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Inventions nouvelles et délicieusement incorrectes # Gaston de Pawlowski

Publié le 21 août 2011 par Lamusegalante

« Les inventions nouvelles » de  Gaston de Pawlowski (1874-1933) sont d’une impertinence jubilatoire et indémodable. Figurez vous qu’il croqua avec un brin d’humour satyrique et une plume facétieuse les nouveaux gadgets de la  société de consommation, encore à ses balbutiements au tout début du XXème siècle.

Ses inventions imaginaires, écrite  pour une rubrique dans le journal le Rire Rouge sont bizarres, loufoques, burlesques, baroques, complètement inutiles, parfois totalement incorrectes, mais toujours poétiques et jouissives à la lecture. On se prend d’affection  pour ses objets absurdes qui pour certains pourraient bien un jour exister.

Inventions nouvelles et délicieusement incorrectes # Gaston de Pawlowski

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Extraits choisis délicieusement incorrects

Le réticule adultérin est un petit nécessaire ingénieux et discret construit et livré à des prix très abordables par la grande maison, d’accessoires Old Scratch, de- Londres. Il peut rendre de très grands services aux personnes surprises en flagrant délit d’adultéré. Il peut même — l’expérience l’a prouvé — leur sauver la vie.

Ce nécessaire, en bois d’Orient, bariolé de riches et voyantes couleurs, contient: Deux mètres de soie jaune ; Une petite flûte exotique; Un paquet de safran.

Une brochure explicative se terminant par un vocabulaire indiquant l’a prononciation éventuelle de quelques mots hindous. Au moment où le commissaire de police frappe à la porte de la chambre incriminée la. dame, suivant la coutume, se blottit silencieusement sous la couverture du lit et la crainte l’agite de légers mouvements convulsifs.

Son complice, de son côté, sans perdre de temps, enroule autour de sa tête l’étoffe jaune, la dispose en forme de turban, se frotte rapidement le corps avec le safran, s’assied par terre, les jambes croisées, et se met à jouer de la flûte. Après les sommations d’usage, lorsque le commissaire de police pénètre dans la chambre, le pseudo-Hindou fait entendre de plaintives protestations :

— Bon chef blanc, toi pas prendre jolis serpents venimeux à moi sous couvertures, seule richesse pour faire des tours dans cirque.

Les mouvements de la couverture s’accentuant toujours à l’entrée du commissaire, celui-ci, terrorisé, se retire sans plus insister, referme lui-même la porte et affirme au monsieur trompé qu’il a été victime d’une erreur. C’est simple et peu coûteux, l’appareil emballé et franco de port ne dépassant point le prix de 30 francs, modèle courant, et 35 francs, modèle enrichi de pierres fausses.

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Encore une mode bien américaine, que l’on essaie de lancer sur nos plages. Sera-t-elle adoptée? Il faut espérer que non, car, si elle satisfait aux goûts excentriques des transatlantiques, elle ne peut que blesser la finesse naturelle des races latines. Il s’agit de la nouvelle mouche vivante que les élégantes de New-York fixent par une patte sur leur joue, un peu à côté de la bouche. Cela procure, paraît-il, des sensations très « exciting » et signifie, grâce à un symbolisme, disons-le, un peu grossier, que l’on peut s’approcher sans crainte de cette bouche charmante. Nous voilà, bien loin de la délicieuse mouche de nos grand-mères. II faut espérer, répétons-le, que cette absurde excentricité n’aura aucun succès chez nous

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Le Mêphistophone bas parleur est une curieuse petite invention qui, certainement, est appelée à remporter un succès considérable. A peine l’a-t-on annoncée que déjà les commandes affluent de toutes parts. Cet appareil, simple autant qu’ingénieux, se compose d’un petit phonographe de forme spéciale qui se dissimule dans la coiffure et dont les récepteurs aboutissent discrètement aux oreilles, en passant sous les cheveux ou sous les brides d’un chapeau. Un peu de coton dans les oreilles cache parfaitement l’arrivée des deux petits tubes. Le Mèphistophone chuchote, au choix du client, soit des chansons grivoises, soit des propos galants. Les paroles ne peuvent être perçues que par la personne munie de l’appareil.

On peut ainsi passer d’agréables moments, soit à l’église — d’où le nom de l’appareil — soit dans des cérémonies officielles ou dans des salons poétiques. On aurait tort de taxer ces petits appareils d’immoralité, comme on l’a fait tout d’abord, puisqu’ils évitent, particulièrement aux jeunes filles, d’écouter des propos galants réels et qu’ils ne procurent, en somme, qu’un divertissement sans conséquences graves. Depuis que ce petit appareil a été inventé, d’innombrables envois en ont été faits — du reste d’une façon fort discrète, — dans les milieux les plus divers. Ce sont particulièrement des femmes mariées, en butte aux discussions ménagères, des magistrats exposés à d’interminables audiences, qui réclament ce petit appareil. Son succès ne fait pas de doute. Il est, en somme, fort légitime, à l’ennuyeuse époque où nous vivons.

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 Il arrive fréquemment, particulièrement dans les bals officiels, que de galants cavaliers pincent discrètement ces faux appas que les dames portent aujourd’hui, un peu partout, sous leurs vêtements, et qui leur donnent ces charmes avantageux qu’une nature marâtre leur refusa. Cela ne va pas sans de sérieux inconvénients pour la dame, qui ne peut, naturellement, s’en apercevoir. Si c’est une femme honnête, son indifférence peut paraître équivoque. Si c’est une demi-mondaine, elle peut manquer une occasion d’avenir.

Le cri-cri pinçon est un petit appareil à musique fort simple qui se place à l’intérieur des faux appas aussi bien sur une poitrine artificielle que dans un  faux mollet et qui imite à merveille le cri effarouché que doit pousser toute jeune femme que l’on vient de pincer. Le cri-cri-pinçon avertit tout en même temps le monsieur trop galant et la dame qui est l’objet de ses poursuites. Il est indispensable dans une toilette moderne bien comprise.

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 Une innovation autrement touchante et amusante sera introduite à la même époque, dans tous les bureaux de poste de France. Sur chaque pupitre sera attaché, avec une ficelle, un petit chien lécheur destiné à humecter avec sa langue les timbres que l’on désire coller sur les lettres. Le dressage de ces petits chiens n’a pas été une mince affaire! curieuse on y est arrivé, paraît-il, en leur montrant des timbres de Terre-Neuve, représentant un chien du pays.

A ce spectacle, les petits chiens lêcheurs se sont empressés de lécher, avec des larmes dans les yeux, le derrière du timbre. Puis l’habitude une fois prise, les petits chiens lêcheurs ont continué le même travail, sans y prendre garde, sur les timbres ordinaires représentant la Semeuse.

Cette heureuse innovation, qui sera bien accueillie de tous les contribuables, a été, du reste, l’objet d’une sévère réglementation. On craignait, paraît-il, des abus dans les bureaux de poste, et l’usage des petits chiens lêcheurs sera exclusivement réservé à l’affranchissement des lettres du public. Tous les soirs, à la fermeture du bureau, le petit chien lécheur sera immergé pendant quelques minutes dans un bain d’eau chaude pour le dégommer; puis, soigneusement séché, il pourra rendre d’utiles services, la nuit, comme chien de garde.

On a bien parlé d’une protestation de la Société protectrice des animaux, mais c’est là un bruit que nous sommes autorisé à démentir, et les petits fonctionnaires émargeront au budget dès la fin de cette année.

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 Signalons avec plaisir la nouvelle robe secrète à double agrafage pour dames du monde, que lance un grand couturier parisien, pour sa seule clientèle.

Cette nouvelle robe s’agrafe normalement dans le dos, comme la plupart des autres robes, mais possède sur le côté un second système d’agrafes, entièrement dissimulé sous un minuscule galon. Cette robe est destinée à donner toute satisfaction à certains maris soupçonneux qui désirent, le matin, agrafer eux-mêmes la robe de leur femme, pour la dégrafer eux-mêmes le soir et constater ainsi que rien n’a été modifié dans la journée aux petites combinaisons fantaisistes qu’ils ont cru devoir apporter personnellement dans l’agrafage.

La nouvelle robe permet, grâce au second agrafage, de ne rien changer aux dispositions prises et donne ainsi satisfaction à tout le monde. C’est là un innocent subterfuge, analogue au double allumage si apprécié des automobilistes, et qui sera bien accueilli de tous. Il mettra quelque union, cette année, nous en sommes convaincu, dans la plupart de nos ménages parisiens

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On vante beaucoup dans les milieux élégants la nouvelle petite glace limousine, que les modistes adjoignent aux grands chapeaux de leurs clientes.

Elle leur permet de Voir les gens qui les suivent, de même que les chauffeurs d’automobile, grâce à la même petite glace, peuvent voir les voitures qui, sont derrière eux. C’est ingénieux, coquet, et permet  de conserver une attitude digne tout en recueillant des renseignements indispensables

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 Une petite invention qui sera fort goûtée de tous nos jeunes gens en villégiature, c’est celle de la nouvelle balle de tennis renfermant, dans un petit logement ultérieur, un modeste cri-cri. Lorsque la balle s’égare dans les hautes herbes, il suffit d’écouter pour savoir où elle se trouve, et cela évite des recherches toujours longues et fatigantes.

Rappelons à ce propos que l’on attire et capture le cri-cri en remontant une montre.

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 Les bourgeois, qui se moquent trop facilement de certaines peintures actuelles, ignorent les difficultés que rencontrent bien souvent les artistes.

Certains, dénués de ressources, sont forcés de se loger au rabais dans des rues où passent les autobus. De là un léger tremblement de la main qui se retrouve dans leurs tableaux. D’autres, faute de capitaux, sont contraints de voler aux balayeurs des toiles à laver et de peindre avec de l’huile échappée dus taxi-autos. De là une certaine rudesse dans leurs oeuvres et une couleur parfois déplaisante.

Ce que les bourgeois ignorent surtout, — il faut bien le dire, — c’est la façon dont il convient de regarder un tableau moderne. C’est ainsi que des profanes rient stupidement devant les toiles cubistes, tout simplement parce que l’on a commis la faute impardonnable de les accrocher au mur pour les exposer, comme on le faisait pour les toiles , d’autrefois. Le cubisme, en effet, n’est qu’une application du cinématographe à la peinture. Il faut donc que la toile soit en mouvement pour que le geste, fractionné, se recompose. Un de nos grands amateurs d’art les plus connus l’a bien compris, et sa splendide galerie de tableaux rotatifs est actuellement une des merveilles de Paris. Cette galerie est composée de tableaux remuants qui tournent sur un pivot à la manière de anciens kinétoscopes. C’est ainsi que l’on voit, au long des murs, des nymphes se baigner, sortir de l’eau, puis entrer à nouveau dans le bain, des chiens faire le beau, des chevaux courir indéfiniment sur un hippodrome. Dans quelques années, c’en sera fait des tableaux morts que nous accrochons actuellement dans nos salons.

On ne voudra plus que des tableaux vivants dignes de ce nom, actionnés au moyen de petites dynamos branchées sur la canalisation électrique. C’est une véritable révolution dans la peinture. Nos amateurs feront bien d’y prendre garde.

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 On s’est étonné, depuis quelque temps, de voir la place Pigalle transformée en véritable cour des miracles.

Stationnaient autrefois, en attendant les peintres désireux de les embaucher, se trouvent aujourd’hui en permanence d’extraordinaires estropiés : des borgnes, des manchots, des culs-de-jatte, d’infortunés ouvriers ayant eu la moitié de la figure emportée dans un engrenage où la colonne vertébrale prise dans une courroie de transmission. Une rapide enquête nous a permis de nous assurer qu’il s’agissait bien toujours là du marché des modèles qui se tient autour du bassin de la place Pigalle.

Seulement, depuis quelques années, la peinture a évolué, des écoles nouvelles ont pris la première place, les cubistes et les futuristes sont à l’ordre du jour. Ils ne sauraient plus s’accommoder, cela se conçoit, des figures du Père Éternel ou de la Madone que leur offraient les Italiens classiques. Il leur faut des modèles appropriés à leur genre de peinture, et c’est ce qui a transformé radicalement l’aspect du marché aux modèles.

C’est là un curieux signe des temps

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 Parmi les nouveautés à la mode, il faut noter une petite hachette très pratique et que peuvent porter, le dimanche, à la ceinture, les célibataires pressés. Cette hachette, on l’a deviné déjà, sert à se frayer un passage au travers des familles dominicales qui se tiennent par la main et barrent complètement nos grandes avenues. Le procédé paraîtra peut-être un peu vif, mais c’est le seul que l’on puisse employer, reconnaissons-le franchement, lorsque l’on a une course urgente à faire

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 De la bonne tenue de leur salon littéraire, la nouvelle boule en métal argenté, en vente dès aujourd’hui daijs les meilleures maisons de Paris et que ses inventeurs ont baptisée de ce nom simple et tout en même temps curieux : une conversation.

Dans son salon, la maîtresse de maison tient à la main cette conversation, nickelée ou argentée, du plus gracieux effet, et joue avec elle en la faisant sauter discrètement comme une balle. Si, par hasard, comme cela arrive souvent de nos jours, un brusque silence se fait, gênant pour tous les invités, la maîtresse de maison n’a qu’à laisser échapper distraitement la boule qu’elle tient à la main. Les invités, galamment, se précipitent tout aussitôt pour la ramasser et l’entretien reprend de plus belle.

C’est une petite invention charmante et des plus utiles à une époque où les conversations de salon se font, bien souvent, languissantes.

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Que nos élégantes qui portent des colliers d’ambre se méfient.

Plusieurs procès en divorce sensationnels viennent  de rappeler à notre attention la curieuse propriété que possède l’ambre d’attirer à lui les corps légers, entre autres le papier. Quelques dames, ayant dissimulé dans leur sein un billet qu’elles venaient de recevoir, ont vu avec stupéfaction ce billet remonter et se fixer en évidence au collier d’ambre, au moment même où l’électricité statique, par le frottement, avait été développée dans ce collier

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 Parmi les nouveautés mondaines de l’année, d’un caractère élégant, il faut signaler le nouveau house-pyjama-housse, pour réceptions du matin. Ce pyjama, en gaze jaune cirée, analogue aux housses que l’on met sur les lustres dorés en province, recouvre entièrement le visage et le corps de la personne qui le porte. Il permet de recevoir, le matin, des quémandeurs ou des importuns, sans fatigue, et de somnoler, au besoin, sans être remarqué par son interlocuteur, pendant qu’il parle. Au surplus, cette petite tenue négligée indique suffisamment à la personne reçue qu’on ne tient pas à prolonger l’entretien. Elle est un avertissement discret : elle est à l’esprit ce que les housses sont aux meubles.

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 Le nouvel appareil à sécher les larmes se compose d’un mignon nécessaire de pocho renfermant un petit singe en peluche monté sur une pince se plaçant sur le nez et une glace de poche. Un rapide coup d’oeil dans la glace suffit à sécher les larmes, tant est ridicule l’aspect du visage avec ce petit singe perché sur le nez. C’est ce que la Science nous offre de mieux sur ce chapitre.

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 A signaler, dans les jolies créations qui peuvent constituer un gracieux cadeau d’étrennes, le nouveau silencieux pour dames, en soie rose cartonnée, qui s’adapte exactement sur la bouche et est vendu, prêt à être posé, dans un élégant emballage. Ce silencieux est analogue à celui que l’on emploie pour les voitures automobiles. Il évite tout bruit, toute discussion, toute conversation fatigante, sans empêcher pour cela la dame qui le porte de dire tout ce qui lui plaît. Le silence le plus absolu est obtenu, et c’est là l’essentiel. Le silencieux pour dames préserve, l’hiver, des grippes, des maux de gorge. Il se rejette élégamment sur l’épaule, comme un boa, et son élégance séduira toutes les femmes. Ajoutons, à titre documentaire, qu’il existe une variante du silencieux pour dames : le rustre silencieux pour hommes. Mais on nous dispensera d’en parler dans ce recueil entièrement consacré à la science, aux élégances et au bon goût.

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Gaston de Pawlowski fut juriste et fondateur de l’Union vélocyclopédique de France, disciple d’Alphonse allais et ami de Willy. Son principal admirateur fut Marcel Duchamp qui, paraît-il, s’inspira de ses « Voyage au pays de la quatrième dimension »pour son œuvre. Il participa aux débuts du journal le Canard enchaîné en 1916. Il composa des ouvrages comme La philosophie du travail, et dirigea trois journaux : Le Vélo, L’Opinion, Comoedia.

Inventions nouvelles et délicieusement incorrectes # Gaston de Pawlowski

Gaston de Pawlowski, Inventions Nouvelles et dernières  nouveautés, Editions Finitude.


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