Nouvellement nommée Directrice de Collection aux éditions Dominique Leroy, Chocolat Cannelle propose une nouvelle collection « E-ros et Bagatelles » de textes courts, érotiques et numériques et à prix doux. Elle répond à mes questions dans une interview, à la suite.
En ligne actuellement, « Exercices stylistiQues », une sélection gratuite de textes d’auteurs issus d’un jeu littéraire à contraintes lancé sur NeoPLaisir. On y remarque la plume canaille de Isabelle Loredan dont on pourra lire d’ailleurs toujours chez Dominique Leroy son nouveau livre « Un, deux, trois… Nous irons en croix » dans une nouvelle collection E-ros D/S consacrés aux récits SM.
Laissez-vous aussi enchanter par la savoureuse fable érotique de Flo « La vraie histoire de Jeanneton » qui se déroule au rythme joyeux et entrainant de la chanson grivoise. Car ici, Mlle Jeanneton est la plus belle des trois cantons, elle est fraiche, légère, et pas farouche. Elle « prend sa faucille et s’en va couper les joncs… », mais toute nue vers la rivière en pensant à ses amants : Le Toine, le Gros-Louis ou l’Agnel. En chemin, elle rencontre « quatre jeunes et beaux garçons » et sa vie ne sera plus du tout, mais plus du tout comme avant ! Ce conte d’initiation réjouira ceux qui aiment encore le temps où l’on se contait fleurette, où l’on peut batifoler dans la nature et faire l’amour sans interdits.
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INTERVIEW
Chère Chocolat Cannelle, je dois donc désormais vous appelez « Madame la directrice de collection aux éditions Dominique Leroy. »Comment s’est faite la rencontre avec les éditions Dominique Leroy ? Comment s’est opérée votre « métamorphose » ?
Le titre n’est pas déplaisant
Merci tout d’abord, Katrin Alexandre, de l’intérêt que vous avez bien voulu porter à la collection e-ros.
Je connaissais depuis un long moment déjà les éditions Dominique Leroy, parce qu’il s’agit d’une des rares maison d’édition consacrée à la littérature licencieuse avec, je l’avais découvert alors avec surprise, un fond important de romans de flagellation. Dois-je préciser que je suis curieuse et m’intéresse à tout livre qui n’est pas en devanture des grandes librairies ? Découvrir le site de la maison d’édition a été un régal, je n’avais jusqu’alors par exemple jamais admiré d’illustration de Carlo. De fait, je m’étais abonnée de suite à la newsletter. C’était il y a peut-être trois ans de cela…
Je chronique des livres érotiques depuis 2008 pour le site Internet du magazine Sensuelle, quelques fois pour le webzine de Neoplaisir, bien plus encore pour mon blog. J’aime lire, j’ai toujours beaucoup lu, j’aime partager mes lectures, aussi Internet me permet d’assouvir grandement cette passion.
Passer de lectrice-rédactrice à un travail dans l’édition ne m’a pas semblé une grande transformation. Tout, toujours, tourne autour du livre… et je considère qu’il s’agit d’une activité complémentaire en somme, un peu plus amont de ce que je continue par ailleurs de faire.
Comment est né cet intérêt pour la littérature érotique ? Que recherchez vous dans ce genre de littérature ?
Ce n’est pas la littérature érotique seule qui m’intéresse et c’est même une découverte tardive que j’ai faite, mais il est vrai que depuis que j’ai commencé à en lire, je n’ai pas arrêté… Il m’a été donné de lire davantage de livres érotiques en recevant les dernières publications d’un certain nombre de maisons d’édition, j’ai poursuivi naturellement dans cette voie et si je n’ai pas cherché à m’orienter vers d’autres genres d’écrits, c’est très certainement parce que cela me convient très bien !
Il est difficile d’expliquer pourquoi cet intérêt intial. J’aurais envie de répondre que cela m’est tombé dessus, en ayant bien conscience que ce n’est pas une réponse !
J’aimais et aime toujours la puissance des mots qui expriment un émoi, mais il y a aussi une part non négligeable de curiosité envers ce que je ne connaissais pas, et la curiosité m’est restée parce que je n’ai pas encore une cuture érotique réellement imporante, et je n’ai certes pas fini de découvrir des écrits, des auteurs, que ce soient des textes soient anciens ou contemporains.
Quelle est la ligne éditoriale de cette toute nouvelle collection « Eros et Bagatelle » ?
e-ros & bagatelle n’est en réalité qu’une subdivision de la collection e-ros. Il s’agit de récits érotiques que je qualifierais de plus délicats, badins, libertins. Les amateurs de mots crus n’y trouveront donc pas leur bonheur, mais se tourneront vers e-ros & ceteri, orienté vers les autres dans un pluriel suggestif, mettant en scène une sexualité débridée. Ceux qui aiment les récits de domination, les écrits SM, le claquement du fouet, auront e-ros D/s et les amateurs de lettres enfiévrées e-ros épistolaire…
Il me tenait à cœur également de proposer des récits illustrés, à la façon des livres d’enfants, mais bien sûr avec un contenu qui n’avait rien d’enfantin ! Ainsi a été créé e-ros graphique. Et puis tout récemment me sont venues l’idée et l’envie de proposer des textes plus anciens : que lit-on communément de la littérature libertine des siècles passés ? Ne pourrait‑on pas faciliter l’entrée vers ces textes en proposant non pas seulement des versions intégrales – bien sûr intéressantes, elles aussi ! – mais des extraits choisis ? C’est ainsi une nouvelle façon de découvrir ces textes que propose e-ros & curiosa, avec une approche thématique et (j’y tiens, décidément!), des illustrations.
Plus généralement e-ros est une collection de nouvelles. Pas de textes longs, trente pages en format A5 approximativement par volume, et toujours un prix modique pour une grande facilité d’accès que reflètent aussi ces choix de lectures sous différents formats (pdf, ePub, prc) : les e-books de la collection e-ros peuvent figurer et se lire aussi bien sur son ordinateur que sur son smartphone.
Nous souhaitons mettre en avant des talents encore peu connus ou totalement inconnus, mais aussi laisser libre cours aux envies d’écriture ou d’images de ceux et celles qui ont envie de partager un bout de notre aventure, quels qu’ils soient, même avec un passé éditorial un peu plus important.
Vous souhaitez publier des auteurs et illustrateurs contemporains. Comment choisissez les textes, vos auteurs et illustrateurs ? Quels sont vos critères de sélection ?
L’intérêt que suscitent les textes et les images vient en premier lieu ! Et cet intérêt n’est parfois que récent, parce que je fais une découverte, au hasard de pérégrinations sur le web ou de suggestions que l’on a pu me faire qui s’avèrent judicieuses, mais aussi plus ancien : j’ai ainsi contacté certaines personnes, auteurs et illustrateurs, que je connaissais déjà, dont j’avais pu apprécier antérieurement les œuvres.
Je ne suis en somme pas en terrain inconnu : la blogosphère à la fois érotique, culturelle, artistique, fait partie désormais de ma vie, la littérature érotique sous la forme traditionnelle du livre mais aussi sous la forme de récits placés sur des blogs et sites personnels ou communautaires m’est proche. J’ai des coups de cœur, des auteurs dont je suis les écrits, des sites où je reviens avec plaisir, même si ce n’est qu’épisodiquement. Internet est un vivier de créations et je suis heureuse d’ouvrir une porte vers l’édition que je considère comme une mise en lumière des talents de chacun.
Les critères de sélection sont donc éminemment subjectifs : j’aime ou je n’aime pas. Je me fie à mes propres goûts, sachant bien que ce ne sont pas nécessairement ceux de tous, mais me disant aussi que je n’aime pas non plus sans raisons et que si j’aime, parce que je lis aussi les textes comme tout lecteur lambda, d’autres que moi aimeront très certainement… Je me fie aussi à mon expérience de la littérature, et je ne parle alors pas seulement de la littérature érotique, mais de ces livres que je côtoie depuis mon enfance, de ceux que j’ai étudiés, des textes que j’ai essayé de faire aimer lorsque j’enseignais. Je me fie aussi aux personnes avec lesquelles je communique, lorsque je sens quelque chose de vivant en elles, l’envie de faire et de bien faire…
Des études montrent que les livres érotiques en version numérique sont plébiscités par les lecteurs, plus qu’en littérature générale. A votre avis, pourquoi ? Que viennent chercher vos lecteurs dans un livre numérique plutôt que dans un livre papier ?
Je suis bien en peine de vous répondre ! Est-ce lié au fait qu’il est ainsi plus facile de soustraire les livres érotiques au regard d’autrui en les contenant dans des fichiers anodins, est-ce parce que l’on souhaite moins exposer ces œuvres dans sa bibliothèque familiale ? Est-ce parce que les librairies traditionnelles proposent un rayonnage érotique souvent peu achalandé et que les lecteurs se tournent donc plus facilement vers des librairies en ligne et donc peut-être aussi vers des éditions numériques ? Ce ne sont que des suppositions…
Que pensez-vous en général de l’évolution du marché du livre numérique ? Le livre « papier » serait-il condamné ?
Condamné ? Cela m’étonnerait fort, et ce n’est certainement pas ce que je souhaite. Les deux ne peuvent-ils pas cohabiter en paix ? Ce n’est pas parce que je travaille pour une maison d’édition numérique que je n’apprécie pas de tenir des livres en mains. Il y a une dimension affective du livre objet, des expériences sensuelles que sont le toucher des pages, le bruit des feuilles que l’on tourne que ne peuvent remplacer les livres numériques, la dédicace d’un auteur ou le petit mot griffoné par celle ou celui qui nous a offert le volume, il y a ces pages que l’on corne aussi, que l’on malmène un peu mais qui nous conduisent à relire nos passages favoris.
Cela dit, avouons que le livre numérique est tellement pratique ! Avec ces derniers, les étagères de la bibliothèque ne s’effondrent pas ! (Je plaisante, parce que c’est ce qui m’est arrivé récemment avec mon rayonnage érotique trop dense…). Pas de place occupée dans son intérieur, un fichier sur un ordinateur, la possibilité d’emmener toute une bibliothèque avec soi : ce sont des critères non négligeables et des raisons de séduire de plus en plus de personnes.
Le peu que j’ai lu sur l’évolution du marché du livre numérique (parce que, soyons honnêtes, l’aspect créatif m’intéresse au plus au point, mais dès qu’il s’agit de parler vente et chiffres d’affaire, mon intérêt décroît, et pour une réponse plus judicieuse et plus informée, ce serait l’éditeur qu’il conviendrait d’intérroger) me laisse penser qu’elle n’en est qu’à ses balbutiements en France et que bien du chemin doit se parcourir encore. Ce n’est pas déplaisant de se trouver dans quelque chose qui ressemble à une aventure, avec des incertitudes, mais une probable progression, quelque chose qui va de l’avant…
Vos auteurs fétiches ?
En littérature érotique, Françoise Rey. Lorsque j’ai lu sa nouvelle Nuit de noce, j’ai été subjuguée. Je le suis d’ailleurs quasiment à chaque lecture, depuis.
D’autres auteurs lus plus récemment m’ont enthousiasmée : par exemple, Anna Galore qui tient d’ailleurs un site d’e-books érotiques, Anne Bert avec L’eau à la bouche, et je surveille de près la sortie de son prochain livre pour ne pas manquer de le lire !, Philippe Bertrand dont j’ai beaucoup apprécié La Baronne n’aime pas que ça refroidisse... Et je ne vais pas bouder mon plaisir en évoquant aussi Miriam Blaylock, qui a écrit un conte pour ma collection…
En ce qui concerne la bande-dessinée qu’il ne faut certainement pas oublier, s’il ne fallait citer qu’un nom, ce serait Georges Pichard.
Si l’on ne se contente pas de la littérature érotique, je pourrais citer en vrac Nathalie Sarraute, Milan Kundera, Léopold Sédar Senghor, Ismail Kadaré, Hermann Hesse, Franz Kafka,…
Votre livre de chevet ?
En ce moment, Le Sexe bizarre d’Agnès Giard, que je me suis offert en me baladant à la librairie La Musardine, lors de nos courtes vacances à Paris. Un livre auquel je reviens par bribes, entre d’autres lectures, découvrant à chaque fois une forme de fétichisme dont je ne soupçonnais parfois même pas l’existence.
Quels sont vos projets « numériques » pour la rentrée et 2012 ?
Pour le mois d’octobre tout d’abord, deux e-books dans deux catégories différentes de la collection : D/s avec Un, deux, trois… Nous irons en croix d’Isabelle Lorédan qui a plusieurs publications de nouvelles chez différents éditeurs à son actif, graphique avec la collaboration de Miriam Blaylock (auteur) et de Jérémy Kartner (illustrateur) pour le conte Le Petit Chaperon vert.
Le ryhtme de publication étant défini en principe à deux volumes tous les deux mois, les publications suivantes interviendraient en décembre puis en février. Devraient y figurer une anthologie sur le personnage de la nonne dans les écrits libertins des XVIIe au XIXe siècle illustrée par Denis, un recueil de textes sur le libertinage et les plaisirs de la table écrits par des blogueurs, deux courts récits mêlant domination et fétichisme illustrés par Fabrizio Pasini… D’autres projets sont en cours ou débutent tout juste, il est donc un peu tôt pour les évoquer…