Il me semble que les musées anglais ont souvent une approche pédagogique beaucoup plus développée que leurs homologues français, non seulement par l’importance des cartels, notices explicatives, dépliants en tout genre, mais aussi parce que la visite y est guidée, orientée, prédéfinie (ainsi sur un cartel : « si vous regardez maintenant derrière vous à gauche, vous verrez une toile de X où les motifs ceci et cela ont des similitudes formelles avec ceux du tableau de Y qui est devant vous »). On peut trouver cela excellent, éducatif, formateur, ou on peut au contraire revendiquer un peu plus de liberté, d’autonomie du regard : question de culture, de familiarité avec les œuvres, de rigueur ou de fantaisie.
C’est dans ce sens que l’exposition sur Diane Arbus au Jeu de Paume (jusqu’au 5 février) est révélatrice : aucun texte dans les salles, si ce n’est l’identification des œuvres, pas de logique apparente dans le parcours sinon une vague chronologie pas toujours respectée (à l’exception, étrangement, d’une seule salle thématique dédiée à ses photographies d’handicapés mentaux en 1970/711, peu avant son suicide ; mais d’autres photos des mêmes se trouvent disséminées ailleurs). C’est un contraste complet avec l’exposition au Victoria & Albert il y a six ans, infiniment plus structurée, organisée, directive.
Certes la première salle au Jeu de Paume est iconique, avec certaines de ses photographies les plus connues : des triplés, des handicapés mentaux, un ‘all-american boy’, un travesti, deux nudistes, une ‘socialite’, et (ci-dessus) elle-même nue et enceinte dans le miroir d’une porte de guingois (une de ses toutes premières photographies, en 1945).
Enfin, ce portrait étonnant de Viva, actrice de Warhol (la première à avoir fait l’amour dans un film, parait-il), nommée
seulement Superstar, aux yeux renversés, droguée, endormie ou au septième ciel, avec la touche érotique de la pilosité de ses aisselles.
Les deux dernières salles de l’exposition sont, au contraire dédiées à la documentation, parfois inédite (je me suis ainsi plongé dans sa correspondance avec la BNF sur les longues tractations pour l’achat d’une vingtaine de ses photographies). Elles sont très riches. Je garde aussi en mémoire l’exposition par Pierre Leguillon des magazines dans lesquels des photos de Diane Arbus avaient été publiées, et qu’il avait montrés chez Kadist, contournant ainsi l’interdiction faite par The Estate et mettant magnifiquement ces images dans leur contexte de publication initiale.