Too Much Pussy ! : le corps, cette chose jouissive

Publié le 07 juillet 2011 par Yccallmejulie

Hier au soir, j’ai voulu élargir ma culture LGBTQ et je suis donc allée aller voir Too Much Pussy! feminist sluts in the Queer X Show, le film-doc d’Emilie Jouvet. J’étais intriguée parce qu’il fait bien le dire, il y a plus d’une décennie de cela, lorsque je sortais dans le milieu lesbien, le Queer n’était pas du tout à la mode, on ne se préoccupait pas de la question de genres ou du moins, elle s’exprimait à un niveau des plus basiques : « t’as les cheveux longs et les ongles faits, tu n’es pas lesbienne » ou « tu portes une chemise à carreaux, tu es butch ». Bref… je voulais en savoir un peu plus. A priori, je suis en plein dans la cible d’Emilie Jouvet qui dit avoir voulu faire un film grand public : « lorsque j’ai eu l’idée de faire ce film avec Wendy Delorme, notre espoir était qu’il soit vu par un maximum de gens, quels que soient leur genre, leur milieu, leur orientation sexuelle. On avait envie de faire partager ce moment d’intimité entre artistes, et surtout de faire entendre la parole de ces femmes ».

C’est donc open-minded que je me suis présentée au MK2 Beaubourg à la séance complète de 20h30. L’ambiance était sympa, avec un public tendance branchouille quand même et, me semble-t-il, connaisseur. Mais venons-en au film. Le générique, photo-montage animé, donne le ton : c’est gay, fun avec une musique rythmée et entrainante (à ce propos, la bande son est vraiment très bien et j’aurais aimé savoir s’il y a ou aura un CD). On déboule dans un univers étrange, celui d’un milieu underground où le sexe est outrageusement joyeux et revendiqué comme militant. Pendant 1h38, on suit les pérégrinations européennes (Paris, Bruxelles, Berlin, Copenhague, etc) d’une troupe de feminist sluts (salopes/baiseuses féministes) performeuses : une ancienne danseuse de peep-show (Mad Kate), une DJ (Metzgerei), des actrices X (Judy Minx et Madison Young), une travaille du sexe écrivaine (Wendy Delorme), et une artiste inclassable (Sadie Lune). Emilie Jouvet reste hors-champ. Dans un mélange parfois brouillon, la réalisatrice filme les délires inhérents à tout road-movie (arrêt à la station service, siestes dans le van surchargé, backstages), les performances des artistes qui évoluent à chaque représentation, et les à-côtés sexuels de cette virée. Le tout dégage une tonalité très joyeuse : ces filles se marrent, s’entendent bien et, on sent à l’écran, que cette expérience éphémère (la troupe a été montée spécialement et uniquement pour ce show) a motivé leur créativité.

Maintenant, de mon point de vue de novice, je reste un peu perplexe. Je n’ai jamais lu les théories Queer de Judith Butler ou Annie Sprinkle sur lesquelles s’appuient les performeuses pour évoquer leur démarche féministe. J’ai donc du mal à replacer le raisonnement dans un ensemble. Le documentaire ne me donne pas suffisamment de contexte. Exemple : Sadie Lune, fait une performance, « le cervix show », dans laquelle elle invite les spectateurs/trices à examiner son vagin qu’elle expose à l’aide d’un spéculum. Dans le film, cette scène ne se passe pas pendant le spectacle mais en plein jour dans une communauté Queer où dort la troupe. On voit donc les personnes en présence examiner, munies d’une petite lampe, le vagin en question. J’apprends, pendant le débat qui a suivi la projection que, pendant cette performance, Sadie Lune explique l’histoire de l’oppression des femmes dans l’histoire de la science gynécologique. Tout de suite, le démarche prend un sens. Mais tout ceux que je vois dans le film, c’est surtout la partie jambes écartées. Pour simplifier, je dirais que le film met l’accent sur la provocation (je montre des corps qui suent, souffrent ou jouissent) et pas assez sur l’explication. Au cours d’une séquence, les performeuses reviennent sur leurs fantasmes, comment elles se sont libérées de la culpabilité liée à ces fantasmes en les pratiquant (ainsi, la sodomie pour Mad Kate, le fisting pour Wendy Delorme, etc). Mais, je m’en fous de leurs fantasmes. Ce qui m’intéresse c’est de savoir comment elles en sont arrivées à vouloir créer et militer par la mise en scène desdits fantasmes. J’aurais voulu voir un peu plus comment les performances respectives de chacune (basées sur des thématiques personnelles, comme le sang pour Mad Kate) se télescopent, se construisent pendant la tournée. J’aurais aimé savoir quelle fut la réception du Queer X Show auprès d’un public non LGBTQ ou gay-friendly?  A un niveau tout personnel (qui n’est pas une critique, juste un retour), la réification du corps comme objet de militantisme et de jouissance me gêne en ce sens qu’elle est incompatible avec la notion d’appartenance. J’aime que le corps de l’autre m’appartienne (au sens où moi seule ai accès à son intimité) et j’aime que le mien appartienne à l’autre.

Je ne regrette pas d’être allée voir le film, qui malgré ses maladresses, nous fait entrer dans l’univers jouissif et bon enfant de cette troupe de joyeuses baiseuses. Pour autant, je reste frustrée de ne pas avoir suffisamment eu de moyens pour décrypter le discours. Si le film-doc d’Emilie Jouvet balance, parfois en pleine poire, le résultat de la démarche de ces artistes, il propose une parole un peu trop brouillonne à mon goût. Pour militer, il faut aussi expliquer (je vous conseille d’ailleurs d’aller voir sur Youtube les divers makings off du film dans lesquels les performeuses s’expriment : Sadie Lune, Madison Young, Wendy Delorme, Judy Minx, Mad Kate). J’ajouterai que le point positif du film est de prouver au moins une chose : ce que ces artistes font de leur corps est peut-être choquant/intriguant mais pas dégradant.