dans la société sur tout ce qui touche à la sexualité. Même Libé titre en une que la France est en retard dans la condamnation du harcèlement sexuel !
C'est après l'affaire DSK…
Oui. Le Libé que j'ai connu il y a longtemps était plus ouvert sur les questions de mœurs.
Cette décennie a vu s'épanouir Virginie Despentes, Catherine Breillat…
Ce sont des femmes qui ont pris la parole il y a déjà un certain temps… Je suis en contact avec des artistes plus jeunes, la petite quarantaine, qui travaillent sur la sexualité, la représentation du corps. Il y a par exemple une jeune vidéaste qui m'intéresse beaucoup, Clarisse Hahn, qui se manifeste surtout dans le milieu des galeries, des musées.
Elle fait un long-métrage, « Kurdish Lover », qui sera bientôt diffusé en salles. Clarisse avait aussi fait un film avec Ovidie [ex-actrice de films X et auteur du livre « Porno manifesto », ndlr], malheureusement interdit de diffusion par l'intéressée, et tourné Karima, un documentaire sur une jeune maîtresse SM.
C'est une exception ?
Pour les gens de sa génération, oui. Je rentre de la Biennale de Venise, ce qui domine c'est le propos politique, la question des nationalismes, les immigrés… Le pavillon danois avait choisi pour thème la liberté d'expression et invité des artistes de différentes nationalités. Il n'y avait pas beaucoup de sexe.
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Dix ans après, Catherine Millet vous reparle de sexe (et d’amour) is a post from: Charmes Actus Hebdo